Les amendements n° 51 et 52 soulèvent incontestablement certaines questions.
Mes chers collègues, le syndrome de l'indépendance des autorités de régulation aurait-il encore frappé ? Une fois encore, un parlementaire, quelle que soit par ailleurs sa qualité, est amené à passer par-dessus un certain nombre d'autres autorités, pour imposer à toute force des dispositions législatives pour le moins problématiques.
Ainsi, pour quel motif est-ce encore une fois par la voie d'un amendement parlementaire qu'il est procédé à un nouveau « dépeçage » de la responsabilité première de l'État dans l'expression de l'intérêt général ?
En effet, si nous adoptions sans coup férir ces deux amendements, nous limiterions encore un peu plus le pouvoir, reconnu tant au Gouvernement qu'aux assemblées parlementaires, de dire et d'écrire le droit.
Ce démantèlement organisé du domaine de la loi et du règlement ne peut pas être accepté sans que d'autres autorités, en particulier le Conseil d'État, aient été saisies du contenu même des dispositions visées. Nous en venons d'ailleurs à nous interroger sur la recevabilité de ces amendements au regard de nos textes constitutionnels.
En outre, d'autres motifs nous incitent à rejeter le principe de ces deux amendements.
Au sein de la directive « gaz » de 2003, rien n'indiquait que les autorités de régulation nationale constituées dans les différents pays de l'Union européenne dussent disposer de l'autonomie financière et de l'absolue indépendance juridique. La seule question en matière de régulation abordée concrètement dans la directive ne portait en effet que sur le champ réel des compétences reconnues à ces autorités. Le principe d'un socle minimum commun de compétences a ainsi été consacré, mais cela ne nécessite nullement la moindre initiative juridique.
Au demeurant, rien ne permet, par exemple, d'exclure que la France choisisse, pour assurer les fonctions de régulation, de faire appel à une structure d'une autre nature que l'actuelle CRE. Pourquoi ne pas solliciter alors l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz, créé par la loi de février 2000, ou encore le Conseil supérieur de l'énergie, créé par l'article 45 de la loi de 1946 ? Il est d'ailleurs assez incroyable de constater, à la lecture de cet article 45, que le législateur de l'époque avait parfaitement intégré la notion de régulation, avant même que vous ne la proposiez dans le cadre de la transposition de la directive de 1998.
Un autre élément est tout aussi important : dans son rapport annuel de 2005, la Commission de régulation économique ne fait absolument pas référence au problème de sa qualité juridique et de son autonomie financière.
M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de la régulation de l'énergie, pourtant sourcilleux lorsqu'il s'agit de mettre en conformité l'activité des marchés énergétiques avec les textes européens, ne se plaint absolument pas de manquer des outils nécessaires pour agir. Le rapport précise même qu'il est attentif à ne pas empiéter sur le champ de compétence d'autres instances de régulation.
Décidément, rien ne justifie l'adoption des propositions de M. le rapporteur général, et nous vous invitons à rejeter ces deux amendements sans la moindre équivoque.