Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 19 mai 2011 à 9h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Vote sur l'ensemble

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Je tiens à redire, à cet instant, notre opposition formelle à cette énième révision de l’ordonnance de 1945 et à l’introduction improvisée de citoyens assesseurs dans le fonctionnement de la justice pénale.

Monsieur le rapporteur, je ne vous fais aucun procès en insincérité ; monsieur le garde des sceaux, je sais les contraintes qui s’imposent à vous. Mais vous sous-estimez les véritables manques de notre justice et vous livrez vos innovations aux aléas de l’expérimentation. C’est inacceptable, au moins sur deux plans.

Tout d’abord, rien, dans les nouveaux dispositifs, ne donne la garantie, ni même l’espoir, que les jurys populaires apporteront une réelle amélioration au fonctionnement de la justice ; bien au contraire !

En effet, un inévitable ralentissement des procédures en résultera. En outre, ni leur mode de sélection, ni l’ébauche d’information-formation qui leur sera dispensée, ni le rythme de traitement des affaires par les juridictions correctionnelles ne permettront de placer les citoyens assesseurs en situation de juger sérieusement : des jurés citoyens, oui, mais pas dans ces conditions !

Monsieur le garde des sceaux, il s’agit donc d’une mesure populiste, d’un leurre que le Gouvernement propose à l’opinion publique, sans égards pour l’efficacité réelle de la justice ni pour l’égalité des citoyens devant celle-ci.

Mais, bien plus grave encore, le deuxième volet de votre texte remet en cause la spécificité de la justice des mineurs.

La régression évidente que marque votre réforme à cet égard est un très mauvais signal adressé aux jeunes délinquants, à leurs familles, souvent dépassées, aux magistrats, aux éducateurs, aux associations d’insertion, à tous ceux qui se consacrent à ce problème si lourd de la délinquance des mineurs.

Votre texte reflète une vision en retard sur des années d’expérience, sur de nombreux engagements constitutionnels et internationaux, une vision sans espoir quant au devenir d’une partie de notre jeunesse, il reflète l’enfermement de votre pensée dans une logique purement répressive, que nous récusons.

Une société qui se trompe aussi lourdement sur ses propres responsabilités, sur son devoir de prévention et de protection à l’égard des mineurs, est une société qui ampute son avenir.

Nous déplorons, monsieur le garde des sceaux, que le débat qui s’est tenu dans cet hémicycle ne vous ait pas ouvert les yeux sur cet enjeu.

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