Chacun le sait, l'objectif non avoué, mais évident, de la privatisation annoncée de GDF, qui s'effectuera au profit exclusif des actionnaires de Suez, est tout simplement de créer un concurrent face à EDF sur le marché de l'électricité.
En l'occurrence, il s'agit non pas de renforcer GDF, mais de permettre à Suez d'acquérir une nouvelle dimension pour venir concurrencer frontalement EDF.
Au cours de ce débat, vous arguerez sans doute - vous l'avez déjà fait à l'occasion des discussions relatives à l'ouverture à la concurrence d'autres secteurs d'activité - qu'un service public peut être géré par un autre acteur qu'une entreprise publique. J'entends déjà certains nous expliquer que c'est le cas pour l'eau.
Je n'entrerai pas ici dans cette polémique. Toutefois, je sais que bon nombre de nos concitoyens s'interrogent fortement sur la véritable nature du service public de l'eau lorsqu'ils voient les prix prohibitifs et les différences tarifaires d'une commune à l'autre. Et, alors que tout le monde se pose des questions sur l'utilisation et la sauvegarde de cette ressource, les dividendes augmentent et tombent dans l'escarcelle des actionnaires des sociétés, notamment Suez ou Veolia, et ce pour leur plus grand profit.
Je connais également les difficultés que beaucoup d'entre nous rencontrons en tant qu'élus locaux avec les entreprises gérant ce service public. Mais la question n'est pas là.
Mes chers collègues, nous avons déjà soulevé le problème qui motive cet amendement.
En effet, lors de l'examen d'un précédent amendement, nous avons rappelé que l'article 1er de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières dispose que l'État peut également conclure « avec les autres entreprises du secteur de l'électricité et du gaz assumant des missions de service public, des contrats précisant ces missions ». Le problème, mes chers collègues, est que ces missions ne sont pas précisées !
Nous devons donc revenir à la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, en particulier à son article 2, qui précise que le service public de l'électricité assure « le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, le développement et l'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, ainsi que la fourniture d'électricité ». Le I de cet article fixe la « mission de développement équilibré de l'approvisionnement en électricité » et le II définit la « mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ». Le 1 du II mentionne la « desserte rationnelle du territoire national par les réseaux publics de transport et de distribution, dans le respect de l'environnement, et l'interconnexion avec les pays voisins » et le 2 dispose que le « raccordement et l'accès » aux réseaux électriques doivent s'effectuer de manière « non discriminatoire ».
Pour autant, le législateur, qui est habitué à la qualité des infrastructures et de la gestion d'EDF, n'a pas à l'époque jugé utile de préciser que le service public impliquait également de garantir la sécurité dans le fonctionnement des réseaux. Nous le voyons, la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité n'est peut-être pas aussi complète que certains le disent.
Or, à la veille de l'attribution de missions de service public d'électricité à des entreprises privées, il nous semble nécessaire de rappeler dans la loi l'obligation de garantir la sûreté des réseaux. À mon sens, c'est le moins que nous puissions faire.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter cet amendement.