Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 26 octobre 2010 à 14h30
Débat préalable au conseil européen des 28 et 29 octobre 2010

Pierre Lellouche, secrétaire d'État :

Tous ces chiffres sont à la disposition du Sénat. Ils ne sont même pas discutables, puisqu’inscrits dans les lois des États membres de l’Union européenne. Je tiens le tableau chiffré à votre disposition, madame la sénatrice !

Mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de l’ensemble de la gouvernance économique, budgétaire et financière européenne, que la France et l’Allemagne entendent mener avec détermination, n’est pas sans lien avec la persistance d’importants désordres monétaires internationaux, que le Président de la République dénonçait voilà plus d’un an déjà – il était d’ailleurs bien le seul à le faire.

Or on constate aujourd’hui que le prochain G20, qui se tiendra à Séoul les 11 et 12 novembre et qui sera préparé par le Conseil européen ce jeudi, devrait être dominé par les questions monétaires : à la suite de différentes interventions sur les marchés pour faire évoluer les taux de change des monnaies, plusieurs pays, comme le Brésil, ont en effet mis en garde contre le risque d’une « guerre des changes ». Cette question a d’ailleurs dominé l’ordre du jour des assemblées annuelles du Fonds monétaire international, le FMI, et de la Banque mondiale les 8 et 9 octobre dernier.

Lors de ces assemblées, nous avons obtenu que le FMI renforce ses travaux et sa surveillance sur la volatilité des mouvements de capitaux, des taux de change, et l’accumulation des réserves de change.

La réunion des ministres des finances, qui s’est tenue ce week-end en Corée du Sud, a d’ailleurs été largement consacrée à ce sujet : les ministres se sont engagés à ce que les taux de change soient davantage déterminés par le marché et à ne pas effectuer de dévaluations compétitives. Un système de surveillance des grands déséquilibres structurels est mis en place en vue de maintenir les balances courantes à des niveaux soutenables. Enfin, le FMI évaluera désormais, entre autres, les politiques monétaires et de change des pays du G20.

Je rappelle également que le sommet du G20 de Toronto avait donné pour mandat au FMI de trouver un accord sur la réforme des quotas et de sa gouvernance d’ici au sommet de Séoul. C’est chose faite avec l’accord trouvé lors du G20 Finances du week-end dernier, qui reprend très largement la proposition européenne.

Concrètement, l’objectif fixé lors du sommet du G20 de Londres en 2009 d’un transfert de 5 % des quotes-parts du FMI aux pays émergents et aux pays sous-représentés a été largement dépassé, puisque ce transfert sera de plus de 6 %.

De plus, le conseil d’administration du FMI, maintenu sur notre demande à vingt-quatre membres pour permettre aux États émergents d’y avoir toute leur place, sera entièrement élu. L’Europe perdra toutefois deux sièges à la suite de cette réforme, ce qui montre d’ailleurs les nouveaux équilibres mondiaux.

Cet accord sur la gouvernance prévoit également de renforcer les outils du FMI pour faire face à des chocs systémiques. C’est, pour la France, un élément indissociable de la réforme de la gouvernance du FMI.

Enfin, le capital du FMI est doublé, ce qui multipliera d’autant sa capacité d’intervention.

Après la réforme réussie de la Banque mondiale au printemps dernier, cet accord illustre les progrès réalisés en matière de gouvernance mondiale et conforte l’approche française lors de sa présidence du G20, avec les trois grandes priorités présentées par le Président de la République : réforme du système monétaire international, plus que jamais à l’ordre du jour, réponse à la volatilité du prix des matières premières, réforme de la gouvernance mondiale.

Concernant la préparation du sommet de Cancún sur le climat, qui se tiendra du 29 novembre au 10 décembre prochain, je souhaite rappeler quatre messages sur lesquels l’Europe doit travailler.

Premièrement, l’Europe n’a pas à rougir de son bilan carbone. Elle apparaîtra, à Cancún, comme le meilleur élève en termes de résultats d’atténuation des émissions de C02. Ce résultat s’explique pour l’essentiel par les effets positifs du paquet « énergie-climat », adopté durant la présidence française de l’Union européenne.

Deuxièmement, en termes de méthode, l’Union européenne se présentera à Cancún avec une position unifiée, qui a été arrêtée par le Conseil Environnement du 14 octobre dernier.

Troisièmement, sur le fond, il ne faut pas se cacher que l’évolution des négociations est plutôt décevante à ce stade. Tout en continuant à plaider en faveur d’un accord global juridiquement contraignant, l’Union européenne devra avoir pour objectif d’obtenir à Cancún l’adoption d’un premier jeu de décisions permettant d’intégrer dans l’acquis onusien les principaux éléments de l’accord de Copenhague : limitation du réchauffement climatique à 2° C, suivi des engagements pris par les États membres, mécanismes de soutien.

Enfin, quatrièmement, dans ce contexte, l’Europe maintient sur la table le paquet de propositions qu’elle avait formulées : ouverture à un accroissement éventuel au-delà de 20 % de l’effort de réduction d’émissions de C02, mais dans le respect des conditions définies par le Conseil européen, qui imposent notamment des engagements de réduction comparables chez nos grands partenaires émetteurs de C02 ; meilleure prise en compte des risques comme les « fuites de carbone », en cas de renforcement de l’effort de réduction des émissions de C02 consenti par l’Union européenne.

La France est favorable à la poursuite de l’analyse faite par la Commission dans sa communication au printemps dernier, qui reconnaissait, comme l’avait recommandé le Président de la République, que le « mécanisme d’inclusion carbone », la fameuse « taxe carbone aux frontières », était bien une des possibilités pertinentes pour lutter contre les fuites de carbone.

Dernier point à l’ordre du jour, le Conseil européen se penchera sur l’organisation des sommets à venir avec les grands pays partenaires de l’Union européenne, notamment les États-Unis, la Russie, l’Ukraine.

Il s’agit, sur ce point, d’appliquer à tous ces sommets la méthode identifiée dans les conclusions transversales du Conseil européen du 16 septembre dernier, qui préconisaient l’adoption par l’Europe d’une approche véritablement stratégique des relations avec ses grands partenaires.

J’insisterai plus particulièrement sur le sommet tripartite avec la Russie, qui s’est tenu à Deauville – n’en déplaise à Mme Reding – le 19 octobre dernier, à l’invitation du Président de la République, en présence de la Chancelière allemande et du Président russe Dimitri Medvedev. Ce sommet a marqué l’entrée dans une ère nouvelle, celle de l’alliance entre l’Europe et la Russie.

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