Intervention de Robert Bret

Réunion du 30 novembre 2005 à 10h30
Loi de finances pour 2006 — Participation de la france au budget des communautés européennes : article 50

Photo de Robert BretRobert Bret :

Or, au contraire, le projet de budget pour 2006 s'inscrit seulement dans la continuité des précédents. Il ne représente que 1, 05 % du revenu national brut, le RNB, des États membres de l'Union européenne, alors que les perspectives financières plafonnent les recettes de l'Union européenne à 1, 08 % du RNB. On est loin de ce plafond, qui, lui-même, était d'ailleurs fixé, initialement, à 1, 24 % du RNB de l'Union.

Les États ne sont pas à la hauteur de l'attente des peuples nationaux. En témoigne la position du groupe des six, dont la France fait partie, qui reste opposé à une forte croissance du budget européen et demande, au contraire, sa limitation à 1 % du RNB de l'Union. C'est là, sans aucun doute, le plus sûr moyen de construire une Europe incapable de faire face à la crise qu'elle traverse, empêtrée dans les individualismes nationaux et étrangère à tout esprit de solidarité !

L'intérêt général européen n'existe décidément pas aux yeux des gouvernements. Vous récusez, à raison, madame la ministre, le « chèque britannique ». Plus rien ne justifie le maintien de ce rabais. Le niveau de richesse par habitant du Royaume-Uni est maintenant l'un des plus élevés de l'Union européenne et la part des dépenses agricoles de marché, dont ce pays bénéficiait très peu, a fortement baissé dans le budget européen.

Certes, la France est le plus gros contributeur au rabais britannique. Il est regrettable que le coût de ce chèque pour notre pays s'élève à environ 1, 6 milliard d'euros en 2006, soit 28 % du montant total de la correction, et qu'il représente ainsi près de 10 % de la contribution totale de la France au budget de l'Union européenne.

Mais, parallèlement, nous ne devons pas oublier que la France reçoit beaucoup du budget européen, au titre, principalement, de la politique agricole commune, dont elle est la principale bénéficiaire, mais aussi des fonds structurels.

De manière générale, nous désapprouvons les calculs comptables des retours nationaux des dépenses communautaires, lesquels empoisonnent les discussions dans l'Union européenne. Le principe, arrêté lors du Conseil européen de Fontainebleau de juin 1984, selon lequel « tout État membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité relative est susceptible de bénéficier, le moment venu, d'une correction » s'oppose à l'esprit de solidarité qui devrait animer la construction communautaire.

La contribution des États membres devrait être présentée comme une ambition et non uniquement comme un coût. L'Europe a besoin d'un budget digne de ce nom pour fonctionner correctement, comme l'a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances, Denis Badré. Dans cette perspective, la création d'un impôt européen est une idée, parmi d'autres, qui mériterait d'être débattue.

Madame la ministre, comme les années précédentes, les deux principaux postes de dépenses de l'Union européenne sont la politique agricole commune et la politique régionale. En 2006, la PAC devrait représenter 42, 4 % du budget communautaire. Si nous reconnaissons l'importance de cette politique, nous savons également qu'elle suscite des effets pervers.

Selon la Commission européenne, les 2 530 plus importantes exploitations françaises, soit moins de 1 % du total, reçoivent plus de subventions que les 182 270 plus petites, qui, elles, représentent près de 40 % du total.

Il est très difficile de rendre compte de toutes les disparités induites par la PAC, devenue si complexe qu'elle n'est plus gérée de façon transparente. La situation de l'agriculture en France reflète d'ailleurs ces inégalités, la PAC favorisant les plus grandes exploitations, comme l'a rappelé notre collègue M. Fortassin.

Nous tenons à réaffirmer, une nouvelle fois, notre inquiétude à l'égard de la PAC, qui crée des discriminations au détriment des petites et moyennes exploitations nationales, et dont les aides à l'exportation affectent l'agriculture des pays du tiers-monde ; cette question sera d'ailleurs examinée, dans quelques jours, lors du sommet de l'Organisation mondiale du commerce à Hong Kong.

Quant à l'action extérieure de l'Union européenne, sa dimension politique ne peut être ignorée, que ses programmes prennent la forme d'aide humanitaire, d'aide alimentaire, d'assistance technique ou d'aide au développement. Nous ne pouvons que regretter qu'elle subisse une diminution de 3, 7 %. La réduction de l'engagement financier européen atteste un certain désengagement politique. Ce mouvement est en contradiction avec le rôle que l'Europe doit jouer sur la scène internationale.

Au Proche-Orient, par exemple, l'Union européenne doit être au rendez-vous de l'Histoire. Après le retrait israélien des colonies de Gaza et l'accord sur l'ouverture du point de passage de Rafah, le contexte politique évolue sensiblement. Amir Peretz, élu à la tête du parti travailliste, reconnaît la nécessité d'un État palestinien viable et d'un retrait des territoires occupés de Cisjordanie.

Toutefois, l'Autorité palestinienne demeure fragile. L'Union européenne doit prendre ses responsabilités et la soutenir activement. Il ne suffit pas qu'elle lui apporte un soutien financier, il est indispensable qu'elle s'engage politiquement. Il lui appartient de soutenir les propositions constructives qui seraient émises par les deux parties intéressées, palestinienne et israélienne.

N'attendons pas l'évolution de la position américaine, comme ce fut encore le cas lors de l'ouverture du poste frontière de Rafah entre Gaza et l'Égypte ! L'Europe doit prendre ses responsabilités et agir pour une paix juste et durable au Proche-Orient.

Enfin, madame la ministre, nous déplorons ce simulacre de démocratie qu'est le débat relatif au prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. En effet, rappelons tout de même que, si notre assemblée votait contre ce projet de budget, comme elle en a, en principe, le droit, la France serait purement et simplement condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes à verser le montant des sommes fixées, ce qui montre les limites du présent exercice.

En fait, le projet de budget pour 2006 témoigne du peu de cas que la Commission et le Conseil font de la situation exceptionnelle que nous vivons. Il ne contient aucune trace d'une politique de relance digne de ce nom. Il consacre une vision du monde que nous ne pouvons accepter.

Loin de dessiner un projet de société fondé sur la solidarité et la justice sociale, le budget que vous défendez, madame la ministre, s'inscrit dans la continuité du projet de société libérale que l'on nous propose et qu'ont refusé les Françaises et les Français. Le groupe communiste républicain et citoyen récuse l'esprit qui anime ce projet de budget et votera en conséquence contre le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne.

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