Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 18 novembre 2004 à 10h00
Financement de la sécurité sociale pour 2005 — Débat sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat thématique qui se tient aujourd'hui nous permet d'approfondir la situation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui connaît un déficit important et croissant.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les données relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, que notre collègue M. Gérard Dériot a déjà exposées. Ainsi qu'il vous l'a indiqué, l'évolution des comptes de la branche s'inscrit dans un contexte de diminution des accidents de travail et des accidents de trajet, mais de hausse des maladies professionnelles.

Alors qu'elle était structurellement excédentaire jusqu'en 2002, la branche AT-MP connaît depuis lors un déficit croissant. Il est ainsi passé de 45 millions d'euros en 2002 à 475 millions d'euros en 2003 et devrait atteindre 505 millions d'euros en 2004 et 704 millions d'euros en 2005.

Si l'accroissement du déficit résulte d'une progression des charges plus vive que celle des recettes, je voudrais mettre en évidence le poids croissant des contributions de la branche AT-MP aux fonds « amiante », le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Ces contributions progresseront, en effet, de 200 millions d'euros en 2005, pour s'établir à 800 millions d'euros.

Je voudrais rappeler que l'impact financier de l'indemnisation des victimes de l'amiante est très élevé. Ainsi, d'après les données du rapport présentant l'impact financier de l'indemnisation des victimes de l'amiante remis au Parlement l'an dernier, la fourchette de coût de la prise en charge des victimes de l'amiante - indemnisation et cessation anticipée d'activité - serait comprise entre 1, 3 milliard et 1, 9 milliard d'euros par an et entre 26, 8 milliards et 37, 2 milliards d'euros pour les vingt prochaines années. J'espère qu'en entendant ces chiffres très élevés, mes chers collègues, vous vous rendez compte de l'étendue du désastre !

Je voudrais à présent faire le point sur la situation des fonds « amiante ».

Le FIVA voit ses dépenses croître puisqu'elles devraient atteindre 470 millions d'euros en 2004, d'après les derniers chiffres qui m'ont été communiqués, contre 176, 7 millions d'euros en 2003.

Il me paraît important de souligner que la situation du FIVA n'est pas totalement assurée en 2005, puisqu'il devrait lui manquer environ 75 millions d'euros pour faire face à ses dépenses, qui sont estimées à 600 millions d'euros.

Il m'a été indiqué qu'une contribution de l'Etat à ce fonds était envisagée. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apportiez des précisions sur ce point.

L'équilibre du FCAATA, qui reçoit une contribution des branches AT-MP du régime général et des salariés agricoles ainsi qu'une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs, sera atteint grâce à l'institution d'une contribution à la charge des entreprises.

Cette contribution, qui a vocation à responsabiliser les entreprises, sera due à raison de l'admission d'un salarié ou d'un ancien salarié au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée versée par le FCAATA.

Je rappelle que le montant de la contribution fait l'objet d'un double plafond : d'une part, il ne peut dépasser 2 millions d'euros par année civile pour chaque entreprise redevable, quel que soit le nombre de salariés concernés ; d'autre part, il est plafonné, pour chaque entreprise redevable, à 2, 5% de la masse totale des salaires payés au personnel pour la dernière année connue.

En outre, les entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire seront exonérées de cette contribution, qui devrait rapporter 120 millions d'euros en 2005.

Au 31 décembre 2003, 25 717 personnes avaient bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité versée par le FCAATA, contre 18 032 au 31 décembre 2002.

Le montant des prestations servies par le FCAATA au cours de l'exercice 2003 s'est élevé à 516 millions d'euros, en progression de plus de 50 % par rapport à 2002. Les charges de ce fonds devraient atteindre environ 660 millions en 2004 et près de 753 millions d'euros en 2005.

Enfin, il me paraît essentiel d'évoquer la possibilité d'un passage d'une réparation forfaitaire à une réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Divers travaux ont été menés sur ce sujet et le rapport remis en mars 2004 au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité par M. Michel Laroque met en évidence le coût élevé d'une telle évolution de la réparation.

Le surcoût annuel d'une réparation intégrale de tous les accidents du travail et maladies professionnelles est ainsi évalué à 2, 9 milliards d'euros.

Il serait ramené à 1, 58 milliard d'euros en cas de réparation intégrale des seuls accidents ayant entraîné une incapacité permanente ; à 1, 18 milliard d'euros en cas de réparation intégrale des seuls accidents ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ; à 671 millions d'euros en cas de réparation intégrale des seuls accidents ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 20 %.

En outre, une réforme de l'indemnisation devrait conduire à adapter les règles de mise en jeu de la responsabilité de l'employeur et à redéfinir celles de la faute inexcusable.

L'article 54 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie invite les partenaires sociaux à présenter au Gouvernement et au Parlement des propositions de réforme de la gouvernance de la branche AT-MP, ainsi que, le cas échéant, d'évolution des conditions de prévention, de réparation et de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Il m'a été indiqué que le Gouvernement saisirait dans les plus brefs délais les partenaires sociaux afin qu'ils engagent cette concertation.

Il me paraît sage d'attendre leurs propositions, afin de disposer de la base de réflexion la plus large possible pour amorcer une évolution de la branche AT-MP, en en mesurant toutes les conséquences, et en attachant bien évidemment un soin particulier aux considérations financières, alors que cette branche est désormais durablement déficitaire.

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