Intervention de Paul Girod

Réunion du 30 novembre 2005 à 22h00
Loi de finances pour 2006 — Article 51 et état A

Photo de Paul GirodPaul Girod, rapporteur spécial :

Elle permet au Parlement, chaque année, de définir un plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État, tout en évitant de placer le Gouvernement dans une situation d'incapacité brutale à financer ses dépenses dans le cas où il y aurait une rupture de trésorerie ou un retard dans l'encaissement d'une recette importante.

Sous le régime de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, on a pu considérer que le Parlement devait se prononcer uniquement sur l'équilibre de la loi de finances - ce que nous allons faire tout à l'heure, mais dans d'autres conditions -, la dette apparaissant comme la conséquence du vote de l'article d'équilibre.

La variation de la dette constitue fondamentalement une résultante des déficits publics. C'est vrai, mais sous réserve du volontarisme du Gouvernement ! Il n'y a rien d'étonnant à cela, puisque le solde d'exécution des lois de finances est, depuis 1995, la contrepartie quasi exclusive de la variation de la dette, du fait de la diminution des engagements de l'État classés en opérations de trésorerie, qu'il s'agisse, dans un passé déjà ancien, de la reprise de la dette de l'ACOSS en 1994, de la reprise de la charge résultant de la suppression du décalage d'un mois pour les remboursements de TVA, ou encore de la reprise de dettes d'entreprises diverses.

Il faut avoir cela présent à l'esprit quand on porte un jugement sur l'étendue actuelle de la dette de l'État : elle est liée à un certain nombre de modifications structurelles qui n'expliquent pas tout, loin s'en faut, mais qui permettent d'en comprendre une partie quand même.

Au-delà de cette approche traditionnelle, il a pu sembler utile que le Parlement se prononce sur un plafond de variation de la dette d'une année sur l'autre. Le vote du Parlement sur la variation du stock de dette provoquée par les décisions budgétaires et financières contenues dans la loi de finances rend en effet possible - enfin ! - les comparaisons et, ce faisant, les appréciations politiques sur le niveau souhaitable de dépenses d'aujourd'hui dont l'État reporte le paiement sur les années futures.

En se prononçant sur la dette, le Parlement décide expressément de la charge imposée aux générations qui nous suivent. C'est donc un vote solennel que le Sénat va accomplir sur le plafond de variation de la dette : celui d'engager l'avenir de nos enfants.

S'il n'a rien à voir avec le dispositif très strict qui existe aux États-unis - où le Président est contraint de venir dans l'urgence devant le Congrès négocier le relèvement du plafond dès que celui-ci est dépassé, quelles que soient les raisons du dépassement -, le vote que nous allons émettre a néanmoins une valeur juridique contraignante. Ainsi, il obligera le Gouvernement à demander le relèvement du plafond dans une loi de finances rectificative s'il lui paraît ne pas pouvoir être respecté en raison d'une aggravation du déficit budgétaire et d'une augmentation des besoins de financement.

La décision du Conseil constitutionnel du 24 juillet 1991 dispose en effet que le Gouvernement est tenu de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale une loi de finances rectificative dès lors que les conditions de l'équilibre économique et financier sont bouleversées. Et le système de gestion dynamique de la dette resserre quelque peu la marge de manoeuvre du Gouvernement, si toutefois celle qui lui était accordée par le Parlement était trop large !

Le plafond de variation de la dette dont nous débattons aujourd'hui a ainsi exactement le même statut, juridique et politique, que celui du déficit budgétaire : s'il peut être dépassé en cours d'année, il ne peut l'être en fin d'année qu'à la condition expresse qu'un collectif budgétaire l'autorise.

On peut aisément faire la comparaison entre la manière dont l'État doit se comporter vis-à-vis de la Banque de France, ex-banque centrale et banque de régulation, où le solde de la trésorerie de l'État doit être positif tous les soirs - car les avances sont interdites - et la manière dont il doit se comporter avec le Parlement, où la loi de règlement constituera la sanction politique ultime d'un éventuel dépassement, comme c'est aujourd'hui le cas pour le déficit budgétaire.

Je tiens à saluer la démarche du Gouvernement, qui est profondément respectueuse des droits du Parlement puisqu'il s'est rendu aux arguments de la commission des finances en ne suivant pas les gestionnaires de la dette, qui réclamaient une marge de manoeuvre supplémentaire, certes technique, au-delà du plafond, ...

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