… dans une organisation quelque peu nouvelle, et nous donne l’occasion à la fois de réfléchir ensemble au programme du Conseil et de poser des questions sur les problèmes européens qui nous préoccupent.
Il n’y a peut-être pas foule dans cet hémicycle, mais la qualité est au rendez-vous, comme l’ont montré les différentes interventions, quelle que soit leur tonalité. D’ailleurs, c’est justement dans ces différentes tonalités que l’on peut trouver des éléments susceptibles d’apporter une contribution au débat.
Je voudrais commencer par vous remercier, monsieur le secrétaire d’État. Vous nous avez permis – et c’est l’intérêt de ce débat – de mieux sentir les choses, notamment en nous ouvrant les yeux sur le problème qui s’est posé au sujet des Roms – problème qui a pris, du fait de l’attitude de certains commissaires, une ampleur qui me paraît difficilement acceptable.
Il ne s’agit pas d’un problème entre la France et le Luxembourg, mais entre le comportement d’un commissaire et une vie politique européenne qui ne doit pas donner lieu à des prises de position aussi extrêmes. Aussi, il me paraît important que, tous ensemble, nous nous accordions à ne pas laisser dire n’importe quoi, même si les analyses peuvent diverger sur telle ou telle proposition. En tous les cas, apparaît peut-être ce nouvel équilibre que beaucoup réclamaient, dans lequel le Conseil réaffirme son pouvoir face à la Commission.
Pour ma part, je le vois aux avancées que vous avez indiquées au sujet de la gouvernance économique, qui a été demandée par tout le monde. Même après l’intervention brillante de notre collègue M. Chevènement, je souhaiterais que nous réfléchissions un instant à ce qu’aurait été la situation du franc si nous n’avions pas adopté la monnaie unique. Selon moi, compte tenu du poids du déficit et de la crise financière mondiale, nous avons eu la chance d’avoir cette monnaie unique, bien que tout ne soit pas parfait et qu’il faille aujourd’hui améliorer notre capacité de maîtriser les choses par le biais d’une nouvelle gouvernance économique.
Nous assistons actuellement, avec la démarche franco-allemande, à un renforcement de cette capacité dont on ne peut que se féliciter. D’ailleurs, ce n’est pas une insulte pour d’autres pays que de voir deux moteurs de l’Europe agir de concert : j’étais, quant à moi, de ceux qui s’inquiétaient parfois de sentir certaines divergences !
D’aucuns ont souri lorsque le nom du président européen, M. Van Rompuy, a été évoqué. Pourtant, il a sans doute contribué à ce que l’Europe, en cette période de crise, sache trouver des réponses efficaces, notamment grâce à la contribution incontestable du Président de la République, qui a même entraîné Mme Merkel, au départ moins encline à s’engager dans cette voie.
L’Europe a tout de même permis à la Grèce d’éviter la catastrophe ! Or, quand un pays est dans une situation catastrophique, cela a des répercussions sur l’ensemble des autres pays européens. Il n’y a pas que des solidarités théoriques ; il y a aussi des solidarités de fait. Il était donc indispensable, dans cette terrible crise, que l’Europe soit capable d’abord de mobiliser des crédits, puis de créer ce fonds européen de stabilité financière qui n’était pas prévu par le traité.
Nous nous demandons d’ailleurs comment ce fonds sera pérennisé, puisque chacun sent bien qu’il constitue un outil efficace dont la pérennité est souhaitable pour parer à de futures crises. Il est vrai que les révisions constitutionnelles sont complexes, même si on adopte des solutions simplifiées ; cependant, il y a quand même des biais pour maintenir ce fonds jusqu’au jour où interviendra une reconnaissance officielle. En tout cas, je me permets de vous demander si ce ne serait pas une voie à emprunter pour assurer le maintien de cette capacité d’intervention en cas de crise.
Ce dispositif est important, parce qu’il a aussi un rôle préventif. Si les spéculateurs financiers, ceux qui manipulent les marchés, ceux qui espèrent gagner du fric – passez-moi l’expression – savent que cette possibilité d’intervention existe, ils seront moins tentés par des paris qui pourraient se révéler extrêmement difficiles. Les cotations ont aussi une incidence, notamment sur la charge de la dette dans les différents pays. Alors, n’y a-t-il pas de moyen pour pérenniser ce fonds avant même une modification constitutionnelle ?
Par ailleurs, chacun sent bien que – même si cela ne met pas en cause, comme le précisent les textes, les responsabilités budgétaires des États, qui restent souverains – le fait qu’il y ait une analyse des propositions budgétaires au mois de mars ou avril, en fonction des évolutions pouvant être prévues ensemble, peut aussi prévenir les risques que certains dérapages que nous avons connus ne se répètent. Il s’agit là d’une approche positive.
En ce qui concerne les sanctions, je craignais qu’un problème très difficile ne se pose entre la France et l’Allemagne, qui ne tablait pas au départ sur la même hypothèse d’automaticité. La Commission, de son côté, voulait revenir dans le jeu et réduire un peu les prérogatives du Conseil.
Or, en rappelant que c’est le Conseil qui peut proposer les sanctions et accorder un délai de six mois, c’est aux politiques, pas aux technocrates, que nous donnons toute leur place. Ce n’est pas la Commission qui décide ! Cette évolution politique est heureuse, en tout cas au sens où nous l’entendons, en vue de renforcer le poids politique de la gouvernance européenne.
J’ajouterai juste un mot pour souligner la cohérence qui caractérise l’action développée par la France tant au niveau européen qu’au niveau mondial. Bien sûr, on ne peut que soutenir les efforts du Président de la République pour tenter de déboucher sur un nouvel ordre monétaire mondial ; mais on ne peut pas penser que tout sera réglé du jour au lendemain ! Un pas a été franchi par les ministres à Séoul, comme vous l’avez dit ; il faut sans doute aller plus loin, et ce sera le jeu du Président de la République.
Enfin, selon moi, le fait que l’Europe parle d’une même voix à Cancún est aussi une avancée. C’est, en quelque sorte, ce qui avait manqué à Copenhague.
Cela dit, permettez-moi tout de même de vous interroger sur deux points que vous n’avez pas abordés. Premièrement, quid de la réunion euro-méditerranéenne ? Je suis personnellement un ardent défenseur de cette démarche lancée par le Président de la République, qui me paraît apporter une véritable contribution à l’organisation de la vie du monde.
Malgré les difficultés, malgré Gaza, et bien qu’elle ne puisse avancer aussi vite que prévu, cette politique euro-méditerranéenne doit se poursuivre, car elle permet tout de même d’avancer sur un certain nombre de dossiers. Il ne faut pas abandonner cette ambition. Aussi, j’aimerais connaître votre opinion sur ce point. Pour ma part, je souhaite que la France reste très mobilisée pour que se crée enfin une nouvelle démarche euro-méditerranéenne. Si un processus de paix entre Israël et la Palestine reprenait, cela donnerait peut-être un élan nouveau à cette politique.
Deuxièmement, pour rejoindre ce que j’ai dit sur l’accord entre la France et l’Allemagne, je souhaiterais rappeler que Berlin et Paris ont fait une importante déclaration conjointe sur la politique agricole commune ; il y a eu des prises de position très fortes à ce sujet.
Quels que soient les besoins en matière de politiques publiques – notre collègue Pozzo di Borgo a évoqué la recherche et l’exploration de l’espace –, nous ne devons pas abandonner ce qui est un élément important d’une vraie politique européenne, ce qui a sauvé l’agriculture française et européenne, ce qui permet de répondre aux préoccupations liées à l’alimentation dans tous les pays du monde ainsi qu’à la qualité et à la sécurité dans les pays européens, ce qui permet aussi un aménagement harmonieux et équilibré de notre territoire !
Le traité de Lisbonne a introduit la cohésion territoriale parmi les objectifs des politiques européennes ; là encore, je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité de maintenir une politique régionale capable d’assurer cet aménagement équilibré et harmonieux du territoire. C’est cela, le développement durable ! Car il n’y aura pas de développement durable s’il n’y a pas d’agriculteurs et s’il n’y a pas de vie sur l’ensemble de notre territoire.
Tout cela, c’est une chance pour la France et pour l’Europe ! Voilà pourquoi nous restons très préoccupés par ces évolutions. Je vous remercie néanmoins de ce que vous faites.