Sans reprendre les différents arguments qui ont été avancés par les sénatrices et sénateurs de gauche, auxquels je souscris pleinement, je souhaite toutefois réaffirmer en introduction que la gauche n’est ni immobile ni immobiliste. Nous aussi, nous voulons des réformes !
Ainsi, nous ne nous opposons pas au principe d’une meilleure participation des citoyens au fonctionnement de la justice. Mais ce n’était ni le bon moment, ni le bon tempo, ni la bonne méthode pour avancer sur cette voie.
Au demeurant, il ne s’agissait pas d’une attente des citoyens, fondée sur des motifs légitimes, mais d’une demande pressante et urgente d’un seul d’entre eux, le Président de la République, fondée sur des motivations que je ne préfère pas détailler. Reste que je vous donne acte du fait que vous n’êtes pas à l’initiative de ce texte, monsieur le garde des sceaux.
Il suffit d’écouter les jurés d’assises tirés au sort pour se rendre compte que les citoyens ne souhaitent pas spécialement participer au fonctionnement de la justice pénale.
S’ils arguent du fait qu’ils n’ont pas le temps ou que cela ne les intéresse pas, leurs arguments ne sont peut-être pas acceptables. En revanche, lorsqu’ils mettent en avant le fait que la justice n’est pas leur métier et qu’ils ont peur de se tromper, soit en envoyant un innocent en prison, soit en relâchant un coupable, ils méritent d’être entendus. Il est vraisemblable d’ailleurs que cette peur de se tromper soit plus importante encore pour les deux citoyens assesseurs que pour des jurés appelés à s’insérer dans des groupes de six, neuf ou douze personnes, le nombre permettant d’alléger un peu la responsabilité de chacun.
Permettez-moi une suggestion en forme de sourire : si le but est vraiment de faire participer et de former les citoyens au fonctionnement de la justice pénale, pourquoi ne pas demander aux très nombreux étudiants de deuxième année en droit d’effectuer un stage de quinze jours en qualité de citoyens assesseurs ? Cette expérience leur serait sans doute très utile et l’on éviterait peut-être ainsi un encombrement de la justice, qui n’avait vraiment pas besoin de ce coup bas.
Quant aux mineurs, le système actuel donnait satisfaction, même s’il n’était pas efficace à 100 % – aucun dispositif ne saurait l’être, de toute façon.
J’ai déjà eu l’occasion de rappeler au cours des débats que seuls 5 % des enfants délinquants deviennent des adultes délinquants. Ce pourcentage méritait-il de tout renverser et de tout casser ? Fallait-il vraiment utiliser les moyens de la justice pénale, adaptés à la psychologie et au comportement des adultes, pour traiter cette délinquance des mineurs ? Ce chemin devait-il être emprunté ou convenait-il, au contraire, de prendre davantage en compte la spécificité de cette délinquance, en tenant compte de l’âge de ses auteurs ? Ne fallait-il pas envisager une vraie réforme pluri-ministérielle plutôt qu’un texte relevant du seul ministère de la justice ?
L’opposition n’est pas immobile, monsieur le garde des sceaux ; elle aurait volontiers étudié une réforme de cette ampleur. Malheureusement, tel n’est pas le cas. Dans ces conditions, vous comprendrez que nous votions contre ce texte.