Intervention de Benoist Apparu

Réunion du 30 mars 2011 à 22h45
Urbanisme commercial — Discussion générale

Benoist Apparu, secrétaire d'État :

L’aménagement d’un territoire ne peut cependant dépendre de seuls objectifs économiques. Le traitement du commerce comme un secteur « à part » en matière d’urbanisme, nécessitant des autorisations « à part » et des discussions « à part », pose de nombreux problèmes. Les équipements commerciaux sont de grands consommateurs de foncier périurbain, ils génèrent des déplacements importants et sont le plus souvent mal intégrés à leur environnement immédiat.

Il ne s’agit pas uniquement de questions d’architecture ou de plantations paysagères : au-delà de ces deux questions, réelles, la cohérence entre les politiques de transport, d’activité, d’habitat ou encore de commerce est un enjeu majeur. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable au principe qui guide la présente proposition de loi, à savoir le transfert du code de commerce au code de l’urbanisme des autorisations d’ouverture commerciale. Cette mesure devrait permettre aux élus de mieux appréhender la construction de leur territoire dans leurs documents d’urbanisme en intégrant l’ensemble des politiques menées par une ville et que je viens de citer. Bref, les élus doivent disposer dans leurs documents d’urbanisme de l’ensemble des outils qui « font » la ville.

L’état actuel du droit laisse au maire des marges de manœuvre, mais cela n’est pas suffisant. C’est pourquoi nous souhaitons de ce point de vue procéder à une réorganisation, de concert avec le rapporteur Dominique Braye et son homologue de l’Assemblée nationale, Michel Piron.

Là encore, en fonction des situations locales, les cohérences et les impératifs diffèrent.

Prenons l’exemple de Châlons-en-Champagne où je suis élu. Dans cette ville de 65 000 habitants, nous faisons face à une double problématique : l’équilibre entre le centre-ville et la périphérie – préoccupation commune à l’ensemble des territoires – et, sur la zone de chalandise globale de cette commune, le risque d’évasion commerciale vers d’autres territoires urbains, notamment la ville de Reims qui est située à quarante kilomètres. Nous devons par conséquent développer la périphérie de cette commune pour éviter une évasion commerciale plus lointaine, mais également, en parallèle, maintenir un équilibre entre la périphérie et le centre-ville.

Je prends cet exemple pour ne pas circonscrire le débat à la seule concurrence entre la périphérie et le centre-ville. La problématique est évidemment beaucoup plus complexe que cela : en effet, si nous souhaitons conserver une attractivité territoriale dans certains territoires où existent des phénomènes de « concurrences urbaines », nous devons aussi participer au développement des périphéries.

Par ailleurs, dans l’état actuel du droit, les élus, notamment les maires, disposent d’outils très importants. C’est essentiellement le projet urbain qui permet de tenter d’équilibrer le territoire.

Je cite de nouveau l’exemple de Châlons-en-Champagne. Lorsque nous avons été confrontés à cette question de la concurrence entre le centre-ville, la périphérie et les autres périphéries urbaines, nous avons souhaité mener une action très dynamique en centre-ville, en créant un centre commercial à ciel ouvert, afin de redynamiser le tissu commercial dans cette zone.

Des actions similaires ont été menées par d’autres élus, parmi lesquels figure l’un des auteurs de la présente proposition de loi devenu aujourd’hui ministre des relations avec le Parlement : ce dernier utilise très régulièrement le droit de préemption urbain, dont il a d’ailleurs demandé le renforcement dans le cadre du texte que nous examinons, afin d’organiser le commerce en centre-ville et d’éviter un autre déséquilibre fréquemment observé dans ces zones : la séparation entre le commerce réel d’un coté, et le développement de services de l’autre.

Renforcer les documents d’urbanisme permettra donc d’asseoir les pouvoirs du maire sur une réalité tangible, et le Gouvernement partage pleinement ce souhait du législateur, et plus globalement des élus.

En intégrant l’ensemble des données commerciales dans le code de l’urbanisme, le texte que nous étudions ce soir va dans ce sens. Il s’agit d’une avancée majeure. Selon le Gouvernement, seules des règles d’urbanisme, et non des éléments de nature économique, doivent guider nos choix.

Quelle contradiction devons-nous gérer aujourd’hui ?

D’un coté, il existe un droit commercial lié à la loi de modernisation de l’économie, qui prévoit que l’autorisation commerciale d’ouverture est soumise à l’autorisation de la commission départementale d’aménagement commercial, ou CDAC, avec une possibilité de recours devant la commission nationale d’aménagement commercial, ou CNAC.

De l’autre coté, il existe une autorisation d’urbanisme classique : le permis de construire.

L’objet du présent texte est de transférer l’ensemble des règles concernant les autorisations commerciales dans le seul droit de l’urbanisme.

Je vous rappelle cependant que les règles du droit de l’urbanisme, notamment celles qui sont relatives au permis de construire, résultent d’une décision non pas d’opportunité, mais de conformité.

D’autre part, un document d’urbanisme ne doit pas intégrer des choix économiques ou commerciaux, mais doit être régi par les seules règles d’urbanisme.

Autrement dit, les règles d’urbanisme consistent à autoriser les implantations là où existe une desserte en transport, à les éviter là où sont situées les meilleures terres agricoles du secteur – solution qui, j’en suis sûr, sera accueillie favorablement par la Haute assemblée –, à définir un nombre de places de parking, des voies d’accès, etc.

Tels sont les critères sur lesquels doivent, à mon sens, reposer les autorisations d’urbanisme.

De ce point de vue, j’imagine que chacun – notamment le président de la commission et le rapporteur avec qui j’ai souvent abordé la question – aura compris le sens de notre démarche : pour le Gouvernement, l’introduction d’une typologie soulève un problème. Sur la base de quels éléments peut-on définir si des commerces offrant des équipements de la maison sont nécessaires à tel endroit et si des commerces d’alimentation sont indispensables à tel autre ? Cela ne revient-il pas à introduire dans des documents d’urbanisme des questions économiques et commerciales ?

Je sais qu’il s’agit d’un point de désaccord avec M. le rapporteur. La discussion nous permettra, je l’espère, d’aboutir à un consensus sur ce sujet, même si j’ai le pressentiment que cela ne sera pas aisé.

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