Intervention de Patrick Devedjian

Réunion du 2 mai 2005 à 21h30
Énergie — Discussion d'un projet de loi d'orientation en deuxième lecture

Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie :

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai aujourd'hui l'honneur de vous présenter en deuxième lecture ce projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Comme je m'y étais engagé, le Gouvernement n'a pas demandé l'application de la procédure prévue à l'article 45 de la Constitution, et je m'en réjouis, car cette deuxième lecture, quelques mois après la transposition des directives ouvrant le marché français à la concurrence, après le changement de statut d'EDF et de Gaz de France, et dans un contexte quelque peu chaotique d'évolution des prix du pétrole, a permis de soulever de nouvelles questions et d'enrichir le texte de nouvelles propositions.

Après tout, c'est bien l'objet d'une loi d'orientation et, d'une manière générale, du débat parlementaire que de dégager, sur un problème aussi complexe et lourd de conséquences à long terme que celui de l'énergie, les propositions d'action qui seront partagées par tous nos concitoyens.

Le débat sur la politique énergétique de la France est, comme vous le savez, essentiel pour l'avenir de notre économie et la place de notre pays dans le monde.

A l'heure où le prix du baril flambe, jusqu'à dépasser parfois les cinquante dollars au cours du premier trimestre de 2005, et fait peser un risque sur la reprise économique mondiale, en particulier sur l'économie française et le pouvoir d'achat de nos concitoyens - la facture énergétique a ainsi progressé de 24 % en 2004, comme je l'ai annoncé en présentant le bilan énergétique de 2004, la semaine dernière - notre politique d'indépendance énergétique, qui nous permet de nous protéger des aléas du cours des énergies fossiles, est réaffirmée par le projet de loi qui vous est présenté.

Cette priorité, affirmée à partir des années soixante-dix, est aujourd'hui plus que jamais d'actualité. Cependant, la question de notre indépendance énergétique ne se pose plus exactement dans les mêmes termes qu'alors.

En effet, l'épuisement à terme des ressources pétrolières n'est plus, désormais, le seul facteur à prendre en compte : les risques politiques, dans certaines zones géographiques, l'accélération de la croissance de la Chine et de l'Inde, qui représentent déjà 23 % du produit intérieur brut mondial, l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et des aléas climatiques nous amènent à repenser notre politique. Nous devons faire face, non seulement à un risque de raréfaction des ressources, mais aussi à une formidable accélération de la consommation d'énergie mondiale.

C'est pourquoi, si nous devons bien sûr continuer à inventer de nouveaux modes de gestion de l'énergie et de consommation, dans un souci de développement économique durable, nous devons aussi imaginer de nouveaux processus d'exploitation et de gestion de ressources telles que le charbon, le gaz, l'uranium, mais aussi de ressources renouvelables, à savoir, notamment, la biomasse, l'hydroélectricité, la géothermie, pour répondre aux besoins énergétiques de la planète.

Ce projet de loi s'articule autour de trois axes.

Le premier concerne le développement des énergies de substitution au pétrole, grâce au lancement de l'EPR - european pressurized reactor - et à un recours accru aux énergies renouvelables pour la production de chaleur et d'électricité, ainsi qu'aux biocarburants dans les transports.

Le deuxième a trait aux actions visant à la maîtrise de la croissance des consommations, avec, notamment, la mise en place de certificats d'économie d'énergie. Le bilan énergétique de 2004 a, d'ailleurs, montré que l'efficacité énergétique de notre économie était en nette amélioration puisque la hausse de la consommation totale d'énergie finale est de seulement 0, 4 % et que l'intensité énergétique finale baisse de 1, 7 %, l'objectif étant une diminution de 2 % par an à l'horizon 2015.

Le troisième touche au renforcement de la recherche sur les nouvelles technologies de l'énergie : les réacteurs nucléaires de quatrième génération et la fusion nucléaire, le solaire photovoltaïque, l'hydrogène comme vecteur énergétique, notamment dans les piles à combustibles, la séquestration du CO2 pour un usage plus propre des énergies fossiles, les bâtiments à énergie positive.

Ces axes sont assortis d'objectifs ambitieux et concrets : outre la réduction de l'intensité énergétique finale à un rythme porté à 2 % par an d'ici à 2015, que je viens de mentionner, la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre à un rythme de 3 % par an pour atteindre une division par quatre d'ici à 2050, une production d'électricité d'origine renouvelable à hauteur de 21 % de consommation, contre 14 % aujourd'hui, une augmentation des énergies renouvelables thermiques de 50 % d'ici à 2010, soit une économie annuelle de 6 millions de tonnes d'équivalent pétrole, et, enfin, l'incorporation de biocarburants à hauteur de 5, 75 % d'ici à 2010, soit une économie annuelle de 2, 5 millions de tonnes d'équivalent pétrole.

L'ouverture des marchés de l'énergie et le développement des interconnexions sont aussi des éléments qui doivent nous aider à assurer, à l'échelon européen, la sécurité de nos approvisionnements ou la gestion des pics de demande, comme l'a montré un récent épisode climatique au cours duquel la France a ainsi pu importer l'électricité nécessaire.

Toutefois, il nous faut aussi définir des réponses sur le plan international.

C'est pour cette raison, et parce que j'estime que la France est désormais bien avancée sur ces sujets, que j'ai pris l'initiative de réunir aujourd'hui mes homologues européens et le commissaire chargé de l'énergie, afin que nous apportions ou tentions d'apporter une réponse européenne à la crise du pétrole à l'occasion des réunions ministérielles de l'Agence internationale de l'énergie et de l'OCDE.

J'ai proposé des axes de réflexion incluant, notamment, le développement des investissements, tant dans l'exploration-production que dans les capacités de raffinage, ainsi que la promotion des économies d'énergie et la mise en place de mesures sur l'efficacité énergétique.

Je tiens, enfin, à souligner que les Etats-Unis eux-mêmes ont décidé de relancer leur politique énergique en matière de sécurité d'approvisionnement en prenant exemple sur la France, avec, en particulier, la relance du nucléaire comme source de production d'électricité non polluante, ainsi que la construction de nouvelles raffineries et terminaux de gaz naturel liquéfié.

Au-delà des mesures qui peuvent nous permettre d'assurer notre indépendance énergétique à moyen terme, il nous faudra poursuivre, dans un cadre international, les recherches de long terme sur les technologies de nouveaux réacteurs, sur la fusion, sur l'utilisation de l'hydrogène ou sur le stockage du CO2.

Enfin, et ce n'est pas l'une des moindres dimensions de toute politique énergétique, les choix que notre pays doit opérer supposent une convergence de vue de l'ensemble de nos concitoyens.

Qu'il s'agisse de production d'énergie, avec le nucléaire, l'éolien ou encore l'hydraulique, de transport d'énergie, avec le développement des lignes électriques ou des interconnexions, ou encore de consommation, avec les économies d'énergie dans le bâtiment, nous devons concilier développement économique et préservation de notre environnement. C'est à cette condition que chacun adhérera à notre politique énergétique, qui engage plusieurs générations.

C'est tout l'objet de ce projet de loi, et la passion des débats comme l'implication forte de la Haute Assemblée dans l'élaboration de ce texte témoignent de l'importance de ces questions pour l'avenir de nos concitoyens.

Notre débat, engagé depuis le premier semestre de 2003 avec un grand débat national, un Livre blanc sur l'énergie et une première lecture du projet de loi d'orientation au Parlement au premier semestre de 2004, touche maintenant à sa fin, et il nous faut en dégager des conclusions définitives.

Conscient de l'importance des enjeux qui s'attachent à ce texte, je veux insister sur un point qui me tient particulièrement à coeur : sa constitutionnalité.

Le Gouvernement est extrêmement attaché à l'adoption de ce projet de loi. Or la récente décision du Conseil constitutionnel sur la loi d'orientation pour l'avenir de l'école nous engage à la prudence. Le statut des lois de programme évolue ; il a évolué, en particulier, avec l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, postérieure au dépôt au Parlement du présent projet de loi.

La politique énergétique de la France repose sur des orientations en matière de maîtrise des consommations d'énergie et de développement d'une offre diversifiée, s'appuyant en priorité sur les filières de production d'énergie sans émission de gaz à effet de serre. Elle comporte des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Pour atteindre ces objectifs, elle passe par des mesures législatives normatives, mais elle s'appuie aussi sur des mesures réglementaires ou incitatives.

Il est essentiel de préserver l'ensemble de ces orientations, sur lesquelles le Parlement se sera prononcé.

C'est pourquoi la proposition de M. le rapporteur, consistant à transformer l'actuel projet de loi d'orientation en projet de loi de programme, me semble constituer la solution à privilégier afin de donner une sécurité juridique au texte.

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