Intervention de Jean-François Copé

Réunion du 30 novembre 2005 à 22h00
Loi de finances pour 2006 — Débat sur les effectifs de la fonction publique

Jean-François Copé, ministre délégué :

Certes, ils partent, monsieur le rapporteur général, mais la question est de savoir si leur poste sera ou ne sera pas maintenu !

Dans notre pays, la dépense publique s'est accrue pendant trop longtemps de façon mécanique, et l'idée selon laquelle pour améliorer le service public il faut augmenter le nombre des fonctionnaires a empêché nombre de nos concitoyens de comprendre où se trouvent les gisements d'efficacité publique.

Je préfère de loin un système dans lequel on privilégierait une étude systématique du fonctionnement de chaque service public, de chaque procédure, afin de savoir combien de fonctionnaires en moins - ou en plus - sont nécessaires. C'est très exactement l'exercice auquel je me livre à travers le lancement d'une procédure d'audit comme jamais l'État n'en a réalisé.

Ce n'est possible, monsieur Mahéas, que parce que j'ai le privilège d'être à la fois ministre du budget et ministre de la réforme de l'État. En effet, pendant trop longtemps, la réforme de l'État était isolée et les leviers interministériels inexistants. L'intérêt de pouvoir associer les deux maisons, c'est de créer des synergies considérables, et cela est possible au moment où la LOLF entre en fonction.

Les choses vont désormais changer, chacun l'a bien compris. À partir de 2006, les ministres pourront adapter librement la structure de leurs emplois à leurs objectifs, chaque ministère aura la possibilité de ne pas saturer son plafond d'emplois... qui, comme son nom l'indique, est un plafond et non un objectif : il va de soi qu'il ne pourra jamais faire plus, mais qu'il pourra faire moins.

En contrepartie de cette liberté nouvelle, les ministres, gestionnaires de chaque programme, seront pleinement responsables de la maîtrise de la dépense salariale.

Ce point est très important, car chaque ministre devient gestionnaire de ses ressources humaines, chaque ministre devient un acteur à part entière du pilotage de la dépense salariale de l'État.

En ce qui concerne la réorganisation du travail, le Premier ministre, dans sa conférence de presse du 27 octobre dernier, a rappelé sa volonté que les fonctionnaires qui le souhaitent puissent travailler plus pour gagner plus. Mme Mathon y a fait allusion. Je n'ai pas eu le sentiment qu'elle s'en réjouissait, mais je suis heureux de voir que ce message a été bien reçu sur toutes les travées de cet hémicycle.

L'objectif est d'élargir le principe du rachat des jours de RTT pour ceux qui le souhaitent, comme cela a été fait pour les policiers, pour les militaires ou dans le secteur hospitalier. Cette disposition aura, bien évidemment, des implications sur les effectifs.

Le troisième levier concerne les gains de productivité et l'intéressement à ces gains. Tel est le sens de l'engagement qui a été pris par Dominique de Villepin d'intégrer dans le budget pour 2007 une redistribution aux fonctionnaires en poste de 50 % des économies salariales, sous forme d'intéressement, par l'amélioration des carrières ou des primes de résultat.

J'en viens à la modernisation de l'État.

Le rapprochement entre le ministère du budget et celui de la réforme de l'État va changer beaucoup de choses, car nous réunissons ainsi tous les leviers de la modernisation. De nouvelles méthodes de gestion budgétaire sont mises en place, ainsi qu'une nouvelle comptabilité publique. La simplification et l'amélioration de la qualité de service sont à l'ordre du jour, l'administration électronique va se développer - je réponds là à M. Marini - ainsi que la politique immobilière et la politique d'achat. Nous allons passer du prototype à la production en série : là où l'on mettait en place une certification par ci ou un « numéro vert » par là, on va organiser les choses différemment.

Au coeur de cette démarche, les audits de modernisation vont permettre de coordonner la modernisation de l'État.

D'aucuns me rétorqueront qu'il est inutile de réaliser des audits alors que nous disposons des rapports de la Cour des comptes et de ceux des commissions parlementaires. M. Pozzo di Borgo est, sur ce sujet, un militant actif ! Mais j'ai eu l'occasion de lui dire il y a quelques jours, avec la passion qui nous anime l'un et l'autre, que ces audits sont bien sûr nécessaires et qu'ils seront généralisés.

Le Premier ministre souhaite que, d'ici à six mois, la totalité des services et des procédures de l'État soient examinés, que l'on soulève le capot pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas.

Dans chaque rapport, on trouvera non seulement les recommandations que les inspecteurs - qui pourront être issus de cabinets d'audit privés, je le signale au passage - feront en termes de gains de productivité, mais également leurs propositions en matière d'effectifs.

Si certains secteurs nécessitent des effectifs plus nombreux, on renforcera ceux qui existent. En revanche, dans d'autres, on les réduira si cela s'avère nécessaire. Dans ces conditions, il sera, je vous le promets, beaucoup plus facile d'élaborer le budget, car tout sera documenté.

Je vais récupérer les résultats de la première série d'audits vers la mi-décembre. Il faut savoir que chaque audit demandé, par exemple sur l'efficacité de la télédéclaration de l'impôt sur le revenu ou sur le coût de l'organisation des examens à l'école au sein du ministère de l'éducation nationale, ou encore, s'agissant du fonctionnement des services, sur la police de l'air et des frontières à Roissy, donnera lieu à un rapport précis de recommandations sur les gains de productivité à réaliser. Cette démarche très inédite dans notre pays s'inspire largement de ce qui, en la matière, se fait de mieux à l'étranger.

Par conséquent, il est évident que nous serons en mesure de mieux connaître, de mieux comprendre et donc de mieux assumer, d'autant que, mesdames et messieurs les sénateurs, vous connaîtrez le détail de ces audits. Vous saurez aussi ce que chaque ministre s'engage à faire pour tirer les enseignements de ce qui aura été mesuré. Sur ces sujets, beaucoup de choses vont donc changer et j'entends bien vous en rendre compte régulièrement.

On parle beaucoup de la réforme de l'État, et chacun y va de sa définition ; je risque donc la mienne.

L'idée est simple : réformer l'État, c'est réaliser le meilleur service public au meilleur coût, et d'abord pour l'usager, dont la satisfaction est vraiment, je tiens à le dire, la raison d'être du service public, car un usager qui paye ses impôts ou les tarifs demandés est un client, et le client est roi.

Mais le service public ne doit pas oublier le contribuable, car ce dernier veut légitimement en avoir pour ses impôts et savoir à quoi sert l'argent qu'il verse. De ce point de vue, la traçabilité offerte par la LOLF sera un élément majeur.

Enfin, il doit s'agir d'un service public pour le fonctionnaire. J'y reviens toujours, car il va de soi que, dans ce domaine, nous avons une mission signalée. Rien ne se fera si les fonctionnaires ne sont pas la cheville ouvrière de la modernisation de l'État. Par conséquent, il faut qu'ils puissent bénéficier non seulement d'une valorisation de leur carrière, mais aussi d'un intéressement matériel au résultat.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous vous indiquer au terme de ce très intéressant débat. Mais je n'achèverai pas mon propos sans répondre à la question du président Arthuis sur les revalorisations de traitement.

Je prendrai un cas d'espèce, celui de la revalorisation intervenue cette année à la suite des décisions prises au mois de février puis au mois de novembre. La réponse est simple : le financement provient pour partie d'un redéploiement et, pour le reste, d'un décret d'avance pris a posteriori mais qui fera l'objet d'un amendement déposé en loi de finances rectificative. Je veillerai, bien évidemment, à ce que tout cela s'inscrive dans une démarche de sincérité, à laquelle je suis profondément attaché.

Je reviendrai d'ailleurs tout à l'heure sur ce thème de la sincérité, car je ne veux rien lâcher dans ce domaine. Je peux comprendre qu'ici et là on interroge le Gouvernement, avec beaucoup de sincérité, d'ailleurs - et pas toujours avec la malice que l'on peut prêter à tel ou tel qui voudrait polémiquer, ... et je ne pense naturellement nullement à vous, monsieur le président de la commission des finances, ...

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