Avec cet article 11, monsieur le ministre, vous affichez la volonté de lutter contre l'exploitation des étrangers sur notre territoire. Plus spécifiquement, vous prétendez lutter contre l'exploitation clandestine de leur force de travail. Quoi de plus normal ? Nous partageons cette préoccupation.
Mais, une fois encore, cette mesure - comme tout votre projet de loi, d'ailleurs - repose sur une idéologie très contestable. Dans votre projet initial, l'article 11 ne visait que les employeurs étrangers contrevenant aux dispositions du code du travail sur le travail clandestin. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont ajouté un article 11 bis, qui renforce les sanctions pénales contre tous les employeurs.
En premier lieu, il me semble inacceptable que le renforcement de la répression du travail clandestin vise essentiellement les employeurs étrangers. Pensez-vous sérieusement, monsieur le ministre, que seuls les étrangers exploitent le travail d'autres étrangers ? Ce serait bien naïf de votre part. Je pense plutôt que vous avez consciemment souhaité réprimer plus durement les étrangers.
Les actes incriminés ici sont gravissimes. Il faut absolument les punir, et durement. Mais je vous rappelle qu'ils concernent non seulement des employeurs étrangers, mais aussi bon nombre d'employeurs français, dans de nombreux secteurs, notamment le bâtiment. Les « négriers » d'aujourd'hui ne sont pas seulement étrangers ; nombre d'entreprises bien françaises fonctionnent également en exploitant le travail des clandestins.
En prévoyant, outre les peines applicables, le retrait du titre de séjour et l'interdiction d'exercer une activité professionnelle en France pour les employeurs étrangers, vous réinstaurez une sorte de double peine. Aux sanctions pénales qui s'appliquent à tous, vous ajoutez pour les étrangers une sanction administrative, ce qui constitue une discrimination évidente.
Je n'ai aucune pitié pour ceux qui exploitent les plus démunis, mais je comprends mal pourquoi les étrangers seraient punis plus durement que les Français pour de tels actes.
En second lieu, l'Assemblée nationale a adopté un article 11 bis qui prévoit la possibilité pour les tribunaux de prononcer une peine complémentaire de déchéance des droits civiques, civils et familiaux dans les cas de travail clandestin pour lesquels une peine de prison est prévue. Cette mesure est bonne en soi, mais je voudrais souligner deux points d'incompréhension.
L'Assemblée nationale a refusé de rendre cette peine automatique, alors même que les sanctions administratives imposées par l'article 11 aux employeurs étrangers le sont. Par ailleurs, j'estime que les actes dont nous parlons sont suffisamment graves pour que les peines de prison et d'amende soient considérablement aggravées, et ce pas seulement par l'ajout d'une peine complémentaire.
En conclusion, ce nouveau dispositif ne contribuera pas efficacement à la lutte contre le travail clandestin. Il réprimera peut-être plus durement les employeurs étrangers, mais les donneurs d'ordres, les groupes qui exploitent ou laissent exploiter des clandestins par leurs sous-traitants resteront relativement protégés, ce qui me semble tout à fait inacceptable.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste présentera un amendement de suppression de cet article.