Intervention de Daniel Goulet

Réunion du 30 novembre 2005 à 10h30
Loi de finances pour 2006 — Participation de la france au budget des communautés européennes : article 50

Photo de Daniel GouletDaniel Goulet :

...des complexités administratives et technocratiques, de la logorrhée réglementaire, de l'agriculture subventionnée et déstructurée - ou en voie de l'être -, des agriculteurs mal dans leur peau, passant plus de temps à remplir de la paperasse qu'à travailler sur leurs exploitations, et je ne parle pas des normes de sécurité sanitaires, alimentaires et environnementales...

Comment avons-nous pu laisser se creuser un tel fossé dans l'esprit de nos concitoyens entre les réalités de l'action européenne et leur perception sur le terrain ? Nous en sommes sans doute responsables, de même que nous demeurons inconscients des causes profondes du résultat du référendum du 29 mai.

Il est un fait que la participation de la France au budget de l'Union européenne s'élève à un peu moins de 18 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien ! Le budget communautaire demeure essentiellement consacré à la politique agricole commune et à la politique régionale, qui représentent respectivement 42 % et 37 % des crédits.

Nous n'avons pas su expliquer à l'opinion publique que la France est le deuxième pays bénéficiaire des dépenses opérationnelles de l'Union européenne. En effet, elle a reçu en 2004, un peu plus de 14% des versements de l'Union aux États membres, ce qui fait d'elle, comme en 2003, le deuxième pays bénéficiaire, devant l'Allemagne et l'Italie.

Élu d'un territoire rural et membre du Conseil de l'Europe, je voudrais faire trois séries d'observations : la première sur la politique agricole commune, la deuxième sur les fonds structurels et la troisième sur les actions extérieures de l'Union européenne.

La politique agricole commune - je serai bref sur le sujet, car nous en parlerons par ailleurs - doit être considérée comme un succès. Elle sert l'ensemble des consommateurs européens, au moins autant que les agriculteurs français. Elle constitue, finalement, l'une des rares vraies politiques communautaires.

Mais la réforme de 1992 a contribué à la dénaturer, en instaurant des aides directes dont il faudra, par la force des choses, réexaminer à la fois les modalités et les objectifs. Il n'est donc pas juste de critiquer l'Union européenne de façon systématique.

Mal expliquée, mal anticipée, la réforme de la politique agricole commune est pourtant une nécessité. Avec lucidité et courage, il convient d'ouvrir, une fois pour toutes, le grand débat franco-français sur la seule question qui vaille et qui demeure : quel est l'avenir de l'agriculture dans un pays dont la population rurale s'interroge sur sa propre destinée ?

La réforme s'impose sans doute, mais pas à n'importe quel prix ! La France a, dans ce domaine, des lettres de noblesse à faire valoir.

S'agissant des fonds structurels, je formulerai une première interrogation : comment notre pays a-t-il pu manquer l'occasion unique de bénéficier pleinement de cette politique communautaire, alors que des pays voisins, l'Espagne par exemple, ont su en profiter au maximum ? Nous pouvons le constater sur le terrain lorsque nous traversons certains de ces pays.

Certes, la procédure complexe applicable au début de la mise en oeuvre de cette politique tendait plutôt à dissuader les porteurs de projets. Mais elle a très vite, et fort heureusement, fait place, en France, à une application simplifiée, gérée par les préfectures de région, mettant fin à ce paradoxe inacceptable : d'un côté, une consommation insuffisante des crédits, de l'autre, des besoins de plus en plus importants et non satisfaits.

Dans ce domaine, bien que nos collectivités territoriales aient été placées sur un pied d'égalité, certaines ont su mieux que d'autres se distinguer et instaurer une saine gestion, mettant à profit les possibilités qui leur étaient offertes. Je pense à des régions comme l'Alsace, mais aussi à des départements, notamment la Manche, dont le président du conseil général, notre collègue M. Jean-François Le Grand, a été un acteur innovant, un pratiquant averti et efficace de l'utilisation des fonds européens, grâce à une gestion directe et coordonnées. Or, dans l'Orne, département voisin que je représente au Sénat, le conseil général n'a pas su - ou pas pu - faire preuve de la même volonté non plus que de la même compétence pour attirer la manne européenne, alors que les projets ne manquaient pas.

Pour être opérationnel dans ce domaine, il aurait fallu, en réalité, susciter une organisation et mutualiser les efforts et les projets, pour éviter l'addition de petits projets dont la dispersion entraîne un saupoudrage des aides qui ne peut produire l'effet escompté. Ainsi, 315 millions d'euros de crédits communautaires ont été alloués à ma région, la Basse-Normandie, pour la période en cours. Or 80 % seulement de ces crédits - quelle que soit leur forme d'éligibilité - ont été utilisés, ce qui représente un certain retard par rapport à la courbe de programmation optimale.

Madame le ministre, je voudrais vous parler maintenant de l'action extérieure de l'Union européenne. En ma qualité de membre de la commission des affaires étrangères et du Conseil de l'Europe, je voudrais attirer votre attention sur l'impérieuse nécessité d'agir réellement dans de nombreux domaines afin de ne pas se limiter aux discours et aux bonnes résolutions.

J'évoquerai brièvement l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, institution dont l'existence me paraît désormais devoir être remise en cause, pour être devenue inopérante et dispendieuse. Cette assemblée, à l'origine chargée de conduire la réflexion sur la défense européenne, a vu la totalité de ses prérogatives - les missions de Petersberg, qui constituent son objet social en quelque sorte - transférées au Parlement européen, voilà plus de cinq ans.

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