Intervention de Philippe Marini

Réunion du 30 novembre 2005 à 22h00
Loi de finances pour 2006 — Article 51 et état A

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Si l'on voulait que cette approche économique soit exhaustive, il faudrait encore y ajouter les engagements de l'État à l'égard des établissements publics qui s'endettent sur leur nom mais dont le véritable garant économique est et ne peut être que l'État.

Lorsque l'on examine les documents budgétaires, on constate que l'on ne comptabilise que les garanties juridiques. Or, de notre point de vue, les garanties économiques doivent également être prises en compte. En effet, de nombreux établissements publics - je ne prendrai que l'exemple de Réseau ferré de France - s'endettent sur les marchés financiers à de bonnes conditions parce qu'ils sont précisément adossés à l'État et que chacun sait qu'en cas de défaillance l'État est, en dernier ressort, le payeur.

Mes chers collègues, la dette publique est donc une notion qu'il faut bien cerner, en stock et en flux, en termes comptables, financiers et économiques.

À cet égard, il y a la situation interne, mais nous devons également nous situer par rapport aux autres États européens. Nous avons d'ailleurs abordé ce sujet ce matin avec Mme Colonna.

Sur ce point, je vous ferai part d'une préoccupation.

Grâce, espérons-le, à un meilleur fonctionnement d'Eurostat, il faudrait que nous disposions, à l'échelon européen, d'une méthodologie tout à fait uniforme et normative, afin que l'appréciation de la dette comptable, financière et économique soit homogène d'un État de la zone euro à un autre.

La dette des administrations publiques ne doit pas dépasser 60 % du produit intérieur brut. Cette norme, qui ne s'applique qu'à la dette comptable au sens strict, vaut pour l'ensemble des États partenaires au pacte de stabilité et de croissance. Toutefois, encore faut-il, monsieur le ministre, que nous soyons assurés que tous nos partenaires font le calcul de la même manière, avec la même exigence !

Bien plus, nous devrions également connaître les engagements hors bilan de l'État, notamment les engagements au titre des retraites, ainsi que les engagements représentatifs des garanties données aux autres émetteurs du secteur public, aux autres entités para-étatiques qui s'endettent. Oui, mes chers collègues, il faudrait que nous puissions disposer de tous ces chiffres de manière homogène, normative, au sein de la zone euro.

M. le président Jean Arthuis et moi-même avons souhaité progresser en ce sens, et puissiez-vous vous faire le porte-parole, monsieur le ministre, de notre exigence : nous souhaitons que soit mis en place un comité de sages qui, à l'image d'un régulateur comptable européen indépendant, serait fondé, par la renommée, la crédibilité et l'expérience de ses membres, à évaluer et contrôler les travaux et les résultats d'Eurostat ainsi qu'à émettre une opinion sur la manière dont les données budgétaires des États, notamment celles qui sont relatives à la dette, sont calculées.

Notre actualité est marquée non seulement par les travaux de Michel Pébereau, mais également par les déclarations de Jean-Claude Trichet, qui annonce ce que l'on pouvait anticiper depuis quelque temps, c'est-à-dire le début d'une tension sur les taux d'intérêt. Et Paul Girod a très opportunément rappelé que le budget de la France est très vulnérable à cet égard ! Année après année, la commission des finances a d'ailleurs fourni dans ses rapports des calculs précis permettant de définir les effets volume et les effets taux s'agissant des intérêts de la dette et des charges de la dette au sens large.

Cette tension sur les taux d'intérêt est assurément une variable essentielle, monsieur le ministre, qui doit nous conduire à faire preuve d'une plus grande rigueur encore dans nos raisonnements financiers, et surtout dans la définition à retenir des ressources et des charges de l'État.

Nous ne vivons pas seuls, mais sous l'oeil d'analystes financiers dont le métier est de noter les émetteurs tant privés que publics et, parmi eux, les États. Je veux parler de ces fameuses agences qui se partagent à quelques-unes un véritable monopole mondial mais qui, il faut le reconnaître, font bien leur travail.

Ainsi, l'agence Standard & Poor's s'est récemment exprimée sur l'Allemagne et sur la France. Selon elle, « ces deux pays ont aujourd'hui les ratios financiers les plus tendus dans la catégorie supérieure du AAA ». Nous savons ce que peuvent signifier de telles appréciations et quelle peut être leur portée réelle, voire budgétaire, si la confiance dont disposent les émissions de la République française ou de la République fédérale d'Allemagne n'est plus tout à fait la même aux yeux des opérateurs et sur les marchés. Nous en dépendons très directement !

Bien entendu, en termes de comparaison, nous pouvons trouver des situations pires que celle que connaît la France. Nous pouvons évoquer l'Italie, par exemple, considérant la rapidité de la dérive de ses finances publiques et sa dette. C'est l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire, d'un État à un stade beaucoup plus avancé de la maladie : en 2007, alors que le ratio de son endettement culminerait à 110 % du produit intérieur brut, il ferait voter une loi de finances pour 2006 avec un déficit public de 3, 8 %...

Je terminerai mon propos en prenant une référence de courage, proche de nous : examinons un instant la situation outre-Rhin.

En vérité, la « grande coalition » va pratiquer une sorte de thérapie de choc. Nous en connaissons les principaux éléments : hausse de trois points de la TVA, dont un tiers consacré au financement des allégements de charges des entreprises, ...

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