Intervention de Guy Fischer

Réunion du 10 novembre 2010 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Article 9

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Que ce soit à l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, du débat sur les conclusions de la commission mixte paritaire ou de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, nous n’avons cessé de dénoncer la réponse apportée par le Gouvernement à la question de la gestion de la dette sociale. Le transfert de la dette à la CADES est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire : laisser gonfler la dette, l’accroître par une gestion calamiteuse de la politique sociale et tenter de tout faire disparaître, temporairement du moins.

Les sommes à transférer sont colossales, près de 130 milliards d’euros, c’est-à-dire presque autant que le total des dettes transférées à la CADES depuis sa création, en 1996.

Cette vérité permet à elle seule d’appréhender l’ampleur de la dégradation des comptes sociaux, une dégradation qui remonte à huit ans puisque, il faut le rappeler, jusqu’en 2001, les comptes étaient en équilibre.

La crise économique et financière a bien eu un coût financier important, proche de 34 milliards d’euros, ce qui correspond peu ou prou au montant de la dette cumulée depuis plusieurs années. Mais si vous insistez sur la part de la dette sociale résultant de la crise, vous êtes plus discret sur ce qu’il est convenu d’appeler la dette structurelle. Peut-être parce que vous en êtes pleinement responsables. Si nous sommes dans cette situation, c’est à cause de votre manque d’action.

Comme nous avons eu l’occasion de le dire au début de nos travaux, la mauvaise gestion de la dette sociale ne sera pas sans conséquence financière : elle coûtera 50 milliards d’euros aux générations futures.

Au total, si l’on additionne les 130 milliards d’euros transférés à la CADES par le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale et les 62 milliards d’euros qu’il lui reste déjà à rembourser depuis les premiers transferts, ce sont presque 200 milliards d’euros qu’il faudra payer un jour, et même 240 milliards d’euros si l’on ajoute les intérêts.

Face à ces sommes astronomiques, qui nous donnent à tous le tournis, votre seule réponse réside dans quelques prélèvements complémentaires sur le capital et sur les revenus qui échappent aux cotisations sociales, ainsi que dans l’accroissement des mécanismes de maîtrise de la dette, qui sont autant de mesures antisociales.

Au-delà de ces mesures, le Gouvernement ne propose rien d’autre que de laisser filer les déficits et il semble s’auto-interdire de prendre les seules dispositions qui s’imposent pour enrayer la dégradation des comptes sociaux.

Ce renoncement à agir se concrétisera par les 62 milliards d’euros de déficit à venir. Vous actez donc par avance, monsieur le ministre, les déficits futurs. Il s’agit, à nos yeux, d’un véritable dévoiement de la CADES, dont la mission consiste non pas à assumer par anticipation le manque de courage des gouvernements, mais bien à gérer des dettes déjà constituées.

Chers collègues de la majorité, vous qui répétez à l’envi qu’il serait intolérable que les générations futures supportent le poids de nos décisions politiques, comment pouvez-vous vous satisfaire de l’article 9, par lequel le Gouvernement propose, pour les deux ou trois prochaines années, de financer la sécurité sociale à découvert ? Comment pouvez-vous accepter que le Gouvernement, dont vous souteniez la volonté d’inscrire l’interdiction des déficits dans la Constitution, propose aujourd’hui de les aggraver progressivement ?

Rien ne justifie plus l’accroissement des déficits, si ce n’est votre refus d’opérer une véritable rénovation de votre politique sociale et fiscale. Pourtant, les mécontentements se font entendre jusque dans vos rangs ! Je pense en particulier aux propos tenus par les députés Yves Bur et Jean-Luc Warsmann, ou encore à l'amendement adopté à l'unanimité par la commission des finances de l'Assemblée nationale, puis retiré avant d’être repris par le groupe GDR, qui prévoyait d’augmenter de cinq points le taux des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, sous la forme d'une contribution additionnelle.

Cet amendement, qui avait pour seul objet de réduire l'écart entre les prélèvements portant respectivement sur le travail et sur le capital, avait le mérite de poser clairement la question du partage des richesses et de mettre un terme à la dévalorisation du travail par le capital. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement similaire. Vous serez donc tenus d’expliquer à nouveau votre refus de l’adopter, alors même que son application rapporterait un peu plus de 5 milliards d’euros en 2011.

Démonstration est faite que d'autres politiques sont possibles. Nous sommes face à une divergence politique de fond : d’un côté, les tenants du libre marché qui prônent la concurrence à tous crins, bien que celle-ci affecte les équilibres économiques de notre pays ; de l'autre côté, ceux, dont nous sommes, qui proposent des pistes de financement à la fois justes, courageuses, solidaires et pérennes.

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