L'article 12 est l'une des clés de voûte de ce projet de loi. Il traduit bien la notion d'immigration choisie ardemment défendue par M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur : sélectionner les étrangers et choisir ceux qui seraient les plus compétents et les plus talentueux, c'est-à-dire ceux qui seraient susceptibles de participer au développement économique et au rayonnement notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de notre pays.
Ainsi, en fonction de critères qui sont particulièrement subjectifs, surtout s'ils sont déterminés par la future Commission nationale des compétences et des talents, la France se permettra effectivement de trier les étrangers. Elle mettra, d'un côté, ceux qui ne seront pas reconnus dans leur activité professionnelle - ils se verront remettre un titre de séjour d'un an - et, de l'autre, ceux qui seront reconnus ou auront une certaine notoriété dans leur domaine - ils auront le droit d'obtenir une carte de séjour de trois ans.
Je suis d'accord avec ce qu'a écrit Kofi Annan, dans un journal du soir, au sujet des immigrés : « qualifiés ou pas, beaucoup ont assez d'initiative pour créer leurs propres entreprises qui vont de l'épicerie ouverte jour et nuit à Google, le géant de l'internet ; d'autres sont artistes ou écrivains et enrichissent de leur créativité la culture de leur ville d'accueil ».
Il n'y a donc pas, d'un côté, les mauvais immigrés et, de l'autre, les bons immigrés !
En la matière, nous devrions donc, me semble-t-il, faire preuve un peu plus souvent d'humilité.
Quelle image, en effet, donnons-nous aux pays étrangers ? Cette carte « compétences et talents » est censée être un élément de plus dans la politique de gestion des flux migratoires du Gouvernement.
Cependant, que personne ne se méprenne : les étrangers souhaitant travailler dans des domaines de pointe ou les étudiants-chercheurs ne viennent déjà plus en France, en raison des conditions drastiques mises à l'obtention d'une carte de séjour, sans parler des bas salaires qui leur sont proposés !
La carte de séjour « compétences et talents » n'a pas d'autre objet que de piller les cerveaux étrangers, tout en ne leur garantissant pas les mêmes conditions de travail qu'aux nationaux ; à cet égard, nous avons déjà largement évoqué le cas des médecins étrangers, qui travaillent dans des conditions déplorables.
Dans la pratique, ce sont donc les industriels, les chercheurs, les artistes et les sportifs que le Gouvernement souhaite attirer en France grâce à cette nouvelle carte.
En ce cas, n'aurait-il pas mieux valu faire bénéficier ces étrangers d'une carte de résident ? La carte « compétences et talents » est loin d'offrir à son titulaire les même garanties que la carte de résident, puisqu'elle peut lui être retirée s'il ne remplit plus les conditions de délivrance.
En résumé, cette carte traduit ni plus ni moins la vision utilitariste et élitiste qu'a le Gouvernement de l'immigration, vision que nous ne partageons bien évidemment pas !
C'est donc avec force que nous rejetons l'article 12 et demandons sa suppression.