La carte de séjour « compétences et talents » se présente comme la mesure phare du projet de loi.
Il peut paraître incongru, en effet, de refuser à notre pays ce que d'autres s'offrent sans complexe ; de plus, si ces immigrés choisis ne vont pas chez nous, me direz-vous, ils iront chez les autres ; enfin, certains considéreront que c'est une façon de participer au codéveloppement des pays dont ces immigrés sont originaires...
Nous avons déjà évoqué les conditions restrictives qui permettraient de limiter l'emploi de médecins africains chez nous, ou des mesures plus positives comme le compte investissement ou la contractualisation. De telles dispositions permettraient de servir les intérêts réciproques des pays et de donner satisfaction aux individus.
Pourquoi soutenir ce que vous considérez comme insoutenable ?
D'abord, la France n'est pas tenue de faire ce que les autres s'autorisent. Au risque de paraître ringard, je rappellerai que la France est le pays de la Révolution et des droits de l'homme. Notre modèle d'intégration et de régularisation des flux d'immigration n'est pas celui des autres. Aussi, je me suis efforcé de montrer, en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, que les questions avaient été tranchées à la Libération et qu'il ne fallait ouvrir cette boîte de Pandore qu'en tremblant.
Au demeurant, les modèles étrangers cités en exemple ne donnent pas forcément les résultats qu'on veut bien leur attribuer. La vague de régularisations de 11 à 12 millions de personnes annoncée aux États-Unis devrait nous faire réfléchir ; les Canadiens semblent également rencontrer quelques difficultés.
Plutôt que d'importer de l'étranger des recettes qui ne marchent pas forcément mieux que les nôtres, essayons de moderniser notre propre modèle. Je pense par exemple aux réflexions de M. Legendre sur la francophonie, ou à tout ce que nous avons fait en matière de coopération, dans le respect de nos valeurs.
Je vais maintenant essayer de me placer dans votre logique.
Tout d'abord, le dispositif présenté comme nouveau existe déjà sous une forme légèrement différente avec la fameuse carte « VIP », créée par la loi de 2003 ; il n'a apparemment pas donné les résultats escomptés puisque l'on nous présente une nouvelle loi !
Je profite de l'occasion pour souligner un phénomène auquel nous sommes régulièrement soumis. On constate des problèmes et on en déduit qu'il faut faire une nouvelle loi ; ceux qui s'interrogent sur l'efficacité du nouveau texte sont soupçonnés de ne rien vouloir faire ; le temps passe, les problèmes demeurent, et on présente une nouvelle loi... et ainsi de suite, cela peut durer éternellement !
Si nous contestons les dispositions de ce projet de loi, ce n'est pas par envie de contester, ni pour ne rien faire, c'est parce que nous pensons qu'elles ne donneront pas les résultats attendus. Le dispositif est en effet miné par une contradiction fondamentale : ce sont bien les immigrés qui nous choisiront et non pas l'inverse !