Intervention de Jean-François Copé

Réunion du 19 décembre 2005 à 10h00
Loi de finances rectificative pour 2005 — Discussion d'un projet de loi

Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de finances rectificative s'inscrit, comme vous le savez, dans la logique de la LOLF.

Tous les engagements pour 2005 sont tenus.

Voilà un an, en examinant le collectif budgétaire pour 2004, j'avais pris devant vous un certain nombre d'engagements. Je suis heureux de revenir cette année ici même pour vous dire que ces engagements sont tenus.

Notre discussion, l'année dernière, nous avait conduits à faire ensemble le diagnostic de tout ce qui marchait et de tout ce qui ne marchait pas dans notre procédure budgétaire. Nous en avons tiré les leçons. C'est pourquoi j'espère obtenir l'adhésion du président de la commission des finances, qui avait fait quelques observations fort pertinentes l'année dernière sur ces sujets.

Premier engagement, ce collectif n'est pas le match retour du projet de loi de finances. Il ne comporte pas une seule ouverture de crédits destinée à être reportée sur 2006. Nous respectons totalement de ce point de vue l'esprit de la LOLF en rendant à la loi de finances rectificative de fin d'année la fonction qui est vraiment la sienne : conclure la gestion budgétaire de l'exercice qui se termine, et non palier les insuffisances, réelles ou prétendues, de la loi de finances de l'année suivante.

Deuxième engagement, la maîtrise de la dépense est assurée. Pour la quatrième année consécutive, le plafond de l'autorisation parlementaire sera strictement tenu à l'euro près.

Troisième engagement, toutes les ouvertures de crédits, qui représentent un milliard d'euros, sont gagées. Ce sont celles que l'on constate traditionnellement en fin d'exercice pour ajuster les dotations de l'année en cours.

Il s'agit de l'abondement de 490 millions d'euros des crédits évaluatifs compte tenu des consommations effectivement constatées, de 300 millions d'euros de crédits pour l'aide personnalisée au logement, l'allocation aux adultes handicapés et l'aide médicale d'État et, enfin, de 240 millions d'euros de crédits divers, par exemple pour l'indemnisation des conséquences de la sécheresse de 2003.

Nous avons adopté une ligne de conduite claire, exigeante et vertueuse, car toutes ces ouvertures sont gagées. Mieux, elles sont plus que compensées par des annulations, de sorte que le solde net est de moins 100 millions d'euros.

Ce solde net a été conservé lorsque, à l'Assemblée nationale, nous avons proposé d'ouvrir les crédits destinés à la prime de Noël. Le Premier ministre a annoncé qu'elle serait reconduite en 2005, en faveur des RMIstes et des titulaires de l'allocation de solidarité spécifique. Cette annonce a eu lieu après le dépôt du texte ; nous avons voulu faire preuve de respect à l'égard du Parlement et de vertu budgétaire en ouvrant les crédits nécessaires lors du débat. Mais cette ouverture n'alourdit pas les charges de l'État, puisque les dépenses correspondantes ont été gagées.

Pour 2006, nous nous donnons les moyens d'aller plus loin.

Ce projet de loi de finances rectificative crée des bases saines pour améliorer encore l'exécution budgétaire de 2006. Nous sommes ainsi parvenus à crever la célèbre et horrible bulle des reports. Au début de la législature, ils atteignaient le sommet de 14, 1 milliards d'euros, ils seront d'environ 5 milliards d'euros au début de 2006, soit une baisse des trois quarts. C'est un vrai progrès, que vous attendiez.

Ce collectif comporte aussi toute une série d'avancées en matière de fiscalité, en particulier au service de l'emploi.

Il y a un volet fiscal très ambitieux au service de la pérennité de nos entreprises et de l'emploi. Je sais, monsieur le rapporteur général, que vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet.

Nous vous proposons avec ce collectif une réforme de grande ampleur de la fiscalité des plus-values réalisées par les actionnaires et par les entrepreneurs individuels. L'objectif de cette réforme, qui est simple, est de proposer des mesures concrètes pour stabiliser l'actionnariat des sociétés et faciliter leur transmission. L'attente est grande sur ces questions. J'ai vraiment la conviction qu'avec ces nouvelles mesures nous sommes au rendez-vous.

Lors de ses voeux aux forces vives, le 4 janvier dernier, le Président de la République a dressé un constat, qui était aussi un appel à agir sans tarder puisque l'investissement en actions de nos entreprises est pénalisé en France par rapport à d'autres formes de placement, comme l'épargne liquide ou les produits de taux.

Cette situation a un triple handicap pour notre économie, d'abord, parce que, de ce fait, l'actionnariat, notamment l'actionnariat populaire, est insuffisamment développé, ensuite, parce que cela entraîne une certaine instabilité du capital, qui empêche la constitution de groupes d'actionnaires fidèles, investissant dans la durée, enfin, troisième « mal » bien français, parce que cela fragilise nos entreprises au moment souvent le plus critique pour leur pérennité, c'est-à-dire lors de la phase de la transmission.

Où chercher la cause de ces handicaps ? Pour une large part, chacun en convient, cela provient de la fiscalité des actions et, en particulier, de la taxation des plus-values au moment de leur cession.

Cette fiscalité, telle qu'elle est aujourd'hui conçue, ne récompense pas convenablement la fidélité de l'actionnaire et son engagement dans la durée. Nous proposons donc d'exonérer d'impôt les plus-values réalisées par tous les actionnaires, dès lors qu'ils auront détenu les actions de ces sociétés pendant au moins six ans. L'exonération devient totale à partir de huit ans de détention.

Il s'agit pour notre économie d'une réforme majeure, dont on peut attendre des bienfaits très appréciables.

Cela va, d'abord, considérablement aider à stabiliser l'actionnariat des entreprises, notamment l'actionnariat des petites entreprises.

Cela va, ensuite, consolider les entreprises en les aidant à passer sans encombre leurs premières années de vie. On donne un vrai avantage fiscal aux actionnaires qui acceptent d'accompagner l'entreprise au-delà de ses cinq premières années d'existence.

C'est bon, également, pour l'attractivité du territoire, puisque les créateurs et les développeurs d'entreprise sont incités à réaliser des plus-values en France au lieu, comme c'est trop souvent le cas, de le faire à l'étranger et de réinvestir loin de notre territoire.

Enfin, cette mesure profite aussi à l'emploi et à la pérennité des petites et moyennes entreprises en facilitant leur transmission, au moment où, dans les dix prochaines années, 700 000 d'entre elles pourraient changer de main. Le dispositif de prise en compte de la durée de détention sera d'application immédiate pour les cessions de titres réalisées par les dirigeants de petites et moyennes entreprises lors de leur départ à la retraite.

Je mesure combien votre rôle à nos côtés a été précieux pour qu'aboutisse cette mesure majeure. Permettez-moi de remercier, tout spécialement, M. Philippe Marini, qui se bat depuis fort longtemps pour que l'épargne puisse être utilement mobilisée vers l'économie productive. Je vous rappelle également le travail très utile que nous avons réalisé l'an dernier sur les cessions de plus-values d'actions pour les sociétés.

Je souhaite aussi à travers les débats qui vont s'ouvrir que chacun puisse comprendre que cette avancée s'inscrit parfaitement dans la réforme fiscale que nous vous avons proposée dans le projet de loi de finances. L'ambition, qui est identique, est de rendre notre pays plus compétitif et de créer les conditions les plus favorables à la croissance et à l'emploi.

L'autre mesure importante de ce volet fiscal, c'est la contribution de solidarité sur les billets d'avion.

En la matière, nous avons un rendez-vous majeur à honorer. Ce dont il est question aujourd'hui, c'est d'enclencher une dynamique, en adoptant un mode de financement innovant, stable et pérenne, dont on pourra s'inspirer, pour répondre aux grands périls du Sud. Soyons, une fois encore, à la hauteur de notre histoire et de notre responsabilité dans le monde.

Nous aurons tout le temps d'évoquer le dispositif, sous toutes ses coutures. Sachez seulement qu'il a été conçu avec le maximum de garanties, qu'il est simple dans sa mise en oeuvre, souple, transparent, et le plus neutre possible pour les consommateurs et l'économie du secteur aérien. Dans 70 % des cas, le prix du billet n'augmentera que d'un euro.

Nous sommes tellement convaincus du bien-fondé de cette mesure que nous avons accepté la proposition faite par le rapporteur général de l'Assemblée nationale de la soumettre à une évaluation dans deux ans. Cette clause de rendez-vous est une bonne chose, elle relève de la démarche d'évaluation qui doit irriguer tous les champs de l'action publique, et elle permettra de juger sur pièces que ce dispositif pionnier était la bonne réponse à apporter.

Enfin, ce collectif a été utilement complété par l'adoption de quelques mesures importantes lors de sa discussion à l'Assemblée nationale, au-delà du financement de la prime de Noël, que j'ai déjà évoqué.

Tout d'abord, L'État a pris ses responsabilités en reprenant 2, 5 milliards de la dette du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, héritée du défunt budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA. Conformément aux préconisations du conseil de surveillance du FFIPSA et du rapport de la Cour des Comptes sur l'exécution de 2004, le Gouvernement souhaite que l'équilibre financier du FFIPSA ne soit pas tributaire des déficits hérités du BAPSA alors même que sont étudiées les pistes permettant un financement pérenne de la protection sociale des exploitants agricoles.

Ensuite, je souhaite évoquer la TVA sur les péages autoroutiers. Nous aurons sans doute l'occasion de revenir, au cours des débats, sur l'ensemble des motifs qui sous-tendent cette affaire.

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