Intervention de Roland Courteau

Réunion du 2 mai 2005 à 21h30
Énergie — Discussion d'un projet de loi d'orientation en deuxième lecture

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà pratiquement un an, nous examinions le présent texte dans l'urgence et la précipitation.

Il est vrai que son examen précédait de quelques jours à peine celui d'un autre projet de loi, qui transformait EDF et GDF en sociétés anonymes et permettait l'ouverture de leur capital.

Dans le contexte de l'ouverture du capital de ces deux établissements publics, le présent projet de loi, censé nous engager sur le long terme, était d'autant plus apparu comme un alibi destiné à donner des gages qu'il était déclaré d'urgence, ce qui risquait de nous priver du nécessaire examen en deuxième lecture.

Nous sommes donc satisfaits, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait finalement renoncé à l'urgence, nous permettant ainsi de soumettre ce projet de loi à une deuxième lecture.

Nous sommes moins satisfaits, en revanche, de constater que, malgré des modifications et quelques améliorations, la teneur du texte n'est pas radicalement modifiée. Au fond, si nous attendions depuis longtemps une loi d'orientation - et je tiens à rappeler que le Parlement avait retenu le principe d'une telle loi sous le gouvernement de Lionel Jospin -, ce n'est certainement pas ce type de texte que nous espérions.

Un projet de loi d'orientation doit fixer des grandes lignes directrices et des axes stratégiques. Il doit être porteur d'une vision à long terme. Il doit être révélateur de choix politiques qui engagent l'avenir du champ qu'il balise, surtout s'il porte sur l'énergie, secteur des plus stratégiques, car il conditionne notre indépendance nationale. Enfin, il doit indiquer comment seront atteints les objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés, ce qui nécessitera, j'en conviens, de faire évoluer nos comportements individuels et collectifs.

De même, mes chers collègues, le contexte géostratégique actuel, dans lequel les tensions se multiplient, sur fond de hausse des prix du pétrole et de l'épuisement programmé des réserves, plaide également en faveur d'une loi d'orientation permettant de dégager une visibilité à long terme en matière d'énergies alternatives.

L'épuisement prévisible des réserves de pétrole, avec le fameux pic de production, dit « pic d'Hubbert », situé en 2020, peut-être avant, nous oblige - et tel est précisément l'objet, aujourd'hui, d'un projet de loi d'orientation sur l'énergie - à penser et à favoriser le développement des énergies alternatives.

De ce point de vue, ce projet de loi manque de souffle et d'ambition. J'ai le sentiment que, en vérité, il manque sa cible et passe à côté des grands enjeux de société.

Nous sommes en effet aujourd'hui dans une phase de rupture technologique, où des avancées notables se font jour dans de multiples domaines, comme la pile à combustible, la biomasse, le biogaz, le solaire photovoltaïque, l'utilisation de l'hydrogène. Autant de nouvelles techniques destinées à produire de la chaleur ou de l'électricité et qui devraient, dans quelques décennies, à l'horizon 2050, pénétrer notre quotidien. Ainsi, l'hydrogène pourra être utilisé dans les transports, avec des carburants comme l'hythane, mélange d'hydrogène et de gaz naturel.

Aux Etats-Unis, des bus fonctionnent déjà avec des piles à combustible. A Montréal, des bus roulent à l'hythane. La France ne peut rester à l'écart de ces évolutions. Au contraire, alors que, nous dit-on, elle est à la pointe du nucléaire, elle devrait aussi être pionnière dans ces domaines.

Ces énergies de transition doivent être soutenues par des crédits publics, notamment en vue de développer leur utilisation dans les transports en commun, ce qui permettrait de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre.

Un recours plus important aux biocarburants peut également contribuer à la lutte contre les gaz à effet de serre. De ce point de vue, le mécanisme institué par la loi de finances va dans le bon sens et peut nous permettre d'avancer sur la voie de l'objectif d'incorporation de biocarburants à hauteur de 5, 75% d'ici à 2010.

Hélas, une disposition adoptée par l'Assemblée nationale dénature l'économie du dispositif. En effet, selon cette disposition, les sociétés distributrices pourraient avoir toutes possibilités d'incorporer principalement de l'éthyl-tertio-buthyl-éther, l'ETBE, au détriment des autres biocarburants, diester ou éthanol. Or il faut savoir que l'ETBE contient de l'isobutène, qui n'est qu'un résidu polluant du raffinage du pétrole. Nous proposerons donc un amendement de suppression de la mesure adoptée par l'Assemblée nationale.

Mes chers collègues, d'une manière plus générale, nous pensons que la France risque de rater le développement de ces nouvelles technologies si les efforts de recherche en la matière ne sont pas accrus et si les moyens financiers demeurent aussi peu substantiels qu'ils le sont actuellement. Monsieur le ministre, les crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, qui financent certains de ces projets ne cessent de diminuer. Nous ne devons pourtant pas sacrifier la recherche dans les technologies qui nous permettent de diversifier notre mix énergétique, à l'heure où notre taux de dépendance énergétique s'accroît.

Ainsi, on aurait pu s'attendre à ce que des engagements fermes au regard de ces domaines de recherche et de ces nouvelles technologies figurent au titre des axes stratégiques dans une loi d'orientation sur l'énergie, avec des engagements budgétaires pluriannuels à la clé. Tel n'est pas le cas. On se cantonne à des déclarations d'intention, on reste dans l'ordre de l'incantatoire. Il suffit de lire les premiers articles du projet de loi pour s'apercevoir qu'en matière de moyens financiers, ce texte est plus que laconique, et c'est là que le bât blesse.

Bref, c'est d'une véritable loi de programmation fiscale et budgétaire que nous avons besoin. C'est la raison pour laquelle nous avons de nouveau déposé un amendement allant dans ce sens. A défaut d'une telle programmation, une loi d'orientation est vidée de toute substance.

Au fond, mes propos éclairent, sous un autre angle, la querelle qui perdure entre le Sénat et l'Assemblée nationale concernant la portée à donner aux premiers articles, dans lesquels figurent les grands principes, les visées et intentions politiques.

Il est clair que, faute de moyens budgétaires, les ambitions seront, de toute façon, revues à la baisse. C'est bien précisément parce que vous considérez, monsieur le rapporteur, que les premiers articles de ce projet de loi constituent le droit « mou », le droit « flou », ou encore le droit « à l'état gazeux », que vous avez décidé de les reléguer dans l'annexe. On peut vous comprendre, surtout après avoir entendu les propos que vient de tenir M. le ministre.

Il n'en demeure pas moins que plus on reléguera dans l'annexe des dispositions figurant dans les articles du projet de loi, moins les pouvoirs publics se sentiront liés par des engagements politiques entraînant la nécessité de dégager malgré tout quelques crédits, au moins pour les axes les plus importants.

C'est pourquoi nous proposerons de faire figurer dans le corps de la loi quelques points qui nous paraissent essentiels, comme la recherche dans les nouveaux domaines technologiques, la préservation des contrats de long terme pour le gaz ou, en matière de sécurité d'approvisionnement en pétrole, le maintien des stocks équivalents à environ cent jours.

De même, nous proposons d'insister plus sur la référence au service public, car nous n'aurons pas trop de garde-fous dans le contexte actuel de libéralisation.

Par ailleurs, comment pourrons-nous respecter nos engagements internationaux en matière de réduction des gaz à effet de serre si nous ne menons pas une politique plus volontariste et plus ambitieuse dans le domaine des transports, par exemple ? Là encore, on ne nous propose que des déclarations d'intention, sur fond de politique de restriction des crédits. Et les exemples ne manquent pas ! Quel sens donner aux engagements inscrits dans les premiers articles du projet de loi si les finances ne suivent pas ? Nous avons besoin, au contraire, non seulement de fixer des engagements plus précis dans ce domaine, comme le doublement du fret ferroviaire d'ici à 2015, mais aussi de dégager des moyens budgétaires pour doter le pays des infrastructures dont il a besoin.

D'autant que, en la matière, rien ne va plus. J'ai en effet appris ces derniers jours qu'à Sète, la plate-forme multimodale rail-route-mer de la Compagnie nouvelle de conteneurs, la CNC, filiale à 93%de la SNCF, cessera toute activité le 12 juin. Selon les mêmes informations, les plates-formes de Perpignan et d'Avignon pourraient être définitivement fermées par la CNC. Seraient menacées également de fermeture celles de Clermont-Ferrand, Grenoble, Tours, Hendaye, Rennes, Dourges, mais cela reste à vérifier. Deux cents emplois seraient ainsi supprimés.

Voilà qui, ajouté au très mal nommé « plan fret » et aux 3 500 suppressions de postes programmées par la SNCF, ne sera pas sans conséquences sur l'augmentation, déjà régulière, du nombre de poids lourds sur les routes. Les experts prévoient ainsi une augmentation de 120 % d'ici à 2020. Bonjour les gaz à effet de serre !

C'est maintenant qu'il faut agir sur les choix d'infrastructures qui conditionnent les modes de consommation et de vie pour les décennies à venir, pour ce qui concerne notamment le rail, le fluvial, le maritime, avec le cabotage et le « merroutage ».

Faut-il rappeler que la Commission européenne s'est fixée, dans son Livre blanc sur la politique européenne des transports à l'horizon 2010, l'objectif de développer des infrastructures de réseau de transport transeuropéen efficaces, afin de respecter les engagements du protocole de Kyoto ?

A ce propos, comment ne pas souligner que le retard pris dans la mise en oeuvre de grands projets d'investissement explique, pour une bonne part, l'atonie de la croissance européenne et de l'emploi ?

Il semble nécessaire de desserrer les contraintes du pacte de stabilité, en retirant, par exemple, les investissements publics relatifs à la recherche et aux infrastructures de transport de l'ensemble des dépenses prises en compte pour le respect du pacte.

Dans ce domaine, la France, en tant que pays de transit, subissant donc de fortes nuisances, devrait pouvoir faire entendre sa voix et montrer l'exemple.

Concernant toujours les transports, monsieur le ministre, pourquoi avoir enterré le mécanisme du bonus-malus du plan climat qui, en encourageant l'achat de véhicules les moins polluants et les moins consommateurs, constituait une bonne mesure pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour favoriser les économies d'énergie ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'énergie la plus propre étant celle que l'on ne consomme pas, priorité doit donc être donnée à la maîtrise de l'énergie.

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