Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons la deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie et, à écouter les uns et les autres, il est manifeste que tous s'accordent sur la nécessité de repenser notre politique énergétique.
Le diagnostic est unanime. L'augmentation continue des besoins en énergie, l'épuisement programmé des énergies fossiles, la fin de vie de notre parc nucléaire, la rapide et profonde mutation du paysage énergétique français et mondial, ne peuvent qu'aboutir à des tensions. Cela nous impose d'accéder dans les décennies à venir à une énergie compétitive, de qualité et peu génératrice d'effet de serre.
Nous devons par conséquent nous entendre sur les moyens à mettre en oeuvre pour satisfaire durablement aux intérêts supérieurs de notre pays. L'équation n'est pas facile à résoudre, mais c'est le grand mérite de ce texte que de poser clairement les options qui s'offrent à nous.
C'est pourquoi je tiens à saluer votre geste, monsieur le ministre. En levant la déclaration d'urgence, vous privilégiez le débat, et seul ce dernier nous permettra de définir les contours d'une politique qui requiert l'agrément du plus grand nombre.
Qu'il s'agisse de la construction d'un réacteur nucléaire à eau pressurisée, du lancement des certificats d'économies d'énergie, des mesures fiscales incitatives en faveur de la promotion des énergies renouvelables ou de la maîtrise de la demande d'énergie, les bases d'une politique énergétique responsable et cohérente sont jetées.
D'ailleurs, en faisant appel à tous les acteurs du secteur, ce texte s'appuie judicieusement sur un important capital de savoir-faire, auquel les collectivités locales prennent toute leur part.
Sur ce plan, le bilan des premières lectures est plutôt positif. Je salue à cet égard l'excellent travail de notre rapporteur, Henri Revol, que je remercie de son sens de l'écoute.
Il est à souhaiter que ces acquis soient consolidés dans le texte définitif. Je tiens à souligner à cet égard l'action des élus. La décentralisation permet en effet d'exercer d'importants effets de levier, qu'il serait dommage de ne pas utiliser dans la perspective des objectifs que nous poursuivons.
Les collectivités locales constituent un milieu très favorable à la mise en place de politiques de maîtrise de la demande, et ce pour deux raisons : d'une part, les services publics locaux sont des consommateurs d'énergie qui comptent et, d'autre part, les collectivités locales peuvent faire de la pédagogie par l'exemple, voire assumer le rôle de conseiller et de prescripteur vis-à-vis des tiers. Il est donc essentiel que celles-ci puissent clairement bénéficier de l'attribution de certificats d'économies d'énergie lorsqu'elles investissent dans des actions d'économies d'énergie sur des patrimoines publics et privés.
Par ailleurs, les collectivités compétentes dans le domaine de l'énergie doivent pouvoir constituer des points d'appui pour la protection des consommateurs d'électricité et de gaz, notamment les consommateurs de petite taille.
On peut, de ce point de vue, se réjouir de l'adoption, dès la première lecture, d'un amendement donnant aux collectivités organisatrices de la distribution d'électricité ou de gaz la possibilité d'exercer des missions de conciliation pour le règlement des différends entre les fournisseurs de dernier recours et les consommateurs éligibles.
Il faudrait également permettre clairement à ces collectivités organisatrices de vérifier si les dispositifs de maintien prévus pour les consommateurs en situation de précarité fonctionnent correctement et, le cas échéant, d'aider ceux-ci à mieux maîtriser leur consommation. En effet, en ce domaine, il est toujours préférable de prévenir. Je présenterai un amendement en ce sens, à l'article 5.
En ce qui concerne la qualité de l'électricité distribuée, je me réjouis que le dispositif prévu à l'article 13 rende possible la définition par voie réglementaire de niveaux de qualité ambitieux. Le décret d'application devra évidemment être à la hauteur des espérances manifestées sur nos travées.
A propos de ces préoccupations de qualité, je rappelle que le niveau des tarifs d'utilisation des réseaux doit être fixé à une hauteur suffisante pour permettre aux gestionnaires de réseaux, mais aussi aux collectivités locales qui assurent la maîtrise d'ouvrage, d'effectuer correctement leurs missions.
Aussi est-il essentiel que la Commission de régulation de l'énergie, à laquelle nous avons confié un rôle déterminant, encore renforcé par l'article 17 bis A du projet, pour la fixation de ces tarifs, soit particulièrement attentive au fait qu'une partie du produit de ces tarifs est destinée aux collectivités maîtres d'ouvrage pour l'entretien des réseaux, via les redevances et financements prévus par les contrats de concession, ainsi que par l'intermédiaire du dispositif du fonds d'amortissement des charges d'électrification.
S'agissant enfin des questions de production d'électricité, je formulerai deux observations.
Tout d'abord, le choix de construire un réacteur à eau pressurisée répond à une attente forte, à laquelle les élus sont sensibles, celle de garantir la sécurité d'approvisionnement en énergie des consommateurs raccordés aux réseaux de distribution.
Ce choix, je tiens à le souligner, témoigne de la volonté du Gouvernement de maintenir à un niveau ambitieux l'indépendance énergétique de la France, en recourant à une technologie particulièrement vertueuse pour répondre au défi écologique le plus urgent et le plus important de notre époque : l'effet de serre.
Pour autant, et ce sera ma deuxième observation, tout doit être fait pour favoriser une diversification raisonnée du bouquet énergétique La mobilisation des élus est essentielle à la réalisation de cet objectif, et ce pour trois raisons.
Premièrement, l'implantation des nouvelles infrastructures doit se faire en accord avec les populations.
Deuxièmement, les collectivités disposeront dorénavant, grâce à ce texte, de nouvelles possibilités pour faciliter la pénétration des énergies renouvelables.
Troisièmement, et c'est le plus important, les collectivités ont la possibilité d'acheter de l'énergie verte.
Mais encore faut-il que la réglementation soit cohérente jusqu'au bout. Il est donc particulièrement opportun d'avoir prévu, dans l'article 5 quater, la possibilité pour les collectivités de vendre librement l'électricité produite à partir de sources renouvelables, dès lors qu'elles ne pourraient pas ou plus bénéficier de l'obligation de rachat.
S'agissant de l'éolien, gageons que notre assemblée saura trouver une solution sage et équilibrée, ménageant l'indispensable rationalisation du développement de cette énergie, sans pour autant brider trop les initiatives dans ce domaine.
Au moment où le débat référendaire voit les tenants du oui et du non s'opposer sur l'option la mieux à même de garantir la voix de la France dans le monde, j'ai la ferme conviction que l'acte législatif que nous allons accomplir cette semaine sera aussi déterminant pour l'avenir de notre pays que le résultat du 29 mai.