Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 26 octobre 2010 à 14h30
Débat préalable au conseil européen des 28 et 29 octobre 2010

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1976, dans ses Mémoires, Jean Monnet nous enseignait que « les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité, et ils ne voient la nécessité que dans la crise ».

Avec lucidité, ce père fondateur de l’Europe avait compris que c’est dans l’adversité que l’Union avance. L’ordre du jour du Conseil européen des 28 et 29 octobre démontrera – je l’espère – qu’il avait raison.

Assurément, il voyait juste en affirmant que nous ne voyons la nécessité que dans la crise.

La gouvernance économique et budgétaire de l’Union était insuffisante, nous le savions. Depuis plusieurs années déjà, nous savions que le seuil de 3 % de déficit public fixé par le pacte de stabilité et de croissance était trop rigide pour s’adapter à la diversité des situations économiques des États membres.

Nous savions que la surveillance prévue par le pacte se focalisait sur les seuls comptes publics – tout particulièrement sur le niveau des déficits. Elle n’accordait pas assez d’attention aux autres risques majeurs liés notamment aux écarts de compétitivité des États membres, à l’endettement privé ou aux bulles de prix d’actifs.

Nous savions que l’absence de toute incitation en haut du cycle économique incitait au laxisme budgétaire dans les périodes de croissance.

Nous savions également que l’application du pacte était défaillante.

Mais il a fallu la crise grecque, comme le disait le président Bizet, et la menace d’un éclatement de la zone euro pour voir réellement la nécessité d’améliorer la gouvernance économique de l’Union.

La nécessité, nous la voyons désormais : il s’agit d’un vrai régime de gouvernance économique, adaptée aux périodes de prospérité comme aux périodes de crise. C’est la condition indispensable à la solidarité communautaire, à la cohésion de la zone euro et à la crédibilité de la monnaie unique.

Aujourd’hui, pour assainir les finances publiques des États membres et protéger la cohésion communautaire, il faut repenser les règles, les pratiques et les mentalités.

Je tiens à saluer la force d’initiative dont le Gouvernement français a fait preuve aux côtés de nos partenaires allemands. Les propositions opérationnelles qui ont été formulées conjointement par le président Sarkozy et Mme Merkel vont dans le bon sens. Elles ont utilement pesé sur les propositions qui seront soumises aux chefs d’État ou de gouvernement lors du prochain Conseil européen.

Je salue notamment les propositions franco-allemandes relatives aux sanctions. Premièrement, par nature, la décision d’imposer des sanctions doit rester intergouvernementale. Il faut soutenir la capacité d’initiative de la Commission, mais certaines décisions relèvent des États. En l’affirmant sans détour, on ne porte pas atteinte à l’esprit des pères fondateurs de l’Europe, bien au contraire.

Deuxièmement, la perspective d’une modification du traité de Lisbonne pour autoriser l’imposition de sanctions politiques est intéressante. Cette modification pourrait offrir l’occasion de faciliter les coopérations volontaires afin que les États les plus vertueux puissent s’imposer des règles plus strictes avec ceux qui en sont d’accord, sans que d’autres puissent s’y opposer par leur droit de veto. Les pistes dégagées par notre collègue Pierre Fauchon en mars 2009 dans un rapport fait au nom de la commission des affaires européennes et intitulé Les coopérations spécialisées : une voie de progrès de la construction européenne pourraient utilement inspirer ces évolutions.

J’aimerais attirer votre attention, mes chers collègues, sur deux problématiques d’avenir dont l’Union ne pourra pas faire l’économie si elle veut être une puissance mondiale.

La première, c’est la convergence économique des États membres de l’Union et, en tout premier lieu, des économies française et allemande. Cela fait des années que nous appelons cette convergence de nos vœux.

En décembre dernier, je vous interpellais, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité pour la France de parvenir à mettre en place une impulsion économique commune avec l’Allemagne.

Dans cette affaire, la responsabilité de notre pays me semble aujourd’hui déterminante. La France est en retard par rapport à son voisin d’outre-Rhin. L’Allemagne a initié bien avant nous son ajustement économique.

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