Intervention de Paulette Brisepierre

Réunion du 8 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Affaires étrangères

Photo de Paulette BrisepierrePaulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l'aide au développement :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de dire mon amertume et ma tristesse devant le formidable gâchis dont nous sommes les témoins en Côte d'Ivoire.

Assister en quelques semaines à la ruine de décennies d'efforts pour bâtir un véritable Etat en partenariat exemplaire avec la nation ivoirienne, construire l'une des plus belles capitales d'Afrique, mettre en place une société harmonieuse, une économie productive, ne peut que susciter une immense déception.

La présence française en Côte d'Ivoire se caractérisait par une aide publique massive, fondée sur un lien historique très fort, mais se manifestait surtout par l'attachement et le travail quotidien d'une communauté industrieuse vivant en parfaite harmonie avec le peuple ivoirien et au service du développement du pays.

Nous avions réussi là-bas ce que nous peinons à susciter ailleurs : l'émergence d'un secteur privé dynamique, fort de nombreuses petites et moyennes entreprises, attractif pour les investisseurs et créateur d'emplois.

Malheureusement, des ambitions personnelles à court terme et mal comprises ont pris le pas sur l'intérêt général et ont conduit à une logique de guerre dont nous connaissons, hélas ! trop bien les effets ravageurs sur ce continent.

Entre gestion des crises, réduction de la pauvreté et renforcement des capacités institutionnelles, notre politique d'aide au développement doit définir une stratégie qui réponde à de nombreuses priorités et soit à la hauteur de ses ambitions.

Je me félicite donc que notre pays garde le cap des objectifs fixés par la communauté internationale et occupe une place décisive, par son implication, dans les débats sur le financement du développement.

Je ne reprendrai pas les chiffres de ce budget, chiffres qu'a déjà détaillés, avec son brio habituel, notre collègue M. Michel Charasse, dont je partage la plus grande partie des analyses.

Je me concentrerai sur les mouvements profonds qui caractérisent notre politique de développement et dont ce projet de budget est la traduction.

Notre politique de coopération était fondée sur une tradition d'interventions sur le terrain, au bénéfice direct des populations. Ce qui la caractérise aujourd'hui, c'est d'être de moins en moins immédiate et d'emprunter, le plus souvent, des canaux intermédiaires.

Son caractère multilatéral se renforce sous l'effet principal de la montée en puissance de l'aide communautaire, mais aussi des fonds dédiés, comme le fonds mondial pour la lutte contre le sida.

Notre aide bilatérale, quant à elle, s'oriente aujourd'hui davantage vers le soutien financier aux acteurs locaux, organisations non gouvernementales, entreprises, collectivités territoriales, mais, surtout, aux Etats.

La part prise par les annulations de dettes, l'aide budgétaire directe ou l'aide programme sectorielle en sont le témoignage.

Cela suppose cependant, en préalable, le renforcement des capacités institutionnelles des Etats, faute de quoi la construction de politiques sectorielles paraît pour le moins aléatoire.

Il importe donc que des conditionnalités exigeantes soient établies dans l'attribution des aides budgétaires et fassent appel à la responsabilité des Etats.

Sur ce point, je salue tout particulièrement l'engagement du ministère des affaires étrangères d'établir des conditionnalités entre le respect des accords en matière de versement régulier des pensions de retraite et prestations sociales dues à nos compatriotes à l'étranger, et les concours financiers de la France aux pays concernés.

La commission des affaires étrangères s'en félicite, car c'est un point extrêmement important, pour nous-mêmes, notre dignité et notre crédibilité, pour nos compatriotes, dont nous comprenons l'amertume lorsqu'ils voient leur pays consentir, sans condition, des remises de dettes et des prêts extrêmement importants à des Etats où eux-mêmes ont été spoliés, pour les pays eux-mêmes que nous aidons, avec lesquels s'instaurera alors un véritable partenariat et qui sortiront enfin de l'assistanat, qui n'est acceptable ni pour eux, ni pour nous.

En ce qui concerne l'assistance technique, chacun reconnaît la qualité exceptionnelle de nos coopérants : ils ont toute leur place dans les nouvelles orientations.

Notre pays bénéfice d'un savoir-faire qui permet de valoriser nos assistants techniques, en jouant le jeu du multilatéralisme et je me félicite de ce que certains puissent désormais travailler au service des institutions communautaires.

En ce qui concerne l'aide-projet, celle-ci doit également être confortée. Le CICID a décidé d'en réorganiser le dispositif. J'avais plaidé en ce sens, considérant que le dispositif adopté en 1998 était inabouti et manquait de cohérence.

En effet, notre aide-projet n'a donc pas eu, ces dernières années, les moyens de fonctionner correctement : elle a cumulé les handicaps de crédits insuffisants, de procédures inadaptées, d'une zone d'intervention trop large et d'une multiplicité d'objectifs et de modes d'intervention.

La réussite de la réforme adoptée par le CICID dépendra de la capacité qu'aura le ministère des affaires étrangères de se doter d'une véritable réflexion stratégique incluant tous les opérateurs d'outils de pilotage et d'évaluation, pour mieux définir les priorités géographiques et sectorielles.

La pratique des règles mises en place et notre capacité à donner à l'Agence française de développement les moyens d'une intervention sur dons suffisante, cohérente et prolongée, seront également déterminants.

Je terminerai en soulignant combien la qualité de notre réflexion et notre capacité à être imaginatifs, alliée à l'efficacité de notre action sur le terrain sont primordiales pour le rôle et l'influence de notre pays.

Pour conclure, notre commission des affaires étrangères se félicite que les moyens consacrés au développement, soient, cette année, à la hauteur des enjeux et permettent un véritable débat sur nos priorités.

Elle se félicite également, monsieur le ministre, de voir pris en compte les intérêts de nos compatriotes. Aussi s'est-elle prononcée pour l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion