Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 2 mai 2005 à 21h30
Énergie — Discussion d'un projet de loi d'orientation en deuxième lecture

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Les énergies renouvelables constituent des sources d'approvisionnement énergétique qui ne comportent ni risque d'épuisement des ressources, ni risque technologique, ni contribution à l'effet de serre. Et ce sont les seules ressources dont, dans ce siècle, le prix ne sera jamais indexé sur la colère du monde.

Il convient bien sûr d'être attentif aux nuisances locales et aux pollutions possibles. Les énergies renouvelables n'en sont pas toutes au même stade de maturité. Certaines filières doivent bénéficier d'un effort de recherche continu - le photovoltaïque, la géothermie de grande profondeur - ; d'autres sont matures, mais leur faible diffusion provoque un surcoût transitoire - carburants d'origine végétale, solaire thermique.

Certains extrémistes de votre majorité viennent d'inventer une nouvelle catégorie d'énergies renouvelables : celles qui, s'approchant de la compétitivité, lui font peur et justifient des obstacles administratifs pour bloquer leur développement. L'énergie éolienne est la grande victime de ce texte, en l'état.

Comment interpréter les dispositions, que vous avez acceptées et qui, pour le coup, sont assez éloignées d'une « concurrence libre et non faussée » entre sources d'énergie, sinon comme un gros cadeau fait au nucléaire, « entre copains » ?

Monsieur le ministre, il est permis de penser que, bien ciblés, les efforts visant à la réduction des contraintes pourraient permettre de diviser celles-ci par deux à l'horizon de trente ans. C'est à la fois énorme et insuffisant. Le débat, à ce stade, se concentre sur la répartition des contributions des autres sources d'approvisionnement énergétiques, à savoir les combustibles fossiles et le nucléaire.

Cette répartition relève d'un choix politique difficile. Aucun critère objectif et stable dans le temps ne permet de décider si le risque nucléaire est plus grave que l'effet de serre ou l'épuisement des ressources fossiles, ou l'inverse. C'est affaire de conviction. Les événements, souvent dramatiques, se chargent, hélas, de bouleverser régulièrement ce classement.

Le recours indispensable, pour longtemps encore, aux combustibles fossiles implique de choisir les sources qui allient le plus faible impact en termes d'effet de serre et les meilleurs rendements. La cogénération, qui associe à la production d'électricité des débouchés pour la chaleur qui en résulte, en est un exemple.

Quant au nucléaire, des enseignements importants découlent des trente années de développement de la filière : une sûreté moins contestée, mais de plus en plus coûteuse ; une compétitivité économique obtenue à court terme, au prix d'un report à très long terme des dépenses considérables engendrées par le démantèlement des installations et le stockage des déchets ; un coût totalement éludé des dommages en cas d'accident majeur ; une incapacité à se prémunir contre les risques de prolifération nucléaire, qui augmentent au fur et à mesure que l'énergie nucléaire se banalise et se miniaturise ; un marché mondial réduit, le nucléaire ne constituant évidemment pas une solution crédible pour les deux milliards d'êtres humains qui, faute de devises, de réseau ou même d'Etat, n'ont aucun accès à l'électricité, et restant une solution largement contestée ailleurs.

Vous avez cru pouvoir affirmer, monsieur le ministre, que les Etats-Unis suivaient désormais l'exemple de la France. Il est vrai que George Bush, au cours d'un précédent mandat, a évoqué son intention de relancer le nucléaire. Depuis, il ne s'est rien passé, car cette référence avait pour seul objet d'éviter que l'opinion américaine ne focalise son attention sur les intentions réelles du gouvernement américain, à savoir s'attaquer aux réserves de l'Alaska.

Les Etats-Unis n'ont pas commandé une seule centrale nucléaire en trente ans. J'en prends le pari avec vous, monsieur le ministre : aucune nouvelle tranche ne sera ni commandée ni, bien entendu, mise en service au cours du second mandat du président américain.

Mes convictions sont connues. Je suis convaincue que nous devrons sortir progressivement du nucléaire, c'est-à-dire faire le choix inverse de celui que vous proposez. Mais que l'on soit favorable ou non au nucléaire, convenons au moins que le recours à cette forme d'énergie, qui ne contribue que pour 17 % à la satisfaction des besoins d'énergie finale des différents secteurs, ne peut résumer la politique énergétique de la France.

C'est le raisonnement qui est en cause. Une séparation claire entre ce qui relève du premier choix - l'évitement des contraintes - et ce qui relève du second choix - la répartition des contraintes résultantes - constitue en effet la seule méthode permettant d'engager le débat sur des bases saines.

Votre projet de loi ne permet de progresser ni sur le développement des énergies renouvelables, ni sur la réorientation des politiques de transport, ni sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ni sur la diversification énergétique.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions pas nous en satisfaire et que nous soyons amenés, aujourd'hui comme demain, à en combattre les orientations et les conséquences négatives.

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