Intervention de Yvon Collin

Réunion du 19 mai 2011 à 9h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Vote sur l'ensemble

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le garde des sceaux, non seulement notre excellent collègue Jacques Mézard n’a rien à se faire « pardonner », même si ce jour est, paraît-il, propice au pardon, mais il mérite au contraire nos félicitations, car son talent fait la fierté de notre groupe et honore le Parlement !

C’est un truisme que de dire que notre justice est en crise. La réforme de la justice proposée aujourd’hui par le Gouvernement se heurte à la réprobation de la majorité des magistrats. Cela doit nécessairement nous inciter, monsieur le garde des sceaux, à nous interroger : comment peut-on réformer une institution judiciaire en crise contre l’avis même des magistrats ?

Monsieur le garde des sceaux, vous prétendez répondre à cette crise en empilant les lois répressives et en alourdissant la charge de travail des intervenants dans la chaîne judiciaire, tout en dénonçant régulièrement un supposé laxisme des magistrats.

Il ressort clairement de ce débat que ce dont notre justice a besoin, c’est d’abord de moyens humains et financiers qui soient à la hauteur des exigences de l’État de droit. Ce dont nous ne voulons plus, c’est d’une justice qui sacrifie les droits des mis en cause et des victimes au nom de l’affichage médiatique ou d’objectifs purement statistiques.

Or ce projet de loi va manifestement à l’encontre des besoins réels du monde judiciaire. Voulue par le seul Président de la République, l’introduction des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels n’était demandée par personne et, pis, ne répond aujourd’hui à aucun besoin urgent.

Dans ces conditions, le recours à la procédure accélérée pour l’examen de ce texte apparaît comme une nouvelle mauvaise manière faite au Parlement, tenant simplement au fait qu’il avait été décidé ailleurs que cette réforme devrait être votée avant l’été !

Monsieur le garde des sceaux, relisez les propos tenus hier par notre collègue Robert Badinter : cette réforme n’est même pas idéologique, c’est de l’aveuglement, le comble de l’irréalisme !

J’ajoute que les postulats qui fondent ce texte sont plus que contestables. C’est aussi ce que notre collègue Jacques Mézard n’a cessé de répéter durant ce débat : votre projet de loi ne contribuera qu’à désorganiser encore un peu plus le fonctionnement de la justice judiciaire en alourdissant la charge de travail des magistrats, que nous savons déjà bien pesante, et en allongeant la durée des audiences, alors que l’audiencement est déjà inextricable. De plus, il grèvera des moyens financiers déjà très largement insuffisants.

Monsieur le garde des sceaux, juger est un métier : il est manifeste que la maigre journée de formation allouée aux citoyens assesseurs est insuffisante, pour ne pas dire dérisoire.

Vous l’aurez compris, nous ne cautionnerons pas ce texte qui participe à l’inflation législative, alors que le droit pénal a besoin au contraire de stabilité normative. Nous en reparlerons sans doute, monsieur le garde des sceaux, lors de la discussion du prochain projet de loi de simplification du droit…

Nous ne cautionnerons pas davantage le volet relatif à la justice des mineurs, dont le dispositif se résume à une aggravation de la répression au détriment du relèvement éducatif des mineurs, qui constitue pourtant la pierre angulaire de l’ordonnance de 1945.

La création du tribunal correctionnel des mineurs est une nouvelle atteinte au principe général de spécialisation des juridictions pénales pour mineurs, tout comme la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement devant le tribunal pour enfants.

Une fois de plus, on tend à rapprocher la justice des mineurs du droit pénal applicable aux majeurs, sans chercher véritablement à comprendre les causes premières de la délinquance juvénile, qui sont le plus souvent sociales.

La très grande majorité des membres du groupe du RDSE votera contre ce texte.

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