Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous allons bientôt vivre une « révolution budgétaire » puisque nous nous apprêtons à discuter, dès 2006, le budget de l'Etat au diapason de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.
Nous allons passer d'une logique comptable à une dimension, beaucoup plus politique et performante, d'objectifs et de moyens. Cette culture nouvelle, pour réussir, doit reposer sur des bases saines, et ce projet de budget représente la dernière occasion d'orienter ce « futur » budgétaire. Alors, parlons-en !
Les Français de l'étranger espéraient beaucoup de cette approche moderne. Comme ils sont eux-mêmes spécifiques, ils espéraient bénéficier d'un programme spécifique, où leur identité serait pleinement reconnue, où leur sort budgétaire ne serait plus partagé avec d'autres préoccupations financières. Ils ont toujours demandé des crédits et des structures administratives individualisés, de façon à percevoir clairement l'action des pouvoirs publics à leur endroit.
Comment, en effet, apprécier sérieusement l'effort consenti en faveur de nos compatriotes expatriés, si durement éprouvés ces derniers temps en Côte d'Ivoire et dans d'autres régions du monde, si les crédits qui leur sont affectés sont mêlés à ceux des étrangers en France ?
Or, dans la nouvelle nomenclature, le sort budgétaire de nos compatriotes est confondu avec celui des étrangers en France, lesquels, de surcroît, semblent davantage au centre des préoccupations du Gouvernement. Cette nomenclature correspond à la structure administrative actuelle du ministère, où une même direction est chargée des Français de l'étranger et des étrangers en France.
Toutefois, ce n'est pas la structure administrative qui doit primer dans la nouvelle loi de finances. C'est à elle de s'adapter aux impératifs politiques. La loi de finances est, en effet, monsieur le ministre, un instrument politique, permettant d'élaborer et de concrétiser des politiques bien définies. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, lorsqu'on appartient à la majorité, on vote le budget même si on ne l'apprécie pas !
L'examen du projet de loi de finances devrait donner l'occasion d'aborder le sort des Français de l'étranger dans leur globalité, d'une manière dynamique et novatrice. Il serait donc politiquement judicieux de séparer, sur un plan budgétaire, les Français de l'étranger des étrangers en France, et je ne saurais trop insister pour qu'il en soit ainsi.
Nos compatriotes d'outre-frontière sont des Français comme les autres, des Français à part entière. Ils ne peuvent être confondus avec les étrangers en France. Ils attendent un signal clair en ce sens de la part des pouvoirs publics.
Monsieur le ministre, l'Assemblée des Français de l'étranger demande depuis des années que son budget propre soit individualisé au sein du budget des affaires étrangères. Pourrait-on imaginer, en France, une assemblée élue au suffrage universel direct dont les crédits seraient mêlés à ceux destinés aux étrangers en France et à d'autres organismes publics ou privés ? Pourtant, depuis des années, les crédits de l'AFE sont mêlés à ceux qui financent d'autres besoins.
Si le législateur a accepté de modifier récemment la dénomination de Conseil supérieur des Français de l'étranger en celle d'Assemblée des Français de l'étranger, c'est bien pour souligner le fait qu'il s'agit d'une assemblée bénéficiant de la seule légitimité qui l'emporte sur toute autre dans un Etat de droit : le suffrage universel ! Il ne s'agit pas d'un simple service du ministère des affaires étrangères !
C'est pourquoi, monsieur le ministre, il est indispensable - et il est encore temps ! - que la réforme budgétaire fasse progresser la démocratie sur ce point.
Dans le document appelé « Préfiguration de la loi organique relative aux lois de finances, action extérieure », je me félicite que l'Assemblée des Français de l'étranger soit mentionnée. Deux lignes lui sont en effet consacrées. C'est maigre ! Mais c'est déjà un progrès !
Monsieur le ministre, je vous propose de faire chaque année un peu plus, d'ajouter ligne après ligne, en commençant par une référence explicite aux crédits et aux personnels mis à la disposition de cette assemblée. Nous aboutirons ainsi à un résultat satisfaisant pour tout le monde, y compris pour vous-même, car vous y verrez plus clair dans cette question.
Je tiens à féliciter le Gouvernement - car s'il y a quelques critiques, les félicitations constituent l'essentiel, ne l'oublions pas ! - quant au choix des autres actions figurant dans le programme consacré aux Français de l'étranger, en particulier à un service public de qualité, à l'enseignement et à la sécurité.
Le Gouvernement a affecté une somme importante, 8 millions d'euros, à nos compatriotes de Côte d'Ivoire. Mais quelles sont les actions envisagées en faveur de ceux qui ont tout perdu, en particulier des chefs d'entreprise, de leur reconversion en France ou en Afrique ? Ils avaient investi. Ils ont des dettes, que les établissements français de crédit sont en droit de leur réclamer. Nos compatriotes ne pouvaient s'assurer pour les risques politiques, que les compagnies refusaient de prendre en charge.
Le Gouvernement envisage-t-il donc, dans l'immédiat, un moratoire des dettes, des aides spécifiques et des dispositions fiscales adaptées ? Voilà une question que l'on nous pose tous les jours !
Le Gouvernement prévoit-il surtout une coordination interministérielle, qui permette à nos compatriotes d'avoir un interlocuteur unique pour toutes les difficultés qu'ils rencontrent actuellement, et qui favorisera la liaison entre les organismes existants, lesquels font remarquablement leur travail : le comité d'entraide aux Français rapatriés, qui n'a d'ailleurs pas de moyens suffisants, les associations caritatives qui ont beaucoup oeuvré et les administrations compétentes dans les départements et communes d'accueil.
Je vous félicite également, monsieur le ministre, pour l'intérêt que vous portez à la réforme des comités consulaires visant à les rendre plus proches de nos compatriotes, avec des attributions et des moyens plus substantiels. La mise en place, à titre expérimental, de ces comités consulaires généralistes est bien engagée. Nous souhaitons tous qu'elle aboutisse, au printemps prochain.
Vous le voyez, messieurs les ministres, les attentes de nos compatriotes expatriés sont nombreuses. Les Français de l'étranger et leurs élus espèrent, sur tous ces points, une évolution positive. Elle est possible, elle est souhaitable. Quels changements pouvez-vous nous annoncer ?
Avançons avec audace ! Imaginons une vraie collectivité d'outre-frontière, avec toutes ses lettres de noblesse ! Soyons novateurs ! Comme l'écrit Georges Bernanos, cet authentique Français de l'étranger, « Un grand peuple ne vit pas de son passé comme un rentier de ses rentes »... Alors, monsieur le ministre, allons tous de l'avant !