Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 30 novembre 2005 à 22h00
Loi de finances pour 2006 — Débat sur les effectifs de la fonction publique

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Ainsi, pour 2006, il est prévu que soient supprimés 5 318 postes en équivalent temps plein travaillé, soit 5 100 emplois. La fonction publique connaissait déjà une baisse du nombre des emplois temps plein travaillé de 4 537 en 2004, et de 7 392 en 2005.

M. Georges Tron, rapporteur à l'Assemblée nationale de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », qualifie cette diminution de « relativement modeste ». C'est édifiant ! C'est en tout cas ainsi qu'il défend la position de la majorité et du Gouvernement de ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux.

Le Gouvernement considère que la diminution des effectifs est une priorité afin de parvenir à l'équilibre budgétaire, avec en toile de fond la maîtrise des dépenses publiques.

Nous considérons que la priorité est ailleurs et que le Gouvernement contribue lui-même, depuis 2002, à creuser le déficit de la France.

Les Français doivent savoir que c'est la politique fiscale en faveur des plus riches et des entreprises qui endette la France. La baisse de l'impôt sur le revenu représente, depuis 2002, 43 milliards d'euros cumulés ; les crédits d'impôts représentent, de leur côté, 20 % des ressources nettes de l'État ; enfin, les exonérations de cotisations patronales coûtent 20 milliards d'euros à l'État.

Le Gouvernement ne peut donc constamment nous opposer le poids de la dette lorsqu'il tente de justifier les réductions d'effectifs dans la fonction publique.

La LOLF offre malheureusement un cadre idéal pour « plafonner » désormais l'emploi public et utiliser les crédits économisés sur les dépenses de personnel à d'autres fins. Le message adressé aux ministères est clair : il leur sera tout à fait possible de ne pas « saturer » leur plafond d'emplois, ce plafond constituant un maximum et non un objectif, selon les propres termes de Georges Tron.

Ce dernier propose de distinguer front office et back office pour assurer l'emploi fluide des fonctionnaires. L'expression même devrait faire frémir les puristes, mais, surtout, elle démontre la dérive anglo-saxonne et inquiète tous ceux qui sont attachés au service public à la française.

Aujourd'hui, nombreux sont les services de proximité déjà fermés. Je n'en ferai pas l'énumération, tant elle commence à devenir longue !

Ce raisonnement traduit bien l'idéologie gouvernementale, qui consiste à remettre en cause les services publics qui ne sont pas régaliens. Certes, on note une hausse d'effectifs dans les budgets de la police et de la justice, mais ce dernier ministère souffre d'un manque cruel de moyens financiers et humains, comme nous le démontrerons dans les jours à venir.

L'évolution de l'emploi dans la fonction publique ne peut se mesurer qu'aux besoins à moyen et long terme de chaque ministère, ces besoins étant dictés par les missions de service public que l'État doit assurer et assumer. Fixer arbitrairement, comme c'est le cas désormais, un plafond d'emplois n'est donc pas raisonnable, à moins d'envisager le désengagement de l'État de ses missions de service public comme une finalité.

Ni les différentes mesures proposées dans le cadre des négociations salariales, comme le rachat des RTT, les primes d'intéressement ou le déplafonnement des heures supplémentaires, ni les très pauvres propositions sociales du Gouvernement ne peuvent faire diversion par rapport à la réduction des effectifs.

En ce qui concerne le rachat des RTT et le déplafonnement des heures supplémentaires, il a été indiqué par le Premier ministre que ces mesures intéresseraient prioritairement les hôpitaux et les infirmières, puisque cela se pratique déjà. Mais pourquoi cela se pratique-t-il déjà ? Le Gouvernement n'a-t-il pas remarqué que les infirmières n'ont pas la possibilité de prendre leur RTT ou sont obligées de faire des heures supplémentaires en raison du manque d'effectifs qui gangrène les hôpitaux depuis trop longtemps ?

Par ailleurs, exhumer la doctrine « travailler plus pour gagner plus » revient à proposer un véritable marché de dupes aux fonctionnaires. Sans insister sur notre opposition à la prime au mérite et à une remise en cause des 35 heures, je rappellerai que les heures supplémentaires ne donnent lieu qu'à une très faible rémunération dans la fonction publique.

Personne n'est dupe : proposer de telles mesures trahit la volonté du Gouvernement d'éviter à tout prix de poser la question de l'augmentation significative du point d'indice et l'engagement de négociations sérieuses sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires.

Analysons cependant les effectifs de la fonction publique sous un autre angle, celui de l'insuffisante représentation des femmes dans les emplois de direction et d'inspection.

Si la fonction publique est de plus en plus féminisée, les emplois de direction et d'inspection sont malheureusement toujours occupés majoritairement par des hommes. Selon l'INSEE, en décembre 2002, les femmes ne représentaient que 13, 4 % des effectifs dans ces emplois, qui vont des postes de préfets à ceux de présidents des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, dans lesquels les femmes sont particulièrement sous-représentées, en passant par les postes de trésoriers-payeurs généraux ou encore de chefs titulaires de mission ayant rang d'ambassadeur.

Cette sous-représentation pose évidemment le problème de l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes, car l'inégalité professionnelle se traduit, entre autres choses, par une inégalité salariale : dans la fonction publique, les femmes gagnent environ 15 % de moins que les hommes. Cette différence traduit également le fait que les femmes occupent plus d'emplois à temps partiels et des postes moins élevés. Il est incroyable que cette situation persiste en 2006, surtout lorsque l'on sait que les emplois de direction et d'inspection dans la fonction publique sont souvent des emplois à la discrétion du Gouvernement.

Ce même rapport de l'INSEE pointe une sous-représentation des jeunes Français nés de parents étrangers : ceux-ci représentent 2, 3 % des effectifs et, si l'on affine l'étude, on constate que 0, 6 % ont des parents originaires du Maghreb. Les chiffres parlent d'eux-mêmes !

Les travailleurs handicapés sont, malgré les quotas exigés, en moindre nombre dans le secteur public. L'intégration des personnes handicapées fut pourtant un des chantiers majeurs du Président de la République !

Pour que cessent toutes ces inégalités, il faut une véritable volonté politique et non point des mesures en trompe-l'oeil.

Enfin, s'agissant du transfert des personnels organisé par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, je peux dire sans crainte des réactions de mes collègues que la plus grande confusion règne autour de cette question.

Il est étonnant de constater, un peu plus d'un an après l'adoption de cette loi, que de nombreux élus - qui en avaient pourtant approuvé les termes - demandent aujourd'hui un moratoire sur les transferts de personnels, notamment de personnels techniciens, ouvriers et de services, les TOS. En effet, ces derniers ne disposent toujours pas de cadres d'emplois qui auraient permis de les rassurer sur l'avenir de leurs missions. Les régions et leurs présidents ont, par exemple, refusé dans leur quasi-totalité de signer les conventions de transferts en avril dernier. C'est suffisamment significatif pour être souligné aujourd'hui.

Cette loi se heurte à l'opposition de certains élus, mais aussi à celle des personnels et des citoyens, et la question du devenir des personnels, des missions de service public et de leur financement, supporté par les collectivités territoriales, continue à se poser.

M. le président de la commission des finances, quelque peu inquiet, s'interrogeait d'ailleurs lui-même hier : transferts de compétences ou sous-traitance ? La question est à méditer !

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