Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 30 novembre 2005 à 10h30
Loi de finances pour 2006 — Participation de la france au budget des communautés européennes : article 50

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la construction européenne est en crise. Les États membres ne semblent plus être capables aujourd'hui de dépasser leurs intérêts nationaux et de retrouver un élan collectif fondé sur la recherche d'avantages communs.

Dans ces conditions, comment demander aux citoyens de se sentir européens lorsque leurs propres États ne parviennent plus ni à formuler une vision vraiment européenne de l'action commune ni à concevoir un projet qui soit d'abord au bénéfice de l'Union dans son ensemble ?

Dépasser la conception de l'Union européenne comme la somme des intérêts individuels me semble aujourd'hui une urgence. Le budget doit être à l'image des objectifs politiques que l'on veut assigner à l'Union.

Notre collègue Bernard Frimat a fort bien rappelé tout à l'heure les problèmes liés au volume de la participation française au budget de l'Union européenne et les difficultés des négociations entre États européens sur la question. On ne pourra pas rêver d'une meilleure Europe, désormais à vingt-cinq, si on la bride dans ses moyens et si rien n'évolue dans ses priorités. Or, au Sommet de Hampton Court, aucune dynamique ne s'est dégagée.

Je voudrais pour ma part insister sur la nécessaire réorientation du budget européen. Elle part d'un constat simple : avoir un secteur de recherche performant est essentiel pour atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne, c'est-à-dire faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus innovante au monde.

Or nous en sommes bien loin : 700 000 chercheurs supplémentaires doivent être recrutés pour atteindre l'objectif de 3% du PNB européen dédiés à la recherche et pour remplacer les effectifs actuels vieillissants.

En 2001, le nombre de chercheurs a augmenté de 5, 7 ?. Cette progression est bien plus faible que celle qui est enregistrée tant aux États-Unis qu'au Japon et qui s'établit respectivement à 8, 1 ? et à 9, 1 ?.

Pour réaliser l'objectif fixé lors du sommet de Lisbonne, plusieurs pistes existent. J'en citerai quatre.

La première proposition consiste à faire de la recherche la priorité budgétaire de l'Union. La part des dépenses budgétaires consacrée à la recherche publique pourrait représenter, dans un premier temps, 0, 25 % du PIB communautaire, puis augmenterait progressivement pour que la recherche devienne la première politique commune de l'Union.

Le Japon a montré son sens des enjeux en investissant dans la recherche et le développement à hauteur de 3 % de son PIB, en dépit de la crise économique profonde qu'il a traversée. À son tour, l'Europe doit se donner comme objectif d'être la zone du monde qui investit le plus dans la recherche et le développement. Cet effort mené dans ce secteur doit également compenser les carences des politiques nationales qui ont enregistré une baisse globale de 0, 9 % à 0, 75 % du PIB ces quinze dernières années, et c'est le cas en France.

À cet égard, je me réjouis que les ministres de la recherche européens, réunis lundi en conseil de compétitivité, se soient accordés sur la création d'un conseil européen de la recherche et sur les principes du programme de recherche pour les années 2007-2013, sans toutefois en budgéter les différents volets.

La deuxième proposition vise à créer une agence européenne pour la science et la recherche.

La recherche publique doit être rendue plus efficace. Actuellement, les crédits alloués le sont surtout en fonction de critères géographiques qui souffrent de procédures de sélection trop lourdes.

La création d'une agence européenne de la recherche indépendante, qui pourrait être composée de scientifiques réputés, qui couvrirait l'ensemble du champ scientifique et attribuerait des fonds sur la base de critères d'excellence scientifique, permettrait de remédier à cette situation.

La troisième proposition concerne l'incitation au développement de la recherche privée. Une loi-cadre européenne pourrait fixer un crédit d'impôt minimal pour les investissements d'entreprise effectués en matière de recherche et de développement.

L'effort financier européen consacré à la recherche privée est insuffisant. Il représente à peine 1, 2 % du PIB alors qu'il s'établit aux États-Unis à 1, 8 %. L'objectif de 2 %, fixé par le Conseil européen de Barcelone, est donc loin d'être atteint par l'Union dans son ensemble, même s'il a déjà été dépassé par certains pays membres. Ainsi, par exemple, la Suède consacre à cette recherche 3 % de son PIB.

Une directive-cadre pourrait fixer un plancher de défiscalisation commun à toute l'Europe, qui permettrait à chaque État membre de se doter d'un outil fiscal tel que le crédit d'impôt. Ce dernier constitue sans doute l'un des instruments appropriés pour stimuler la recherche privée.

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