Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 2 mai 2005 à 21h30
Énergie — Discussion d'un projet de loi d'orientation en deuxième lecture

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Deuxième citation : « La multiplication des lois déclaratives contribue à l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées. Il faut se concentrer sur l'essentiel. »

Troisième citation : « Trop de loi tue la loi. »

Monsieur le ministre, vous avez reconnu l'auteur de la première citation : il s'agit bien du président du Conseil constitutionnel. Vous savez aussi certainement que les deux autres sont respectivement du président de l'Assemblée nationale et du Président de la République !

Nous pouvons tout de même trouver un avantage à ce patchwork législatif : nous avons encore à l'esprit le débat sur la question orale relative aux déchets nucléaires.

Vous le comprendrez bien, monsieur le ministre, nous ne pouvons parler de nos orientations énergétiques sans aborder l'ensemble des questions qui concernent 80 % de notre production énergétique, à savoir le nucléaire.

A ce propos, je souhaite évoquer de nouveau, à l'occasion de cette discussion générale, le rapport de nos collègues députés Christian Bataille et Claude Birraux. En tant que membre de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, j'ai pu prendre connaissance dans le détail de ce texte particulièrement instructif et prospectif.

Les aspects du financement de la gestion des déchets nucléaires devraient concerner directement le texte dont nous débattons aujourd'hui, car le coût du financement et sa répartition peuvent ou doivent impliquer directement les opérateurs du monde énergétique.

L'un des enjeux principaux concerne le financement de la gestion des déchets dans le nouveau contexte concurrentiel, avec le changement de statut d'EDF et l'ouverture, à terme, du capital des opérateurs du nucléaire.

La question n'est autre que celle de la garantie du financement de la gestion des déchets, et elle est d'autant plus importante que des opérateurs privés et étrangers pourront entrer dans le capital des entreprises du secteur.

Alors que nous débattons de nos orientations énergétiques, des sommes considérables, notamment dans le domaine du stockage futur, sont en jeu. Le coût effectif pourrait avoir des répercussions négatives sur la marge d'EDF. Le surcoût est estimé à 10 milliards d'euros.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, dans leur rapport, MM. Bataille et Birraux, proposent à ce sujet la création d'un fonds de gestion dédié, alimenté par les producteurs de déchets.

Tenant compte du nouveau statut de société anonyme d'EDF, principal producteur de déchets radioactifs en France, les deux députés proposent de réexaminer les modalités de financement des recherches sur la gestion à très long terme des déchets radioactifs, ainsi que sur la gestion industrielle de ces derniers et d'organiser une transition du système actuel de provision de bilan de l'entreprise à un dispositif pérenne et indépendant qui garantisse les financements sur une très longue période.

Les auteurs du rapport recommandent ainsi de créer un mécanisme adossé à 1'Etat pour garantir un financement pérenne. Un tel fonds est une nécessité en raison du changement de statut des entreprises, qui seront soumises aux contraintes à court terme des marchés financiers.

Le fonds dédié pourrait être géré par la Caisse des dépôts et consignations et alimenté par les producteurs. Nous aimerions, monsieur le ministre, pouvoir bénéficier de vos réflexions sur ce point.

Au chapitre des sujets dont le texte fait malheureusement l'économie se trouve la recherche, habituel parent pauvre de ces dernières années ! Je souhaite aborder ici un point qui nous concerne spécifiquement : l'avenir de la recherche dans le domaine énergétique.

Le moins que l'on puisse dire est que ce projet de loi ne nous ouvre aucune perspective dans un domaine où la performance est un objectif aussi important à atteindre que la quantité de production.

Une fois de plus, nous devons nous contenter de déclarations, certes précises et ajustées dans le temps, mais qui n'indiquent aucune direction, aucune priorité et moins encore de perspectives budgétaires.

Ce projet de loi ne peut se dispenser de fixer des orientations pour nos laboratoires de recherche et pour leur financement. Puisque nous parlons d'énergie, il n'aura échappé à aucun d'entre nous que ce n'est pas en essayant d'améliorer le feu que l'homme a inventé l'électricité ni en améliorant la conduction qu'on a découvert les semi-conducteurs ! Toutes les recherches doivent donc être accompagnées et financées, qu'il s'agisse des recherches pures et théoriques ou des recherches appliquées. Monsieur le ministre, je vous dis cela avec la plus grande et la plus sincère conviction en raison de mon expérience professionnelle.

Enfin, je ne comprends toujours pas comment, en faisant basculer dans le secteur privé les grands opérateurs historiques, on ne se prive pas par la même occasion de ce qui constitue a priori les instruments mêmes de la mise en oeuvre d'une politique d'orientation énergétique.

Le texte que vous nous proposez, autant qu'il est essentiel et comporte des avancées non négligeables, reste trop imprécis et manque d'ambition C'est un comble, s'agissant d'une loi d'orientation.

Enfin, monsieur le ministre, il y a un an, je vous avais suggéré que la France prenne l'initiative - ce qui l'honorerait - d'un plan d'indépendance énergétique destiné aux membres de l'Union pour faire face à la crise du pétrole et pour sortir du simple débat franco-français. Pourriez-vous nous dire, ce qui est d'actualité aujourd'hui, quelles sont la position de la France et celle des membres de l'Union, dans le cadre de la réunion, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique, des ministres de l'OCDE ? Il faut que cessent les attitudes hypocrites de pays voisins qui se retranchent derrière le nimby, ou not in my backyard.

Les amendements que mes collègues et moi-même allons présenter devraient permettre d'atteindre en partie des objectifs essentiels.

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