Nous sommes convaincus, monsieur le ministre, que, contrairement à ce que vous déclarez, votre projet de loi remet en cause la péréquation tarifaire et que, à terme, nous serons amenés à constater des inégalités tarifaires sur notre territoire.
La spécificité de la répartition de la population comme des activités en France, en dehors de quelques zones géographiques parfaitement intégrées au mouvement global des activités et des échanges internationaux, est telle que 80 % des habitants de notre pays ainsi qu'une part équivalente de la richesse nationale et de l'activité économique sont concentrés sur moins d'un quart de la surface du territoire national.
Aujourd'hui, chacun peut accéder à l'énergie et à la fourniture d'électricité sur la base d'un simple contrat, qui devient effectif au bout de quelques jours. Qu'en sera-t-il demain ?
Nous proposons donc de préserver, à l'avenir, la péréquation tarifaire, dispositif qui nous semble essentiel.
L'expérience montre à l'évidence que la hausse des prix est non pas une donnée conjoncturelle mais une tendance de fond, concomitante des processus de libéralisation.
J'évoquerai une fois de plus, à cet égard, l'exemple de la Grande-Bretagne, où l'on constate déjà l'introduction de tarifs différenciés selon les modes de paiement, ce qui conduit naturellement à pénaliser les titulaires de bas revenus.
Par ailleurs, les crises de pénurie qui sévissent sur les marchés de l'énergie entraînent l'apparition de phénomènes de spéculation, la véritable flambée du prix de l'électricité échangée sur les marchés à court terme le montrant clairement.
S'agissant d'EDF et de GDF, établissements désormais inscrits dans une logique de concurrence, si la péréquation tarifaire est encore garantie, les prix pratiqués pour les services sont déjà discriminatoires.
Et demain, avec l'arrivée en masse sur le marché de nouveaux opérateurs qui seront uniquement guidés par des impératifs de rentabilité, les menaces pesant sur la péréquation tarifaire seront très fortes.
Faut-il rappeler que l'électricité et le gaz sont des biens vitaux, non substituables dans la plupart de leurs utilisations ? En conséquence, la demande est peu sensible aux variations de prix et les usagers sont particulièrement désarmés face à de telles hausses, que nul n'est en mesure de contester. La libéralisation du marché de l'énergie ouvre donc la voie à un rationnement par l'argent.
Nous tenons à souligner que la logique de bénéfices et de profits qui prévaut dans le secteur privé n'est pas compatible avec un tarif social de l'électricité et du gaz. En effet, nous passons d'une logique de vente au prix de revient, telle que prévue par la loi de nationalisation de 1946, à la recherche de la rentabilité financière maximale.
Par conséquent, dans un souci de justice sociale et afin d'empêcher le rationnement par l'argent, nous réitérons notre demande d'une pleine péréquation tarifaire. C'est l'autorité constituée par l'État lui-même qui est à la base de la garantie offerte aux usagers. Nous souhaitons que cette notion soit inscrite dans la loi.
Tel est l'objet du présent amendement.