Intervention de Brigitte Girardin

Réunion du 8 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Outre-mer

Brigitte Girardin, ministre :

Les deux agents retenus prendront leurs fonctions prochainement, puisque l'adjoint au chef des travaux publics de Futuna quittera la métropole le 23 janvier 2005 et que le contrôleur principal en charge des travaux routiers rejoindra Wallis le 6 février prochain.

S'agissant de Mayotte, le budget de l'outre-mer, conformément à l'article 65 de la loi du 11 juillet 2001, remboursera la collectivité départementale de ses dépenses de personnel. Une mesure nouvelle de 2, 4 millions d'euros est inscrite à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2005.

Quant à la coopération régionale entre les collectivités ultramarines et les pays périphériques, elle sera intensifiée en 2005 et les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2005 permettront d'accroître de 18 % la capacité d'engager des actions nouvelles.

Votre intervention en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon, monsieur Detcheverry, est juste et la situation fragile de l'archipel requiert toute notre attention.

L'accord franco-canadien sur l'exploitation des hydrocarbures, que nous allons signer, permet de faire reconnaître une ouverture des Canadiens sur l'avitaillement des plates-formes pétrolières. Les autorités françaises ont en outre décidé de déposer à la Commission de l'ONU un dossier d'extension du plateau continental.

Sur la pêche, même s'il reste matière à préoccupation, on enregistre aussi des progrès. Ainsi, Saint-Pierre-et-Miquelon a pu récupérer à l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest, l'OPANO, des quotas supplémentaires prometteurs pour l'archipel.

Enfin, les dotations inscrites sur l'investissement au titre du FIDOM, du FIDES et des infrastructures seront assurées en 2005 au même niveau que dans le budget précédent et permettront de poursuivre la contractualisation, avec pour priorité le soutien des équipements publics.

Comme vous le savez, les contrats de plan ont été prolongés d'une année, voire de deux ans dans le cas particulier de Mayotte. Ce délai supplémentaire, monsieur Giraud, devrait permettre à cette collectivité d'accéder au statut de région ultrapériphérique et de bénéficier ainsi des fonds structurels européens dans le cadre du document unique de programmation, ou DOCUP, qui sera établi pour la période 2007-2013.

Vous m'avez interrogée, monsieur Virapoullé, sur les suites du mémorandum - d'ailleurs inspiré par votre rapport - que la France, l'Espagne et le Portugal ont remis à la Commission en juin 2003. La Commission, dans sa communication du 26 mai et dans son rapport du 6 août 2004, a repris les principales suggestions qui y figuraient et a proposé la création d'un fonds spécifique de compensation des surcoûts, doté de 1, 1 milliard d'euros. Nous travaillons avec les services de la Commission sur les modalités concrètes d'application de cette décision.

Je vous fais part de ma très grande vigilance sur ce dossier, et je puis vous affirmer que nous travaillons en étroite collaboration avec toutes les collectivités d'outre-mer concernées : en ont témoigné les travaux de novembre dernier sur les accords de partenariat économique qui se sont tenus en Guadeloupe pour les Antilles-Guyane et à la Réunion pour l'océan Indien.

Par ailleurs, le Gouvernement a mené à bien l'importante réforme de l'octroi de mer, confortant ainsi un régime qui était gravement menacé de disparaître. Par cette réforme, que vous avez votée l'été dernier, la part essentielle des ressources des collectivités locales issues de l'octroi de mer est préservée. En outre, une véritable avancée a été réalisée, comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous, en particulier M. Lise : les communes recevront de nouvelles ressources d'investissement, puisque 80 % du montant du fonds régional pour le développement et l'emploi, le FRDE, viendront dorénavant abonder directement la section d'investissement de leurs budgets. Cela représente une recette d'investissement supplémentaire et libre d'emploi de l'ordre de 40 millions d'euros.

Au-delà du budget de l'outre-mer, vous le savez, j'ai demandé et obtenu que soit prise en compte dans le cadre de la réforme de la dotation globale de fonctionnement la spécificité des communes d'outre-mer, conformément à l'article 47 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, qui dispose que « les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales d'outre-mer font l'objet de dispositions particulières qui tiennent compte de leurs caractères spécifiques ».

Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2005, il est tenu compte du critère de la superficie pour le calcul de la DGF des communes. J'ai souhaité qu'il soit introduit notamment pour régler les problèmes particuliers des communes de Guyane. Grâce à l'amendement, soutenu par le Gouvernement, que vous avez adopté dans cette enceinte mercredi dernier, le plafonnement de cette mesure a été élevé au double de la dotation de base. Cette mesure, qui procurera un gain supplémentaire de 3 millions d'euros pour la DGF des communes de Guyane, contribuera à répondre à la préoccupation que m'ont maintes fois exposée les élus de ce département.

Par ailleurs, le coefficient de majoration du ratio démographique permettant de calculer la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement a été majoré. Cette augmentation, grâce à un amendement soutenu par le Gouvernement, passe de 10 % à 33 %.

Enfin, la dotation nationale de péréquation, la DNP, dans le calcul de la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement a été étendue aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, qui jusqu'à présent n'en bénéficiaient pas.

Grâce à un amendement présenté par MM. Virapoullé et Detcheverry et soutenu par mon collègue Jean-François Copé, mon projet de création d'une quote-part « ultrapériphéricité », destinée à compenser une partie des handicaps structurels des communes ultramarines, a enfin pu aboutir. Toutes les communes d'outre-mer, y compris les trois circonscriptions des îles Wallis et Futuna, bénéficieront ainsi d'un abondement supplémentaire tenant compte de leur spécificité, notamment de leur éloignement géographique de la métropole et de leur insularité.

Ainsi, les communes d'outre-mer pourront bénéficier globalement d'un rattrapage qui avait été évalué à environ 30 millions d'euros par le comité des finances locales. Ce montant s'ajoute, bien entendu, aux mesures liées à l'indexation de la DGF, qui représente une augmentation de 3, 29 %.

S'agissant de la piste de Mayotte, monsieur Giraud, je peux vous apporter quelques précisions. En effet, en février dernier, le Gouvernement a validé les conclusions de l'étude du schéma directeur comportant la réalisation d'une nouvelle piste dite « convergente » sur le site actuel de l'aéroport. Cette opération est essentielle pour l'avenir de Mayotte et, à la suite des importants travaux d'élargissement de la piste actuelle et d'agrandissement de l'aérogare, 500 000 euros ont été délégués au préfet de Mayotte pour lancer les premières études techniques de l'avant-projet de cette nouvelle piste, conformément au calendrier prévu.

Vous m'avez interrogée, monsieur Gillot, sur la situation budgétaire de la commune de Saint-Martin.

La future collectivité recevra la pleine compétence fiscale ; il lui incombera donc de dégager les ressources qui lui permettront de financer elle-même l'exercice de ses compétences. En outre, elle recevra, à due proportion des publics concernés, les dotations de l'Etat actuellement versées au département et à la région de la Guadeloupe pour l'exercice des compétences départementales et régionales qui lui auront été transférées.

Il appartiendra donc aux élus de la future collectivité d'arrêter les indispensables mesures de redressement financier, en concertation avec l'Etat. Celui-ci sera leur partenaire naturel et attentif dans l'apprentissage de l'exercice des compétences nouvelles ; car, loin d'envisager d'abandonner Saint-Martin, nous entendons l'aider à bien réaliser ce transfert.

A ce propos, je me félicite de la mission prochaine de la commission des lois de votre assemblée dans les îles du Nord, et je souhaite travailler en étroite liaison avec elle à la mise en place des futurs statuts de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Je vous rassure, monsieur Balarello, et je le répète : nous sommes très vigilants, car nous souhaitons éviter toute dérive dans quelque domaine que ce soit.

Vous m'avez interrogée, monsieur Lise, monsieur Larcher, sur l'application des nouvelles dispositions de l'article 73 de la Constitution relatives aux nouveaux pouvoirs normatifs des départements et des régions d'outre-mer.

Je vous confirme qu'il entre bien dans les intentions du Gouvernement de faire adopter les dispositions nécessaires à l'entrée en vigueur de l'article 73, dispositions qui relèvent de loi organique. Elles seront donc incluses dans le projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, qui sera déposé sur le bureau de votre assemblée au début de l'année prochaine. Ce projet de loi organique comprendra également les dispositions statutaires relatives à Saint-Barthélemy et Saint-Martin ainsi que diverses actualisations des statuts en vigueur, qui doivent être mis en harmonie avec la Constitution révisée le 28 mars 2003.

Le problème lié à la décentralisation, que vous avez abordé, monsieur Lise, est une préoccupation que partage également M. Larcher. Il pourrait trouver une solution dans le cadre des potentialités de l'article 73 de la Constitution, dont la rédaction, vous le savez, a été notablement assouplie par la révision du 28 mars 2003. Je suis pour ma part ouverte à toute proposition en ce domaine, et je suis prête à examiner dans quelle mesure vos préoccupations pourront être prises en compte dans le projet de loi que je viens d'évoquer.

Je voudrais, avant de terminer, dire quelques mots de la Polynésie française, puisque plusieurs d'entre vous l'ont évoquée, et faire avec vous le point sur ce dossier à l'issue des négociations qui ont eu lieu récemment à Paris.

Les réunions de travail qui se sont tenues au ministère de l'outre-mer à partir du mardi 23 novembre 2004, auxquelles participaient les forces politiques de Polynésie française, ont permis de dégager des points de convergence entre la délégation conduite par M. Gaston Flosse, président en exercice de la Polynésie française, et celle que dirigeait M. Oscar Temaru. Un communiqué signé le 27 novembre par ces deux leaders politiques a ainsi validé plusieurs points.

Premièrement, le principe d'un renouvellement général de l'Assemblée de Polynésie française était admis par les deux parties, les divergences portant sur le calendrier. En effet, M. Flosse souhaitait que ce renouvellement général ait lieu douze mois après l'élection partielle imposée par l'annulation du scrutin dans la circonscription des Iles-du-Vent, et M. Temaru, pour sa part, souhaitait que cette élection partielle n'ait pas lieu et que le scrutin de renouvellement général s'y substitue.

Deuxièmement, au-delà de ce principe de renouvellement général de l'assemblée, les parties sont convenues que la dissolution de l'assemblée de Polynésie française était impossible.

Que voulez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le droit est le droit ! Après deux mois de débats et de polémiques, tout le monde a fini par comprendre que le Conseil d'Etat risquait, statuant en référé, de suspendre immédiatement, puis d'annuler, un décret de dissolution soumis à la signature du Président de la République. On en serait alors revenu au même point !

Tous en sont donc convenus, la voie menant à des élections générales n'empruntant pas celle de la dissolution, il fallait par conséquent recourir à une loi organique.

La reprise des travaux était subordonnée à la libération des bâtiments publics avant le dimanche 28 novembre, à midi. Cela avait fait l'objet d'un accord, signé à la fois par M. Flosse et par M. Temaru, document dans lequel il était bien précisé que les travaux ne se poursuivraient qu'à la condition que tous les bâtiments publics occupés de façon illégale par les partisans de M. Temaru soient libérés.

Je dis bien « de façon illégale » puisque, au moment où nous discutions, une ordonnance du Conseil d'Etat est intervenue exigeant la libération, dans les soixante-douze heures, de l'ensemble des locaux occupés de façon irrégulière par les militants proches de la mouvance politique de M. Temaru.

Or, malgré l'engagement écrit qu'il avait pris, M. Temaru n'a pas respecté cette condition. Il est donc responsable, et lui seul, de la suspension des travaux que, pour ma part, je suis prête à reprendre avec les deux parties, dès que les locaux occupés auront été libérés.

En tout état de cause, le Gouvernement se doit de respecter les dispositions de la loi organique du 27 février 2004, ce qui implique que l'élection dans la circonscription des Iles-du-Vent doit être organisée dans un délai de trois mois à partir de la date de l'arrêt du Conseil d'Etat du 15 novembre 2004. En conséquence, un décret de convocation des électeurs interviendra prochainement afin d'organiser cette élection partielle le dimanche 13 février 2005.

A partir des déclarations des uns et des autres, je comprends que tout le monde semble maintenant souhaiter ces élections partielles. Dans l'hypothèse où un accord sur le renouvellement intégral de l'assemblée interviendrait, le Gouvernement engagerait les procédures nécessaires afin, notamment, de modifier le calendrier électoral. Quant à la forme du texte, une proposition de loi organique serait plus judicieuse, si l'on veut respecter les délais très brefs qui restent à courir d'ici au 13 février 2005. Mais, je le redis, les conditions de l'accord que tout le monde a signé doivent être respectées et les négociations ne pourront reprendre qu'après libération complète de l'ensemble des bâtiments publics.

En examinant sans parti pris et en toute objectivité ce budget, certes élaboré dans un contexte budgétaire contraint, vous constaterez, ainsi que l'ont relevé vos rapporteurs, que le ministère de l'outre-mer s'inscrit résolument dans la politique de modernisation de l'Etat décidée par le Premier ministre, en anticipant la réforme de la gestion publique mise en oeuvre par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. J'ai souhaité que cette préparation active aux nouvelles expérimentations de la LOLF soit appuyée par un cabinet d'audit et des contrôleurs de gestion que nous sommes en train de recruter.

Soyez persuadés, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en 2005, je consacrerai tous mes efforts pour que mon ministère s'implique dans cette réforme en profondeur de la gestion publique, avec volonté et dynamisme, dans le respect des engagements du Président de la République et de la loi de programme, gage d'un développement social et économique durable de l'outre-mer.

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