Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 30 novembre 2005 à 22h00
Loi de finances pour 2006 — Débat sur les effectifs de la fonction publique

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou :

En 2004, en effet, 20 959 postes de catégorie A et 1 116 postes de catégorie B supérieure ont été créés, alors que 26 717 postes de catégorie B et C ont disparu. Mais ce n'est pas encore suffisant, monsieur le ministre ! Une réflexion de fond s'impose plus que jamais sur l'évolution des profils de poste et des qualifications des agents de l'État.

Il ne s'agit en aucun cas, monsieur le ministre, mes chers collègues, de porter une quelconque attaque contre les fonctionnaires, contre leur statut ou leurs missions, qui sont souvent remplies avec beaucoup de conscience professionnelle, mais de mettre davantage en avant une approche plus moderne et plus réaliste de la fonction publique.

Il ne faut pas avoir peur d'admettre qu'aujourd'hui que la fonction publique a besoin de s'adapter aux évolutions de notre société et aux nouvelles missions que l'État doit assurer.

Aucun gouvernement n'a donc su, je dirais même voulu, réfléchir au niveau de service que l'État doit assumer au titre de ses fonctions régaliennes et, par conséquence directe, au nombre de ses agents chargés de fournir ces services.

Où avons-nous besoin de plus de fonctionnaires ? Où l'État a-t-il besoin de renforcer son action pour répondre aux attentes des citoyens ? Où a-t-on besoin d'infirmières ? Dans quels hôpitaux ?

En effet, j'ai entendu sous tous les gouvernements, à l'Assemblée nationale comme au Sénat encore l'année dernière, les ministres demander où faire des économies : voulons-nous moins d'infirmières, moins de policiers ?

Je pense que ce n'est pas la bonne façon de voir, car même dans les hôpitaux - je connais particulièrement bien leur situation -, il y a des infirmières qui ont beaucoup moins de travail que d'autres. Et il y a aussi des policiers qui ont des tâches beaucoup plus allégées que d'autres ! Il faut donc redéployer les services.

Cependant, alors que la crise est larvée depuis trente ans, nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation dramatique et anachronique. Tout le travail est à faire, et on peine à trouver dans le projet de loi de finances pour 2006 l'ébauche d'une élémentaire et indispensable politique de gestion quantitative ou qualitative des effectifs, à court comme à long terme.

En effet, ce n'est pas la suppression de 5 700 emplois sur un total de 2, 3 millions de fonctionnaires, alors que 65 000 agents partent à la retraite chaque année, qui peut démontrer une forte volonté politique de résoudre cette situation de crise.

Vous ne témoignez, monsieur le ministre, malgré votre volonté qui est réelle, que peu de rigueur sur ce sujet, tant au niveau de la maîtrise des effectifs qu'au niveau de sa gestion budgétaire. Certes, je sais que, bien que vous soyez chargé de la réforme, vous n'êtes pas seul à décider, mais il faudrait accélérer le pas.

J'espère que la mise en place de la LOLF, de ses nouveaux outils budgétaires et de sa logique de performance, permettra à tous les rapporteurs spéciaux de l'Assemblée nationale et du Sénat d'avoir une approche différente et moderne de la fonction publique.

Ces nouveaux outils exigeront des ministères une plus grande responsabilité car, chaque année, ils devront définir précisément leurs besoins. Cette définition est capitale, dans la mesure où les plafonds d'emplois fixés par ministère ne pourront être franchis.

Chaque ministère devra désormais mettre en place un schéma pluriannuel d'évolution de sa gestion des ressources humaines, dans l'élaboration d'un plan de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences.

Monsieur le ministre, je conclurai en vous demandant encore plus de courage, mais je sais que vous en avez. Vous ne manquez pas non plus d'énergie, vous en avez montré depuis le début de cette discussion. J'aimerais toutefois que vous ayez davantage d'audace que vos prédécesseurs et que vous entrepreniez, en prenant le dossier à bras-le-corps, la rationalisation des effectifs de notre fonction publique.

Cette réforme est incontournable et vous pouvez compter sur notre soutien. Elle est indispensable à l'assainissement de nos finances publiques. Or, plus on la diffère, plus toute action devient difficile à entreprendre et plus ses bienfaits en termes budgétaires se trouvent repoussés aux calendes grecques.

A l'heure où votre collègue Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, révèle ce qui est en fait un secret de Polichinelle, à savoir le montant de la dette de l'État concernant les pensions de ses agents - 910 milliards d'euros ! -, à l'heure où, depuis longtemps, les Livres blancs sur les retraites ont sonné régulièrement l'alarme et où les premiers départs des baby-boomers ont commencé, il paraît incroyable, désolant et coupable que le Gouvernement n'affiche pas plus d'empressement pour réorganiser en profondeur les services de l'État et ne demande aux différents ministères des propositions chiffrées de redéploiement des effectifs que pour le budget de 2007 !

Monsieur le ministre, j'espère que vous ne me répondrez pas que ce n'est pas le moment, qu'il faut du temps... Le temps manque aujourd'hui, il en va de notre crédibilité internationale. La génération que je représente ne pourra pas être fière de laisser toutes ces dettes et tous ces déficits à nos enfants et à nos petits-enfants !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion