Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 26 octobre 2010 à 14h30
Débat préalable au conseil européen des 28 et 29 octobre 2010

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Faute pour notre pays de procéder aux ajustements structurels qui s’imposent, le couple franco-allemand demeurera un « attelage bancal », pour reprendre une expression de Christian Saint-Etienne que j’ai déjà employée.

C’est la France que le couple franco-allemand attend pour repartir !

Le Président de la République semble en avoir pleinement conscience, comme en témoigne l’effort de réflexion sur la convergence fiscale qu’il a confié au Premier président de la Cour des comptes. Tout simplement, notre vote d’il y a quelques instants sur le projet de loi portant réforme des retraites montre aussi que nous sommes dans cet état d’esprit.

La seconde problématique d’avenir sur laquelle j’aimerais insister concerne les conditions de la croissance de demain, tout simplement parce qu’il serait vain de vouloir instaurer une véritable gouvernance économique et budgétaire européenne sans réunir les conditions de la croissance.

La première de ces conditions, mes chers collègues, c’est la recherche scientifique et technologique. On sait que le savoir est le principal moteur de l’économie. Sans recherche scientifique et technologique, il ne peut y avoir ni innovation, ni investissement, ni croissance. En ne finançant pas assez la recherche publique, en n’encourageant pas assez la recherche privée, la France s’affaiblit depuis une quinzaine d’années.

Le résultat de cette situation est la baisse de notre compétitivité et le déséquilibre de notre balance commerciale. En dix années, entre 1998 et 2008, la France a perdu un tiers de ses parts de marché à l’export.

Une simple comparaison résume le retard que la France accuse : selon l’OCDE, en 2009, notre pays consacrait 42 milliards à la recherche et développement, secteur public et secteur privé confondus, alors que l’Allemagne y investissait 76 milliards et les Etats-Unis, près de 400 milliards.

Je prendrai un seul exemple pour illustrer l’importance stratégique du financement de la recherche. Il s’agit de l’exploration spatiale. J’en parle car je me trouvais hier à Bucarest avec l’ensemble des parlementaires européens et M. Dordain, directeur général de l’ESA, l’Agence spatiale européenne.

Ma question est simple : sommes-nous prêts à mobiliser les ressources nécessaires pour relever ce défi ?

Le 27 octobre dernier, lorsque je vous ai interpellé une première fois sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, vous avez reconnu que le budget de l’Union européenne pour la recherche spatiale représentait le quart du budget américain dans ce domaine.

Mais vous aviez jugé que tout allait pour le mieux en vantant le succès du programme Galileo et en assurant au Sénat que les moyens nécessaires étaient mobilisés.

Un an après, et compte tenu de l’information que j’ai obtenue hier, je soulève de nouveau la question, monsieur le secrétaire d’État, car, premièrement, il n’est pas question de Galileo – l’un des quatre systèmes mondiaux avec le chinois, le russe et l’américain – et, deuxièmement, les moyens nécessaires ne sont pas mobilisés pour l’instant.

Galileo est un projet européen de positionnement par satellites. J’évoque pour ma part l’importance stratégique non pas du positionnement, mais de l’exploration spatiale. En effet, cette dernière a des incidences sur tout notre quotidien.

Par ailleurs, à propos des moyens, il manque aujourd’hui 5 milliards pour financer la poursuite des projets engagés dans ce domaine. Je sais que la situation des finances publiques impose de réduire les dépenses, mais ce serait une erreur très grave de sacrifier l’avenir.

J’aimerais souligner à quel point ce domaine de recherche est stratégique. À propos du climat par exemple, puisqu’il en sera question lors du Conseil européen, nous avons besoin d’un système d’exploration spatiale pour être en pointe sur le sujet.

Savez-vous que c’est en explorant l’atmosphère de Vénus que l’on a pu comprendre l’effet de serre ? Savez-vous également que c’est en explorant l’atmosphère de Mars que l’on pourra comprendre et maîtriser les conséquences du réchauffement climatique, que nous ne maîtrisons pas encore ? Mars est la planète dont l’environnement est le moins différent de celui de notre planète, et, avant d’être désertique, elle a connu dans le passé des conditions en surface assez proches des nôtres. C’est en sachant ce qui s’est passé sur Mars que nous pourrons savoir ce qui se passera dans le monde. Ne sous-estimons pas l’importance des découvertes que nous y ferons quand nous nous en donnerons les moyens !

Je crains que, par manque de culture scientifique et par manque de scientifiques dans des positions de décideurs en France et en Europe, nous ne passions à côté d’un rendez-vous absolument essentiel pour l’avenir. C’est vrai pour l’espace, c’est vrai aussi pour d’autres domaines scientifiques et technologiques.

Je souhaite donc que la France porte le projet spatial européen et soit une force d’impulsion dans ce domaine.

Le constat de Jean Monnet était d’une grande lucidité, mais il n’est pas une fatalité. N’attendons pas la prochaine crise pour agir et pour préparer l’avenir !

Pour terminer, monsieur le secrétaire d’État, je tiens à dire que j’ai été très heureux de cette rencontre à Deauville entre le président français, la chancelière allemande et le président russe. J’ai moi-même rédigé il y a trois ans, à la Commission européenne, un rapport sur la nécessité de l’existence de relations entre l’Union européenne et la Russie. Il s’agit d’un élément fondamental pour l’Europe. Alors que le président russe était au Sénat, il disait d’ailleurs au président Larcher qu’il était nécessaire de relancer les relations entre la Russie et l’Union européenne par le biais de la France et de l’Allemagne. La réunion de Deauville constitue un élément fondamental et je souhaite qu’elle éveille plein d’espoir. Merci encore pour votre action, monsieur le secrétaire d’État.

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