Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quel que soit le regard que l'on porte sur Yasser Arafat et sur son action, nul ne peut nier qu'il a incarné pendant plus de quarante ans le combat des Palestiniens pour leur reconnaissance et pour la création d'un véritable Etat.
Ainsi que le déclarait Kofi Annam, « il a eu le courage d'accepter le fait qu'il devra y avoir deux Etats et que les Palestiniens devront vivre côte à côte avec les Israéliens ».
La disparition de Yasser Arafat ouvre une période nouvelle pour le Proche-Orient, instant fragile où le temps est suspendu, instant que les deux peuples devraient mettre à profit pour reprendre les négociations en vue d'une solution pacifique, juste et durable.
Pour le moment, les premiers jours de la transition se passent bien. Les premières décisions des Palestiniens démontrent la soif de démocratie de ce peuple.
Ami Ayalon, ancien chef de la sécurité intérieure israélienne, déclarait récemment dans Le Monde : « La majorité des dirigeants palestiniens sont très pragmatiques et parlent un langage politique identique au nôtre. J'ai aussi appris que, si la société palestinienne n'est pas une démocratie à l'occidentale, c'est la société arabe la plus démocratique qui soit et que la légitimité de leur responsable vient du peuple. »
Ainsi, bien avant la mort d'Arafat, 75 % des Palestiniens en âge de voter s'étaient déjà inscrits sur les listes électorales.
L'élection du nouveau président de l'Autorité palestinienne aura lieu le 9 janvier prochain. Or, mes chers collègues, en tant qu'élus, nous savons tous que, pour qu'un scrutin soit véritablement démocratique, il faut que les conditions de l'exercice de la démocratie soient respectées.
D'abord, tous les candidats qui le souhaitent doivent pouvoir faire acte de candidature. En Palestine, cette condition est remplie puisque l'on compte une dizaine de candidatures à la présidence.
Deuxième condition : tout candidat doit pouvoir se déplacer librement sur son territoire. Or, comment faire campagne dans des zones quadrillées par plus de 700 postes de l'armée israélienne, où les villes sont encerclées par des murs et des barrières, où circuler d'une agglomération à une autre est infiniment difficile ?
M'étant rendue plusieurs fois dans les territoires occupés, j'ai pu constater que, pour les Palestiniens, aller d'une agglomération à une autre dans des délais normaux est impossible. En effet, les routes directes étant réservées aux colons israéliens, ils doivent emprunter des chemins de montagne caillouteux et patienter parfois de longues heures aux barrages, autant de contraintes qui allongent considérablement la durée des trajets et rendent les déplacements aléatoires.
Organiser des élections libres dans un territoire occupé n'a pas de sens. Il ne saurait y avoir de liberté de vote sans liberté de circuler.
Enfin, et c'est la condition majeure, il faut donner aux Palestiniens une perspective, leur ouvrir un nouvel horizon politique. En effet, quel projet, quel programme crédibles peuvent présenter les candidats à l'élection si leur malheureux peuple n'a d'autre futur que l'enfermement dans des murs sur un territoire occupé et qui, du fait de la colonisation, se réduit comme peau de chagrin ?
Pour Israël et les Etats-Unis, Arafat était « un obstacle à la paix ». Arafat disparu, le prétexte tombe. Mais ne nous y trompons pas ! On ne peut réduire la question palestinienne à une confrontation entre deux hommes et, tant que les Palestiniens, qui ont reconnu Israël, ne recouvreront pas leurs droits, la question du Moyen-Orient ne sera pas résolue.
Pour citer Amos Oz, « les deux peuples savent maintenant que l'autre existe et la plupart des gens des deux côtés savent que l'autre ne partira pas ». Il faut donc réamorcer le processus de paix et, pour ce faire, laisser entrevoir un futur, donner une espérance aux Palestiniens, qui ont besoin de faits concrets et d'objectifs précis.
Feuille de route, accords de Genève, plan de paix du prince Abdallah : les projets ne manquent pas ! Projets élaborés, médiatisés et vite oubliés !
Je m'attarderai quelques instants sur l'accord de Genève, dit « accord Beilin-Abed Rabbo », ainsi que sur le plan du prince Abdallah. A la différence de la feuille de route, cet accord et ce plan ont le mérite d'aborder des points concrets, difficiles, douloureux, pour l'un et l'autre peuple : frontières, continuité territoriale, réfugiés. Il y a donc matière à négociation ; ne manque que la volonté de s'asseoir à la table des négociations.
Israël doit tirer les conséquences de la situation nouvelle créée par la mort de Yasser Arafat, donner des signes tangibles de sa volonté de reprendre les négociations, mettre fin aux décisions unilatérales et repenser « la terre contre la paix ».
Monsieur le ministre, de nombreux obstacles empêchent ces élections de se dérouler dans des conditions optimales : l'occupation, le mur, le problème de la population de Jérusalem-Est, les 7 500 prisonniers politiques, parmi lesquels se trouvent deux députés, dont Marouane Barghouti, candidat à la présidence.
L'Union européenne a montré sa volonté de soutenir le processus électoral par une aide technique ainsi que par l'envoi d'observateurs dont la mission est de vérifier la liberté de vote effective du peuple palestinien.
Monsieur le ministre, respectant les valeurs de notre République, la France s'est révélée exemplaire en accueillant sur son sol le leader palestinien venu finir ses jours dans un dernier exil.
Les élections auront lieu le 9 janvier prochain, donc très prochainement. Je me joins à notre collègue Robert Bret pour vous dire que nous souhaitons voir le Parlement s'associer pleinement à cet engagement. Le comité pluraliste de parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat pour les initiatives de paix au Proche-Orient, qui compte quelque 250 membres, vous a écrit : les volontaires ne manquent pas !
Dès lors, j'aimerais savoir quelles initiatives vous comptez prendre en vue d'apporter l'aide de la France à un processus électoral démocratique, qui conférera une forte légitimité au nouveau président de l'Autorité palestinienne, dans la perspective d'une paix juste dans cette région.