Comment peut-on accepter, alors que les Britanniques viennent de célébrer Trafalgar avec un faste exceptionnel, de surcroît avec le concours du porte-avions Charles de Gaulle en témoignage de réconciliation, alors que les Allemands projettent d'organiser l'an prochain à Iéna un grand « rendez-vous avec Napoléon », que le Gouvernement n'ait finalement célébré la reine des batailles qu'à travers la personne du garde des sceaux, place Vendôme - sans doute parce que c'est aussi le siège du ministère de la justice -, et de Mme le ministre de la défense, présente sur le plateau de Pratzen ?
Comment l'opinion ne serait-elle pas troublée quand le Gouvernement assure la promotion, à la Commission nationale consultative des droits de l'homme, de l'auteur d'un ouvrage comparant, dans un raccourci surréaliste et anachronique, Bonaparte à Hitler et évoquant la déportation des esclaves sur l'île d'Elbe ?
On peut admirer le Premier consul et détester l'Empire, mais nous ne saurions souscrire à cette politique qui renonce à célébrer un homme qui prenait cent décisions par jour et ne se contentait pas de créer des commissions ! Nous ne saurions souscrire à cette politique qui veut faire plaisir à tout le monde et s'adapter en permanence à l'air du temps.
Nous recevons tous l'ouvrage consacré aux célébrations nationales. L'édition de 2006 évoque Iéna, qui avait donné l'occasion à Hegel d'écrire à son ami Niethammer, au lendemain de la bataille : « J'ai vu l'Empereur, cette âme du monde, sortir de la ville pour aller en reconnaissance. C'est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré sur un point, assis sur un cheval, s'étend sur le monde et le domine. »
Mes chers collègues, jusqu'à quand allons-nous refuser d'assumer notre histoire ? La nation a aujourd'hui plus que jamais besoin de repères. Si l'on veut assurer un avenir à nos enfants, leur montrer le chemin, encore faut-il qu'ils sachent d'où ils viennent.