Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 30 novembre 2005 à 10h30
Loi de finances pour 2006 — Participation de la france au budget des communautés européennes : article 50

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

L'exercice 2006 est le dernier de la perspective budgétaire 2000-2006. Je serais tenté d'ajouter : et ensuite ? Il semblerait, en effet, que les discussions sur les perspectives 2007-2013 aient peu de chance d'aboutir sous la présidence britannique et que nous attendions le début de la présidence autrichienne.

Cette situation résulte, en grande partie, vous le savez, de l'échec du référendum sur la constitution européenne et de l'absence du fameux plan B. Comment croire que voter « non » pouvait faire progresser l'Europe ?

Aujourd'hui, l'Europe est bloquée, figée par des processus de vote complexes et des crispations institutionnelles. Ces risques, nous les avions pressentis et il nous faut maintenant les affronter. Pour cela, nous devons compter, comme nous l'avons toujours fait, sur la dynamique propre à la construction européenne. Même si la crédibilité de notre pays est fragilisée, il nous faut dresser un constat et avancer pas à pas.

Le premier constat, déjà évoqué par M. le rapporteur, c'est l'absence d'un véritable budget communautaire, à cause de la renationalisation des ressources européennes. Le budget de l'Union n'assure pas réellement les trois fonctions de stabilisation, d'affectation et de redistribution, traditionnellement attribuées à la puissance publique, ce qui est bien dommage. Pour que cette situation change, il faudrait un véritable impôt européen. Je souhaite que la campagne présidentielle qui s'annonce aborde ce sujet ; d'ailleurs notre courant de pensée y contribuera.

Le deuxième constat, c'est que les perspectives financières qu'il nous faut dresser pour les années à venir devront le plus possible corriger les défaillances de la construction européenne.

Comme le soulignait M. le rapporteur spécial, il paraît nécessaire, en particulier, de redéfinir la PAC, afin de lui assigner d'autres objectifs, tels que la protection des consommateurs européens. Notre pays peut reprendre la main sur la plus communautaire des politiques européennes, tout en se préparant à la diminution inéluctable des retours de la France au titre de cette politique. Parallèlement, la « correction britannique » apparaît tout aussi obsolète.

La troisième défaillance de taille, c'est qu'il nous semble aujourd'hui difficile de nous mobiliser autour d'un projet politique fédérateur, ce qui n'est pas neutre sur le plan budgétaire, tout au contraire ! En l'absence d'un tel projet, le débat budgétaire continuera d'être « pollué » par la prévalence des intérêts nationaux.

Une fois ce constat fait, il faut reconstruire.

Nous ne pourrons réussir qu'en renouant avec le pragmatisme d'autrefois et en créant, pour paraphraser Robert Schuman, des solidarités concrètes. C'est à ce pragmatisme que nous devons toutes les avancées significatives en matière d'intégration communautaire.

La France a dit « non » : il ne faut pas contourner ce vote clair des Français ; je le dis d'autant plus librement que 82 % des électeurs de mon arrondissement parisien ont voté « oui ». Cessons de prendre les Français pour des imbéciles ! À la question de nature institutionnelle qui leur était posée, portant sur l'approbation des nouvelles institutions, ils ont répondu « non ». Quelles que soient nos idées personnelles, nous devons tenir compte de ce vote. La démocratie passe avant tout intérêt personnel, de parti ou de courant.

Le pragmatisme qui nous permettra de reconstruire l'Europe doit être le fait de toutes les forces politiques européennes, incarnées par les trois grands partis que sont le PPE - le parti populaire européen - le parti socialiste et les libéraux. Madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez très bien, par le passé, toutes les avancées européennes ont été obtenues grâce à l'amitié franco-allemande et au consensus entre les grands partis.

Dans notre démarche de reconstruction, la LOLF peut nous aider à atteindre nos objectifs d'approfondissement, même si cet outil est perfectible. Comme le faisait remarquer M. le rapporteur spécial, la LOLF consacre le principe de prélèvements sur ressources propres. Cependant, elle manque encore de clarté, et l'absence d'un programme « Concours de la France à la construction européenne » est préjudiciable.

Mais il y est un objectif plus fondamental encore : les perspectives financières futures devront être établies en prenant en compte les trois grandes réformes, qui sont, à nos yeux, des éléments clés pour l'Union européenne.

Premièrement, sans éluder le vote des Français sur les institutions, il faut démocratiser l'Europe autour de son Parlement.

Il est en effet inconcevable de continuer à fonctionner avec un Parlement, élu au suffrage universel, qui se prononce sur les dépenses mais pas sur les recettes. La comparaison est certes excessive, mais il s'apparente à un « Parlement des enfants », se contentant de gérer le peu d'argent qui lui est attribué. Plus sérieusement, au-delà même du rejet du projet de constitution européenne, le renforcement des institutions européennes est une nécessité fondamentale.

Deuxièmement, il importe de relancer l'Europe de la défense.

C'est dans ce sens que les crédits transférés à l'Union européenne, sur lesquels nous nous prononçons aujourd'hui, devront être distribués. C'est une nécessité tant politique qu'économique : il nous faut une politique européenne de défense et de sécurité.

Pourrons-nous continuer, en France, à financer toutes les dépenses « guerrières » dont nous avons besoin pour notre sécurité ? Pourrons-nous continuer à assumer, seuls, notre marine, notre défense, notre programme nucléaire et spatial ? Nous aurons l'occasion de revenir sur ce débat fondamental lors de l'examen du projet de budget de la défense.

Troisièmement, il convient de relancer la stratégie de Lisbonne, en dépassant un contexte économique plus qu'incertain pour notre pays. En effet, même si les statistiques publiées hier montrent un recul du chômage, ce dernier ne semble pas marquer le pas significativement. Quant à la croissance, malgré une légère progression, elle est toujours en panne.

Dans ce cadre, il faut très vite lancer, ou plutôt relancer, mais de façon beaucoup plus complète, ce que j'appelle la PRC, la politique de recherche communautaire.

Madame la ministre, mes chers collègues, l'heure est donc à la reconstruction. Les outils pour y parvenir existent. Il ne nous reste plus qu'à les adapter et à les utiliser de manière efficace, pour atteindre les trois objectifs que nous assignons à l'Union européenne, à savoir sa démocratisation, le développement de sa puissance et l'essor de son économie.

Cela étant dit, Le groupe de l'UC-UDF votera les crédits proposés pour la participation française au budget des Communautés européennes.

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