Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 30 novembre 2005 à 22h00
Loi de finances pour 2006 — Article 51 et état A

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

... aux chiffres actuels et, surtout, à l'emballement de la dette à partir de l'année 1993, ce qui fait, le rapporteur général l'a rappelé, que même les agences de notation commencent à se demander si la France pourra conserver ses trois « A » auprès des agences de notation ?

Tâchons donc d'abord d'examiner les causes de situation.

C'est peu de le dire, l'État dépense sans compter et, surtout, bien au-delà de ses capacités depuis fort longtemps, plusieurs orateurs l'ont fort bien dit, et le ministre l'a dit également. Qu'on ait voulu à un moment donné encourager l'économie par une politique de relance contra-cyclique, d'accord. Mais cela signifie aussi que, dans les moments de plus grande prospérité, il nous faut aussi, de temps en temps, payer la note, rembourser les efforts consentis.

Cependant, je ne vois pas comment, en votant année après année des lois de finances toujours déficitaires, même les années prospères - et là, je pense à la période Rocard comme à la période Jospin -, nous pourrions un jour reprendre la voie de l'équilibre. Malgré les mises en garde successives du passé, chaque occasion que nous avons eu pour réduire le déficit de l'État a été consacrée à la mise en oeuvre de politiques idéologiques, et je ne ferai pas ici allusion aux 35 heures...

Cependant, soyons honnêtes : aucune majorité n'a jamais eu le courage de redresser en profondeur la situation et de prendre le taureau par les cornes. Dans cette affaire, nous sommes tous responsables !

Enfin, pour nous parlementaires, qui devons avoir le sens des responsabilités, est-il admissible - et peut-être un jour en serons-nous redevables devant les générations qui vont nous suivre - de voter chaque année des dépenses supérieures de 20 % aux recettes ?

Le temps de la course aux crédits, le temps où le meilleur ministre était celui qui parvenait à obtenir le plus de crédits - ce qui lui permettait de montrer son poids politique -, ce temps-là est fini.

Alors, que faire pour remédier à l'augmentation inexorable de la dette ?

Comme nous l'avons vu lors du dernier débat qui faisait suite au rapport de notre collègue Paul Girod, ce n'est pas dans la gestion technique de l'encours que nous trouverons beaucoup de marges de manoeuvre.

Tous nos travaux et nos efforts doivent donc se concentrer sur la dépense et sa maîtrise.

À ce sujet, nous devons reconnaître, monsieur le ministre, les efforts du Gouvernement et la prise en compte réelle de ces problématiques.

Les efforts réalisés au sein des administrations, la gestion plus rationnelle du patrimoine de l'État, des « actifs non stratégiques », selon la formule de votre collègue M. Breton, tout comme le lancement de vos audits - même si je les ai critiqués parce que je considérais qu'ils n'étaient pas suffisamment larges - sont de bons efforts et autant de signes en direction de la réforme de l'État.

Cependant, ils ne me semblent pas suffisants. La réforme de l'État ne doit et ne peut se réduire à un simple contrôle de gestion. Il est temps de redéfinir les missions de l'État et son périmètre d'intervention pour en rationaliser l'action et en maximaliser l'efficacité. La réforme de l'État n'est pas une décision budgétaire, c'est un problème de société.

C'est pour cela que cette réforme ne peut résulter que d'une décision politique, qui doit emporter le plus large soutien possible.

Nous avons tous notre responsabilité dans la réalisation de cette mission. Et c'est pour cette raison que je pense que nous avons un vrai devoir de pédagogie, d'explication et de vérité envers nos concitoyens. Il faut que tout le monde sache la vérité, et le rapport Pébereau est à cet égard pédagogique. Nous répétons souvent les mêmes leitmotive, les mêmes chiffres, les mêmes conséquences. Il faut que chaque citoyen puisse mesurer les conséquences de la situation dans laquelle nous sommes, et c'est à cette seule condition que nous parviendrons enfin à réformer l'État.

De la même façon, chaque ministre doit prendre en main la réforme de son ministère pour obtenir un gain d'efficacité, et ne doit pas laisser ce travail aux seuls services. Je le sais, monsieur le ministre, vous en êtes conscient, mais, lorsque nous écoutons vos collègues, nous ne sommes pas persuadés qu'ils sont eux-mêmes conscients de ce problème.

Enfin, je souhaiterais revenir sur l'une des causes de la dérive de nos dépenses. Je pense en effet que cette situation est due en grande partie au système déresponsabilisant dans lequel se situent les gestionnaires de la dépense publique. Il y a une tradition dans l'administration française : il n'y a jamais un véritable responsable, il y en a toujours deux ou trois...

La mise en place de la LOLF devrait nous permettre d'atteindre ces objectifs si l'on veille bien à ce que chaque responsable de programme soit unique, à ce qu'une seule personne n'ait pas plusieurs programmes sous son autorité. Les parlementaires doivent les guider dans leur action, mais nous sommes aussi là pour les contrôler.

Enfin, sachez, monsieur le ministre, que nous vous soutiendrons pleinement dans cette démarche et que nous sommes prêts à travailler avec vous, parce que nous sommes bien conscients que cette démarche ne pourra réussir que si elle recueille le plus large consensus possible, consensus qui ne passe lui-même que par une réelle prise de conscience de la situation critique dans laquelle nous sommes aujourd'hui.

La dette ne pourra diminuer que si nous, politiques, parlementaires comme Gouvernement, avons la hardiesse d'assumer devant les Français le courage de nos décisions.

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