Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 8 décembre 2004 à 21h45
Loi de finances pour 2005 — Affaires étrangères

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les occasions d'évoquer la francophonie sont rares. La mode est plutôt de disserter sur la globalisation, sans voir que la première peut être une des réponses, parmi d'autres, aux problèmes que pose la seconde.

Face à la pression de la langue anglo-américaine dans le monde et du modèle économique et juridique anglo-saxon, la France aurait bien tort de négliger son engagement passé et présent dans la communauté des cinquante-six pays francophones, sur les cinq continents.

Le développement de la francophonie institutionnelle, le rayonnement de la langue française à l'étranger, les échanges multilatéraux rendus possibles par une histoire commune et par le partage d'une langue, la défense de la diversité culturelle, ne sont pas des objectifs de second ordre. Ils ne méritent pas le sort que le Gouvernement leur réserve dans son budget.

On voit déjà que, dans le projet de budget des affaires étrangères pour 2005, les moyens consacrés à l'action culturelle à l'étranger stagnent : 1, 10 milliard d'euros, comme cette année. Compte tenu de l'inflation, qui est proche de 2 %, les crédits, en euros constants, sont en baisse. Les dotations aux établissements culturels à l'étranger diminuent de 2, 5 %. C'est un député UDF, François Rochebloine, qui précise, dans son rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, qu'« après avoir diminué de 6 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2004, la subvention de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui scolarise près de 157 000 élèves, devrait enregistrer, en 2005, une nouvelle baisse de 7, 58 millions ». Les établissements culturels de coopération et de recherche à l'étranger voient, quant à eux, leurs crédits amputés de 11 millions d'euros, tous ministères confondus. Cette situation est d'autant plus dangereuse que la détérioration se poursuit depuis 2002.

Or la situation est malheureusement la même pour la francophonie, dont les crédits stagnent à hauteur de 801 millions d'euros, contre 800 millions en 2004, tous crédits confondus, multilatéraux et bilatéraux.

Pour le Gouvernement, c'est clair : la francophonie n'est pas ou n'est plus une priorité.

Vous commettez là une erreur grave, monsieur le ministre !

Par son caractère multilatéral, la francophonie offre à notre pays un rayonnement et une sphère d'action dans le monde entier. Le lien linguistique entre tous ces pays a naturellement suscité d'autres liens, comme la coopération économique, technique et culturelle, le partage de valeurs communes touchant à la liberté, à la démocratie et à l'état de droit.

Au sein de l'espace francophone, se sont ainsi créés de véritables réseaux de solidarité. Vous prenez le risque de les fragiliser, monsieur le ministre.

Le moment est vraiment mal choisi. Dix jours après le dixième sommet de la francophonie, qui s'est tenu à Ouagadougou, il est au contraire impératif de lancer un message clair d'engagement, et non pas de restriction, à l'égard de nos pays partenaires.

Je tiens à cette occasion à saluer l'action du président Abdou Diouf, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie, qui porte avec ténacité sur la scène internationale des objectifs qui nous tiennent tous à coeur, s'agissant notamment des rapports Nord-Sud : paix et développement, solidarité, démocratie.

Depuis des mois, cette organisation et l'Agence de la francophonie ont su rallier de très nombreux pays à l'objectif de diversité culturelle, afin de favoriser l'élaboration, à l'UNESCO, d'une convention internationale destinée à permettre aux Etats qui le souhaitent de soutenir concrètement la diversité culturelle face au marché.

Hier, dans un quotidien du matin, M. Dan Glickmann, successeur de Jack Valenti et représentant des majors d'Hollywood, déclarait : « Il est important que la culture fasse l'objet de discussions internationales. » On peut lui en donner acte ! Il poursuivait : « Mais la position des Etats-Unis a toujours été de dire que cela ne doit pas servir d'excuse pour élever des barrières au commerce et pour empêcher les produits de circuler librement d'un pays à l'autre. »

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