Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il faut bien reconnaître que, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le principe du déficit récurrent de la branche accidents du travail et maladies professionnelles se trouve institutionnalisé !
A cet égard, permettez-moi de rappeler que la loi du 25 juillet 1994 fixe pourtant un objectif d'équilibre des comptes. Or, faire varier les engagements de la branche en fonction d'une estimation « stabilisée » de ses ressources entraîne une véritable perversion du principe fondamental de son fonctionnement. Nous n'avons pas manqué d'attirer l'attention sur ce point depuis plus de deux ans.
Les incidences de cette situation sont extrêmement graves, tant pour la pérennité du système, qui devrait favoriser la prévention et protéger les salariés, de plus en plus exposés à la suite de la dégradation de leurs conditions de travail, que pour la sécurité sociale dans son ensemble, qui verrait sans aucun doute son avenir mieux garanti si le principe de financement de la branche AT-MP était respecté par les employeurs.
En effet, depuis dix ans, les coûts liés aux maladies professionnelles supportés par l'assurance maladie représentent 144 milliards d'euros cumulés, soit quelque 14 milliards d'euros par an.
Ainsi, l'étude de 2003 de l'unité santé-travail de l'INVS, l'Institut de veille sanitaire, d'une part, et le rapport du CETAF, le Centre technique d'appui et de formation des centres d'examen de santé, d'autre part, évaluent à plus de 9 milliards d'euros le montant des dépenses de soins relatives aux cancers d'origine professionnelle mises chaque année à la charge de la collectivité par les entreprises, qui devraient pourtant les assumer au travers de la branche AT-MP. De même, en ce qui concerne le traitement du canal carpien, c'est une dépense annuelle de 2 milliards d'euros qui devrait être couverte par les cotisations des entreprises.
Mais, en sous-estimant chaque année le rôle et le poids de cette branche importante de notre système de sécurité sociale, le Gouvernement nie, avec beaucoup d'efficacité du reste, la question toujours plus importante de la santé au travail, ainsi que celle de la prévention et de son efficacité sociale et économique. Ce n'est certainement pas avec les 330 millions d'euros reversés à la branche maladie au titre des frais supportés par cette dernière que nous pourrons faire face au financement de la réparation des troubles causés par l'amiante, et encore moins de ceux qui sont liés à l'utilisation d'éthers de glycol. A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé que vous envisagiez d'en interdire un certain nombre : qu'en est-il aujourd'hui ?
Certes, on nous présente une augmentation sensible de la contribution de la branche AT-MP au financement du FIVA, soit 200 millions d'euros contre 100 millions d'euros en 2004. Cependant, là encore, cela ne permettra ni de répondre aux besoins des personnes concernées ni de rattraper les baisses des années passées.
Nous devons alors constater que, faute de moyens suffisants, le FIVA, créé pour faciliter et accélérer les démarches d'indemnisation, a dû porter de six mois à neuf mois le délai de reconnaissance du caractère de maladie professionnelle. Certaines provisions, le cas des cancers excepté, ne sont plus versées. Le service juridique du FIVA doit aujourd'hui traiter plus de 700 dossiers par mois, contre 500 prévus au départ.
Pour toute personne atteinte par l'amiante, on le sait, chaque jour porte sa charge d'inquiétude et de souffrance. Il n'est pas acceptable non plus que de plus en plus de victimes et de familles doivent renoncer à se tourner vers le FIVA, parce que les tribunaux indemnisent beaucoup mieux que ne le fait ce dernier et parce que la justice permet la condamnation des responsables pour faute inexcusable, ce qui est exclu dans le cas d'un recours au FIVA. Nous avions d'ailleurs dénoncé ce fait dès la création du fonds.
Dans ces conditions, que penser de la réduction à néant de la contribution de l'Etat au FIVA pour la deuxième année consécutive ? L'Etat employeur s'exonère ainsi d'une contribution pourtant prévue dans le texte fondateur. Il ne respecte donc pas ses obligations au regard de la réparation des préjudices qu'il a fait subir à ses agents en les exposant à l'amiante. Cette attitude est particulièrement révélatrice de l'attitude réelle du Gouvernement ! On pourrait dire que l'Etat détient le premier rang en matière de sous-déclaration des maladies professionnelles et des accidents du travail !