Intervention de Michel Guerry

Réunion du 8 décembre 2004 à 21h45
Loi de finances pour 2005 — Affaires étrangères

Photo de Michel GuerryMichel Guerry :

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le Premier ministre a confié au sénateur André Ferrand - qui vient de vous en parler - une mission sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger et sur les moyens alternatifs de son financement.

Victime de son succès, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger enregistre une augmentation de ses effectifs d'élèves de plus de 1 000 par an et n'a plus les moyens de ses ambitions. A quelques semaines de la présentation de la loi de programmation pour l'école, ce sujet devient donc d'une actualité accrue.

Pour ma part, tout en reconnaissant les apports essentiels de l'Agence, il me semble indispensable de dépasser ses modes de fonctionnement et de financement en cours, et de reposer fondamentalement la nature de ses objectifs.

S'agissant de l'Agence, l'idée consisterait à rendre largement plus autonomes les établissements, tout en conservant un cadre permettant les processus d'homologation, le contrôle et la qualité de l'enseignement.

En premier lieu, il faudrait redéfinir la nature juridique des établissements et leur lien avec l'Agence.

A l'étranger, l'ensemble des établissements doit progressivement prendre la nature juridique d'une véritable entité autonome. Dans ce cadre ainsi défini, les comités de gestion auront à se transformer en conseils d'administration, avec pour tâches la gestion financière, le recrutement, la politique salariale et la gestion du patrimoine. L'Agence donnera son avis et son accord sur le montage des opérations concernant un établissement donné. Elle exercera ainsi un contrôle a posteriori des actes des différents conseils d'administration.

Il faudrait ensuite rechercher un financement plus ouvert.

Beaucoup de familles dont les revenus sont moyens n'ont plus les ressources suffisantes pour envoyer leurs enfants dans nos établissements. II n'y a pas un pays où ce n'est pas le cas ! On en arrive donc à un paradoxe : nos établissements ne comptent plus que les enfants boursiers des familles « pauvres » et les enfants des familles « à l'aise » ! Quelle solution adopter ?

Les élèves étrangers représentent 57 % de notre population scolaire. Pourquoi continuer à prendre en charge leur scolarité et ne pas leur faire payer le coût réel de celle-ci ? Le budget annuel de l'Agence s'élève à plus de 300 millions d'euros pour 160 000 élèves français, soit 1 875 euros par élève et par an.

Si ma proposition est adoptée, chaque établissement scolaire recevra annuellement le montant de cette allocation, multiplié par le nombre d'élèves français inscrits. Responsable de son budget, il calculera les frais de scolarité sur la base du coût de fonctionnement annuel divisé par le nombre d'élèves scolarisés.

Chaque élève français ou étranger paiera les mêmes frais d'écolage. Les frais de scolarité des Français seront diminués de la part prise en charge par le Gouvernement français.

De la même façon, quand un Etat participera au financement des frais de scolarité de ses nationaux, la même règle pourra être appliquée.

Dans ce nouveau contexte, le budget des bourses scolaires sera un budget à part, géré comme tel par l'Agence.

Les élèves français continueront à bénéficier de l'aide de l'Etat à travers les bourses scolaires, qui viendront en diminution des frais de scolarité par élève.

L'autre réforme à laquelle il faudra s'atteler est celle de la structure des rémunérations des enseignants dans nos établissements.

Toutes les spécificités propres à l'exercice du métier d'enseignant à l'étranger doivent être harmonisées et prises en compte, non seulement en termes de garanties sociales et financières pour les fonctionnaires de l'éducation nationale, mais aussi en termes d'ouverture de la profession, pour permettre un recrutement plus propice aux vocations privées.

Progressivement, « expatriés », « résidents », et « recrutés locaux » seront ainsi recrutés sur un pied d'égalité, dans le cadre d'une négociation salariale avec le comité de gestion, tenant compte de la situation de chaque catégorie et de la situation locale.

Compte tenu des avantages pour leurs collaborateurs que les entreprises françaises retirent de ce projet, il faut qu'elles s'y impliquent davantage. A l'instar des établissements scolaires américains, chaque établissement devrait pouvoir bénéficier d'un mode de financement répondant à une double exigence d'implication, de la part du public et du privé.

Les entreprises seront donc incitées à prendre en charge les frais de scolarité des enfants de leurs collaborateurs expatriés. Il leur sera demandé de s'impliquer d'avantage dans le système des bourses. En contrepartie, des allégements fiscaux devront être trouvés.

Toutes les dispositions qui visent à parvenir à une ouverture ne manqueront pas de demander un véritable changement des mentalités. Il est inutile d'ajouter qu'il s'agit là d'une réforme de taille.

Sauf à voir s'affaiblir considérablement notre réseau d'enseignement, et donc à renoncer à un atout avéré de rayonnement politique, une telle réforme est aujourd'hui incontournable.

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