Je peux comprendre la démarche des Français qui, à certains moments et pour des raisons qui leur sont personnelles, souhaitent aller vivre dans un autre pays. Cette attitude permet de développer les échanges entre les pays.
Cela peut néanmoins poser un problème, je le reconnais, dans le cas d'un pays pauvre qui verraient ses quelques cadres, formés à grand mal, partir systématiquement ailleurs. Encore faut-il dire qu'un pays ne se bâtit que si son élite a la volonté d'agir en ce sens et n'a pas pour premier désir d'aller travailler à l'étranger ! La tentation peut en effet être grande à cet égard, pour des raisons humainement compréhensibles.
Il nous faut donc trouver un équilibre entre notre souhait de recevoir des étrangers dotés de compétences et la nécessité d'organiser une circulation des élites entre leur pays d'origine et le pays d'accueil.
Il nous appartient peut-être aussi de concourir à la formation de ces étrangers.
J'ajoute que nous ne devons pas fermer les yeux sur la réalité. J'ai assez mal compris que les dirigeants de certains pays avec lesquels nous entretenons des liens d'amitié semblent dénoncer de notre part une tentation de pillage des cerveaux, alors que nous sommes régulièrement sollicités - tous ceux qui ont l'occasion de se rendre dans ces pays peuvent le constater - par certains de leurs ressortissants souhaitant venir travailler chez nous.
Par ailleurs, dans le cadre de la francophonie, les étudiants ayant fait le choix du français comme langue internationale s'étonnent de se voir fermer la porte de notre pays, alors que l'apprentissage de la langue anglaise leur aurait permis d'exercer leurs compétences dans le vaste monde anglophone.
Si nous ne sommes pas capables de reconnaître les compétences acquises par les francophones et de permettre à ces derniers de circuler dans l'espace francophone, les jeunes étrangers auront alors moins de raisons d'apprendre notre langue, laquelle est déjà en perte de vitesse dans le monde. L'apprentissage du français doit évidemment être un vecteur de leur développement et de l'ascenseur social. Leur demande est donc, à mon avis, tout à fait légitime.
Le projet de loi prévoit de reconnaître les compétences. Il est important que cela se fasse en liaison avec les autres pays - c'est, je crois, l'objet d'un amendement -, dans une sorte de contractualisation, de reconnaissance réciproque. Mais regardons les choses en face : il est souhaitable que ceux qui choisissent de venir en France maîtrisent notre langue ; or, s'ils ont appris cette dernière, c'est avec l'espoir qu'elle leur ouvrira, sous certaines conditions - et on peut souhaiter que ce ne soit pas de manière définitive -, la porte de notre pays. Ne pas accéder à cette demande serait à terme, j'en suis persuadé, condamner la francophonie. Voilà pourquoi j'approuve la démarche.