Intervention de François Patriat

Réunion du 30 mars 2011 à 22h45
Urbanisme commercial — Discussion générale

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

Pourtant, monsieur le rapporteur, vous êtes sensible à nos arguments, et je vous en sais gré. Nous avons, par exemple, proposé d’abaisser le seuil d’autorisation à 300 mètres carrés. Nous sommes prêts à admettre, comme lors du débat sur la loi LME, un seuil de 500 mètres carrés. Il ne faut pas se réfugier derrière la Commission européenne, comme vous l’avez fait. Vous savez comme moi que la question du seuil ne figure dans aucun texte européen. Il n’existe pas de seuil obligatoire.

Je tiens également à souligner que certaines des dispositions introduites dans le texte par la majorité sénatoriale peuvent avoir des effets pervers, car elles conduiraient à entériner de facto les situations de monopole.

Monsieur le rapporteur, sur votre initiative, dans les secteurs où seront autorisées les surfaces supérieures à 1 000 mètres carrés, les élus pourront distinguer le type de commerce – commerces d’alimentation, d’équipement de la personne, d’équipement de la maison, de loisirs.

Mais, à y regarder de plus près, cette typologie, qui pourrait avoir un sens si les règles locales étaient applicables sur tout le territoire, aurait des effets pervers si elle n’était appliquée qu’à quelques zones commerciales. Ainsi, dans les villes où existent des situations de monopole, personne n’a intérêt à l’implantation d’un concurrent, à part évidemment le consommateur.

Donner la possibilité aux élus d’autoriser l’implantation de tel ou tel type de grande surface revient à les autoriser à interdire certains commerces et, de facto, à permettre aux commerçants et aux lobbies locaux de faire pression lors de l’élaboration du DAC, puis de contester les décisions qui en découleront. Comme l’indique notre collègue Jacques Mézard dans l’objet de l’un de ses amendements, c’est là un facteur de complexité et d’incertitude.

Le problème, vous l’aurez compris, monsieur le rapporteur, c’est que votre typologie ne s’applique pas aux commerces de moins de 1 000 mètres carrés. Partout, les surfaces comprises entre 300 mètres carrés et 999 mètres carrés demeurent libres d’installation. Certes, nous le constaterons lorsque nous examinerons les amendements, certaines choses sont sur le point de changer, des progrès – nous les approuvons – ont été réalisés lors des travaux de la commission.

En l’espèce, le danger réside non pas dans la liberté d’installation, mais dans la capacité des monopoles, quand ils existent, à faire pression sur les élus locaux. Or les monopoles que nous évoquons sont précisément ceux qui refusent obstinément de baisser les prix.

Au risque de me répéter, je rappelle que c’est l’absence de toute régulation en deçà de 1 000 mètres carrés qui a conduit à l’explosion des surfaces intermédiaires à laquelle les élus doivent aujourd’hui faire face. Le risque est que ces enseignes fassent faillite et que les élus se retrouvent avec de nouvelles friches commerciales.

Aujourd’hui, on le constate, ce sont ces surfaces qui se diversifient. Ainsi, par exemple, des hard discounters intermédiaires imposent des conditions de concurrence déraisonnables pour les artisans – boulangers, charcutiers, fleuristes et cavistes – des centres-villes. Après les villages, ce sont les villes moyennes que vous allez vider de leur animation !

Enfin, le texte issu de la commission ne permet pas de résoudre les problèmes posés par la confusion entre autorisation de construire et autorisation d’implantation.

Au vu des pièces demandées pour l’obtention d’un permis de construire, les élus ne peuvent pas disposer de critères sur lesquels s’appuyer afin de décider de l’opportunité ou non d’une implantation commerciale.

C’est la raison essentielle pour laquelle nous présenterons de nouveau en séance les amendements qui ont été rejetés en commission, notamment ceux qui sont relatifs aux seuils et celui qui tend à instaurer le principe d’une validation des permis de construire à vocation commerciale par le président du SCOT.

À l’issue de nos débats, nous tirerons les conclusions qui s’imposent. Si la proposition de loi entérinait la dérégulation introduite par la loi de modernisation de l’économie, si elle confirmait une vision ultralibérale des territoires, si les solutions proposées n’étaient pas suffisantes pour permettre aux centres-villes de retrouver leurs activités, nous ne pourrions pas la voter à vos côtés.

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