Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 10 novembre 2010 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Article 9

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

Monsieur le ministre, l’article 9 n’est pas acceptable, car il vise à organiser la reprise par la CADES des déficits du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse dans la limite de 130 milliards d'euros.

Lors des débats afférents à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, mes collègues Bernard Cazeau et Jacky Le Menn se sont longuement exprimés sur le sujet.

L’article 9 n'est pas acceptable, car il résulte d’une politique que nous combattons. Le Gouvernement a laissé dériver les comptes sociaux sans prendre les mesures structurelles nécessaires à leur maîtrise, ce qui explique la situation de nos régimes de retraite et de l'assurance maladie.

Monsieur le ministre, vous justifiez vos mesures par les déficits sans précédents dus à la crise économique et par l’impératif de ne pas augmenter les prélèvements sociaux. Ces arguments sont faux.

Les déficits ne s’expliquent pas uniquement par la crise économique. Certes, cette dernière n'a pas épargné notre pays. Cependant, si la sécurité sociale l’avait affrontée sans le handicap sévère d'un déficit structurel de 10 milliards d’euros, elle aurait pu y faire face dans des conditions différentes.

Abstraction faite des effets de la crise, le déficit structurel de la sécurité sociale est compris, tous les ans, entre 10 et 15 milliards d’euros. Les choix du Gouvernement sont davantage responsables de ce « trou » que la crise que nous traversons !

Depuis maintenant huit ans, la sécurité sociale ne cesse de s’appauvrir et ses finances subissent, cette année encore, un recul historique. Depuis huit ans, les parlementaires de gauche – tout comme, d’ailleurs, la Cour des comptes – crient au danger et soulignent l’urgence d’engager des réformes de structure.

Depuis déjà plusieurs années, les colmatages effectués aux dépens des assurés et les exonérations de cotisations sociales offertes par le Gouvernement aux entreprises privent la sécurité sociale de ses ressources, d'autant que l'État, qui est pourtant censé les compenser pour une grande part, ne semble pas pressé de le faire ! Avec la crise économique, le phénomène n'a fait que s’aggraver.

Aujourd'hui, tant à l’échelon national que sur le plan européen, le Gouvernement doit prendre des décisions de nature à lutter contre ces déficits sans précédent. Or, au lieu de prendre les mesures qu’impose l’un des budgets les plus rigoureux de l'Histoire, il joue la facilité : la CADES est devenue une caisse perpétuelle de refinancement des déficits courants, une variable d’ajustement budgétaire. Solution originale, limitée et exceptionnelle, elle est aujourd’hui une mécanique rampante, dont on ne perçoit ni la cohérence ni la limite. Nul ne peut accepter la dérive structurelle des comptes sociaux, en quelque sorte légitimée par l’existence de cette « commodité ».

Il est urgent de trouver des ressources nouvelles. Pourtant, monsieur le ministre, vous ne voulez toujours pas entamer le dogme du bouclier fiscal.

Faut-il rappeler que, depuis 2000, l'État a perdu 100 milliards d’euros de recettes, dont les deux tiers du fait des baisses d’impôts accordées aux contribuables les plus riches ? Faut-il rappeler que l’ensemble des avantages fiscaux représente aujourd'hui une masse annuelle de plus de 115 milliards d’euros, laquelle ampute d'autant les recettes de l'État ?

L’article 9 n’est pas acceptable parce qu'il reporte la dette d’aujourd’hui sur les générations futures. Nous prônons quant à nous une démarche responsable. En 2005, je le rappelle, le législateur avait refusé de reporter la dette sociale sur les générations à venir. En prolongeant la durée d'amortissement de la CADES, le Gouvernement revient sur cet engagement.

Dans ces conditions, ne nous étonnons pas que les jeunes soient dans la rue : ils ont bien compris qu'à partir des années 2018 ou 2020, ils devront tout à la fois continuer à rembourser nos feuilles de soins des années 2009-2010, payer les pensions de leurs parents âgés et même – c’est la triple peine ! – affronter la bosse démographique de 2020, mais sans disposer du Fonds de réserve pour les retraites !

L’article 9 est inacceptable parce qu’il organise le siphonage du FRR, qu’il dépouille la branche famille d’une recette pérenne pour l'affecter à la CADES afin d’amortir la dette dans la durée et, ainsi, respecter l'esprit de la loi.

À terme, la CADES bénéficiera de recettes stables grâce à la CSG, mais la branche famille va « trinquer » : il fallait un vainqueur et un vaincu dans ce combat !

Malgré les beaux discours de Mme Morano sur la famille, le Gouvernement organise la faillite de cette branche et fait payer aux plus démunis les désastres de sa politique. Nous reviendrons sur ce point à l'occasion de l'examen des articles relatifs à la branche famille.

La solution du Gouvernement a le mérite de ne pas afficher d’augmentation d’impôts et, surtout, celui de calmer la majorité, insatisfaite du « panier percé » de recettes qui lui est proposé.

Tels sont les arguments qui justifient notre demande de suppression de l’article 9.

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