Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 8 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Affaires étrangères

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Pourquoi un consulat à Liège, un autre à Anvers, un troisième à Bruxelles, quand nos ressortissants vivent à trois cents kilomètres de Paris ? Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à mettre en oeuvre cette proposition à l'horizon 2007 ?

L'étape ultime serait la suppression de l'ensemble de nos consulats dans l'Union européenne, de plus en plus de formalités pouvant être effectuées auprès des autorités locales. Cependant, s'il incarne parfaitement la notion de citoyenneté européenne, ce transfert intégral des formalités n'est pas encore possible, car un certain nombre d'actes, notamment liés à l'état civil, relèvent strictement de la compétence nationale. Monsieur le ministre, à quelle échéance pourra-t-on envisager un état civil européen ?

Réfléchir à la restructuration de notre réseau, c'est en deuxième lieu s'interroger sur nos modes de collaboration diplomatiques et consulaires en dehors de l'Union européenne, c'est-à-dire à la mutualisation d'une partie de nos moyens avec ceux de nos partenaires européens. Sur le fond, cette collaboration sera fondée sur notre capacité à définir une politique étrangère et de sécurité commune européenne. Cela constitue un jeu d'équilibre : la France reste partagée entre sa volonté de prendre une part active aux relations extérieures de l'Union européenne et son souhait de ne jamais renoncer à faire entendre sa voix quand ses intérêts vitaux l'exigent.

Dans le débat sur la ratification du traité constitutionnel, il nous faudra d'ailleurs préciser ce que peut être une politique étrangère commune, et non pas unique, incarnée par un ministre des affaires étrangères de l'Union européenne.

En nous inspirant de la construction européenne, nous pouvons procéder de manière pragmatique. Le premier degré, qui ne touche pas au fond, sera de développer l'expérience de « co-localisation » dans un nombre grandissant de pays. Celle-ci permet de faire des économies en préservant l'identité de chaque Etat. Ainsi Français, Allemands et Britanniques se partagent-ils au Kazakhstan un immeuble à Almaty. Cette situation peut être dupliquée. A votre avis, à quelle échelle serait-ce possible ?

De manière plus approfondie, il serait intéressant de réfléchir à un renforcement de la coopération entre les consulats, d'une part entre les treize Etats membres de l'espace Schengen, d'autre part entre les Vingt-Cinq, afin de concrétiser une politique commune des visas.

Monsieur le ministre, comment pensez-vous convaincre le Royaume-Uni, l'Irlande, puis les autres Etats membres, d'intégrer l'espace Schengen ? A quelle échéance un visa communautaire pourra-t-il être mis en place ?

Une troisième étape, la constitution d'ambassades véritablement communes, me paraît encore très lointaine et, à vrai dire, peu réalisable. Le débat est ouvert depuis déjà dix ans sur d'éventuelles ambassades communes franco-allemandes. Les collaborations se sont effectivement renforcées : échanges de fonctionnaires, d'informations, projet d'adresser des instructions communes de Paris et de Berlin aux postes diplomatiques, notamment.

Mais imagine-t-on réellement une ambassade franco-allemande dans des pays qui, pour nous, ont une importance particulière, par exemple à Alger, à Rabat, à Abidjan, à Londres, à Moscou, à Pékin, à Tokyo, à Washington ? De plus, cette expérience à deux semblerait mettre en exergue le tandem historique de la construction européenne, ce qui suscite souvent chez nos partenaires une certaine irritation.

Quant au projet d'ambassades communes aux Etats membres, il reste, à ce stade, très théorique. La collaboration entre tous les Etats de l'Union européenne en matière de politique étrangère reste encore délicate, comme le prouve le « Coreu », c'est-à-dire le réseau d'échange des télégrammes diplomatiques entre les Etats membres dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, qui ne comprend pas les éléments jugés les plus sensibles par les capitales.

Enfin, au-delà de la nouvelle donne européenne, il faudra avoir le courage de faire des choix stratégiques pour réussir les évolutions internes de notre réseau.

Tout d'abord, il nous faut continuer à créer des postes mixtes à l'étranger, par exemple entre votre ministère et celui de la culture et de la communication, comme à Alexandrie, à Cracovie, à La Nouvelle-Orléans, ou avec le ministère de l'économie et des finances avec la Direction des relations économiques extérieures, la DREE, à ?saka, à Dubaï, à Bombay, à Atlanta ou à Vancouver.

Enfin, faisons le choix de ne plus être présents dans certains pays. Si la crédibilité de notre réseau repose sur son emprise mondiale, il me semble néanmoins évident qu'il n'est plus indispensable d'avoir 156 ambassades de France et 98 postes consulaires de plein exercice. Ces représentations ne doivent pas être des lieux décidés par principe ou figés par l'histoire. Il existe un seuil en deçà duquel notre présence est même contre-productive. Le manque de moyens et de personnels donne en effet une image négative de la France aux populations et est source de frustration pour nos diplomates.

Les consulats doivent suivre la même logique : vous avez fermé Lausanne, pourquoi conserver Alep - n'est-ce pas une symbolique onéreuse ?-, Majunga et Tamatave? Il faudra avoir le courage de mettre en place des postes diplomatiques et consulaires ayant une compétence régionale dans les zones où nos intérêts sont moindres et, si l'on s'en retire, envisager d'y être représentés par un ou plusieurs Etats membres de l'Union européenne, avec, par exemple, un guichet unique pour les Etats appartenant à l'espace Schengen. C'est la condition nécessaire pour redéployer efficacement notre propre réseau vers les pays émergents.

Monsieur le ministre, dans un monde où les conflits régionaux perdurent, l'Europe tente de créer un pôle de stabilité et de paix. Vous avez la lourde, mais passionnante, responsabilité de faire entendre la voix de la France. La majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, consciente de la profondeur des réformes que vous conduisez pour que notre diplomatie soit à la hauteur de l'ambition et des valeurs de la France, votera le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2005.

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