Intervention de Philippe Madrelle

Réunion du 8 décembre 2004 à 21h45
Loi de finances pour 2005 — Affaires étrangères

Photo de Philippe MadrellePhilippe Madrelle :

Messieurs les ministres, mes amis du groupe socialiste vous ont déjà dit ce que nous pensions de votre projet de budget. A mon tour, j'aborderai brièvement un sujet qui me tient à coeur et qui, me semble-t-il, est quelque peu maltraité par la politique gouvernementale.

Il s'agit des crédits du chapitre 42-13 du budget des affaires étrangères, qui sont gérés par la mission pour la coopération non gouvernementale, mais qui ne sont pas tous consacrés à la coopération décentralisée.

Ces crédits, qui progressent de 3, 5 millions d'euros, s'établissent à 37 millions d'euros pour 2005. Toutefois, cette augmentation, somme toute homéopathique, est destinée aux organisations de solidarité internationale, qui ont un grand retard à rattraper, et non pas à la coopération décentralisée.

D'ailleurs, les rapporteurs de nos commissions sénatoriales ont pu le vérifier : la diminution des crédits destinés à la coopération décentralisée est une réalité. Il y a, d'un côté, les discours et, de l'autre, une réalité financière un peu maigre. C'est ainsi que les crédits inscrits aux articles 30 et 40 du chapitre 42-13, qui s'élevaient à 7, 35 millions d'euros, atteignent difficilement 6, 54 millions d'euros en 2005.

Il s'agit là, selon moi, d'une évolution alarmante. Mon expérience au sein du conseil général de la Gironde m'autorise, me semble-t-il, à donner un point de vue réaliste sur l'état de la coopération décentralisée.

Par le biais de notre « mission de coopération internationale et décentralisée », nous avons souhaité développer une politique en matière d'échanges internationaux qui soit d'abord une politique de proximité, un outil destiné à affirmer la solidarité des territoires du Nord avec les régions du Sud, au service du développement local. De cette façon, nous essayons, comme beaucoup d'autres, de donner un sens à l'articulation entre la République, la diplomatie et les territoires.

Nous avons voté, en septembre 2004, la « charte de développement durable pour la coopération décentralisée ». La mission de coopération privilégie ainsi les projets à moyen et à long terme, s'assurant, dès leur conception, de leur fiabilité, de leur viabilité et du bénéfice direct qu'ils procurent aux populations locales.

Cette action s'articule aujourd'hui autour de trois territoires, et ce afin d'éviter un trop grand éparpillement de ses opérations. Il s'agit de la province du Houet, au Burkina Faso - le protocole d'accord de 1993 a été reconduit en novembre 2004 -, de la région de Poméranie occidentale, en Pologne - protocole d'accord signé en juillet 2004 -, et enfin de la wilaya d'Adrar-Timimoun, en Algérie - le protocole doit être signé en mars 2005

Fort de cette expérience, je voudrais, messieurs les ministres, vous faire part de notre inquiétude.

La diminution des crédits de l'Etat risque de mettre en péril les efforts des collectivités locales et d'entraîner une grande désillusion chez nos partenaires à l'étranger. Actuellement, les flux financiers provenant des collectivités territoriales en matière de coopération internationale ne cessent d'augmenter, alors que l'apport de l'Etat ne fait que diminuer. Il est donc à craindre que l'Etat ne se désengage de plus en plus de la coopération.

Je fais aussi remarquer que, au-delà des espèces sonnantes et trébuchantes, la contribution financière de l'Etat aux projets des collectivités représente souvent une « caution » importante aux yeux des autres cofinanceurs.

En réduisant ces crédits, l'Etat affaiblit donc doublement la coopération décentralisée.

Des efforts restent encore possibles en matière de coordination - et non pas de centralisation - des actions des collectivités françaises, lorsqu'elles agissent sur les mêmes territoires ou sur des secteurs d'activité proches. Aussi, les collectivités ont tout à gagner à travailler en « mutualisant » leurs actions, afin de mieux utiliser toutes les énergies existantes.

Si l'action des associations et des collectivités locales se fait en ordre dispersé, elle sera, malgré toute la bonne volonté déployée, très largement improductive.

Voilà pourquoi, messieurs les ministres, pleinement conscient des tâches qui restent à réaliser dans nos collectivités territoriales afin d'accroître notre efficacité, je me permets de vous adresser cet appel : faites en sorte que la coopération décentralisée puisse vivre !

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la réglementation en matière de visas d'entrée et de séjour des étrangers en France.

Cet aspect constitue trop souvent un obstacle sur la voie des partenariats que nos collectivités locales tissent avec des pays étrangers. En effet, et nous avons pu le vérifier dans le cadre de nos projets de coopération décentralisée, le refus d'un visa met sérieusement en danger la poursuite du projet. Nous sommes fréquemment confrontés à de telles situations. Nos partenaires sont alors tentés de s'adresser à d'autres opérateurs, dans d'autres pays, pour faire aboutir leur désir d'échange, d'ouverture et de progrès social. Ils ont parfois l'impression que la France leur ferme la porte.

Puissiez-vous, messieurs les ministres, convaincre certains de vos collègues d'oeuvrer pour que le comportement de la France soit plus conforme à sa tradition de terre d'accueil !

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