Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 26 octobre 2010 à 14h30
Débat préalable au conseil européen des 28 et 29 octobre 2010

Pierre Lellouche, secrétaire d'État :

Certes, de moins en moins, surtout quand l’argent destiné aux plus pauvres n’est pas transféré. Vous comprendrez mon exaspération par rapport à certains propos de la fameuse commissaire sur le problème des Roms, quand on constate que l’argent ne va pas aux Roms. En revanche, il faut que les Français accueillent les Roms. Accueillez-les et payez pour leur insertion, alors que cette insertion ne se fait pas ! Le système ne fonctionne pas. Mon rôle est aussi de dire la vérité sur ces points.

J’en viens aux propos de M. del Picchia. Comment procède-t-on pour réviser le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ? Je pense que les chefs d’État et de gouvernement vont demander à M. Van Rompuy de regarder cela dans le détail au cours des semaines qui viennent.

Il ne m’appartient pas de vous dire comment il faut faire. Il existe plusieurs hypothèses dans le traité pour le réviser. Un commissaire ne peut pas dire aux États : « vous ne révisez pas ». Pour réviser le traité, plusieurs formules sont possibles, dont une procédure simplifiée qui est régie par l’article 48, paragraphe 6. La révision serait possible sans convoquer de conférences ou conventions.

Sur le Service européen d’action extérieure, je me réjouis, bien sûr, de voir la mise en place de notre ami Pierre Vimont, notre ambassadeur à Washington, dans un poste parfaitement stratégique, puisqu’il est le secrétaire général du service européen d’action extérieure européen, et ce dans une équipe de quatre personnes. Il est le primus inter pares, à côté de Mme Ashton.

Il y aurait beaucoup à dire, et l’heure est tardive. Vous demandiez si nous sommes satisfaits de tout cela ? Oui, et nous y travaillons. Il faut faire en sorte que ce service soit un plus pour la politique étrangère de la France et des États sur les sujets que nous considérons comme clés.

Il y a des domaines sur lesquels nous avançons, comme sur les sanctions à l’encontre de l’Iran : l’Europe est capable de prendre des décisions, ensemble et en européens.

Sommes-nous satisfaits de la place des Français dans le dispositif ? Je dispose de chiffres. Au terme de la première série de recrutement menée dans le Service européen d’action extérieure, douze délégations de l’Union européenne sont dirigées par des Français à partir de cet automne, contre dix-sept jusqu’à présent. Mais il faut relever qu’il s’agit de Français qui sont en poste à la Commission européenne.

Dans les mois à venir, nos efforts devront davantage se porter sur les candidats issus de nos services diplomatiques. Il est à noter que ni la France ni le Royaume-Uni, qui ont pourtant les deux plus importants services diplomatiques de l’Union européenne, n’ont obtenu des postes d’ambassadeur. Peut-être faut-il que l’on regarde cette situation de très près.

Enfin, je tiens à évoquer ce qui s’est produit aux Nations unies, et que M. del Picchia a souligné. Cela m’a frappé et est très peu sorti dans la presse française. L’Union européenne a souhaité être représentée de façon digne à l’Assemblée générale des Nations unies.

Tel n’est pas le cas aujourd’hui puisque les nouveaux représentants de l’Union européenne, le président du Conseil européen, le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité‎, la Commission européenne et les délégations de l’Union européenne sont considérés comme les représentants d’une organisation internationale. Ils n’ont donc qu’un statut d’observateur ; ils n’ont pas le droit de participer aux débats et de prendre la parole.

Une résolution visait à donner à l’Union européenne une place, en tant que personne morale, au sein de l’Assemblée générale de l’ONU. Or, le 14 septembre 2010 – cela a été passé sous silence, en tout cas dans les presses française et européenne –, la résolution visant à corriger cette anomalie a été ajournée. Cet ajournement s’est produit à l’initiative, tenez-vous bien, des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. La majeure partie des ACP, la Chine et la Russie ont voté cette motion de procédure. Des pays proches, comme le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, se sont abstenus.

Voilà qui en dit long lorsque nous, européens, continuons de nous considérer comme le centre du monde et faisons des discours que je trouve, parfois, exagérément empreints d’autosatisfaction. J’ai eu l’occasion de le dire hier au représentant de la Commission qui expliquait que tout allait bien et que l’Europe rayonnait dans le monde.

L’Europe ne parvient pas à se faire admettre à l’assemblée générale des Nations unies, alors qu’elle dispose de la personnalité morale, qu’elle a un président stable, qu’elle a des choses à dire et que, surtout, elle distribue 60 % de l’aide mondiale au développement, soit presque 60 milliards de dollars par an. Lorsque l’Europe subit – il n’y a pas d’autre mot – un affront de cette ampleur, je crois que cela donne à méditer.

Je travaille activement, avec mes collègues, à la mise en œuvre d’un service d’action extérieure européen efficace. Je vous le dis franchement : nous avons aujourd’hui un service, mais pas encore de politique étrangère, et encore moins le respect, qu’il nous reste à construire et à mériter, des grands acteurs du monde de demain. Quand nous n’obtenons pas l’accès à l’Assemblée générale de l’ONU, il nous reste à obtenir le respect de la Chine et des autres. C’est cela la réalité de l’Europe, et non pas les grands discours.

Pour reprendre un propos du général de Gaulle, je ne suis pas là pour sauter comme un cabri en disant : l’Europe, l’Europe, l’Europe, tout va bien ! Nous avançons – c’est difficile. Il faut maintenir cette volonté en permanence.

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