En 2005, la suppression de 100 emplois, que certains d'entre vous ont regrettée, et le transfert de 52 autres emplois aboutiront à une baisse de près de 2 % de la masse salariale du ministère.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à mon sens, il y a pourtant une limite à la rigueur, et il faut en rester là. Je n'ai donc pas accepté une nouvelle révision des indemnités de résidence de nos agents à l'étranger, au moment où, beaucoup d'entre vous peuvent en témoigner, l'expatriation est de plus en plus synonyme d'incertitudes et de dangers. Comment, d'ailleurs, accepter des diminutions supplémentaires d'effectifs, alors que notre assistance technique représente le dixième de ce qu'elle était il y a quinze ans et que nos effectifs d'agents expatriés ont baissé de 18 % en dix ans ?
En citant ces chiffres, vous pouvez constater que je couvre des périodes durant lesquelles de nombreux gouvernements, de gauche comme de droite, se sont succédé. La responsabilité est partagée, et je vous invite l'assumer tous ensemble.
La maîtrise de nos coûts salariaux et, au-delà, de nos crédits de fonctionnement, est intervenue tandis que nos crédits d'intervention, notamment au titre de l'aide publique au développement, progressaient de près de 25 % en cinq ans.
Ainsi, nos coûts de structure sont « descendus » de 33 % du budget du ministère en 2000 à 25 % en 2005. Je remercie Jean-Guy Branger d'avoir salué ce qu'il qualifie de « remarquable effort de productivité » du ministère.
Le deuxième angle de la réforme concerne la stratégie ministérielle de réforme, la SMR. Adoptée en 2003 et actualisée au mois de septembre, elle fixe les lignes directrices de notre action pour l'avenir. Adrien Gouteyron y a d'ailleurs consacré une part importante de son rapport.
Deux volets de cette stratégie ont principalement retenu son attention et celle des autres rapporteurs : notre politique immobilière et la restructuration de notre réseau diplomatique, consulaire et culturel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique immobilière est l'un des premiers sujets sur lequel je me suis engagé en arrivant à la tête de la diplomatie française. Nos agents et nos services à Paris sont actuellement dispersés sur onze sites différents : quelle organisation moderne peut supporter un tel système de travail ?
J'ai donc proposé aussitôt à l'ensemble de nos agents de travailler sur un projet de regroupement des services de l'administration centrale, à Paris, sur un site unique. Si ce projet est sans doute d'abord « matériel », il est également politique, collectif et mobilisateur pour tous nos agents.
Ce site unique, adapté aux besoins d'une diplomatie moderne, est indispensable. Un tel programme ne peut être adopté, j'y tiens absolument, que dans le cadre d'un dialogue social. Je souhaite que nous puissions lancer concrètement ce programme au printemps prochain, lorsque nous disposerons des études que nous avons demandées sur la valorisation de nos immeubles, sur le coût du programme lui-même et sur les différentes localisations possibles dans la capitale.
D'autres actions immobilières ont été lancées : l'installation des nouvelles archives diplomatiques à La Courneuve, dans le cadre de financements innovants grâce à un partenariat entre les secteurs public et privé ; la construction du campus diplomatique de Pékin, qui sera achevé pour les jeux Olympiques de 2008, et de celui de Tokyo, dans le cadre, également, d'un partenariat avec un opérateur privé.
De même, la relance de nos cessions immobilières a permis de doubler le rythme de nos ventes, qui ont atteint 12 millions d'euros en 2004. Il existe encore un stock de biens, d'une valeur de 50 millions d'euros, qui peuvent être vendus. Nous nous engageons à accélérer ces ventes, en nous assurant que leur produit sera intégralement reversé au budget du ministère des affaires étrangères. Il s'agit bien, comme l'a dit Adrien Gouteyron, d'entretenir notre patrimoine et de permettre à notre réseau diplomatique de respirer, d'évoluer et de se moderniser.
Le deuxième aspect de la stratégie de réforme concerne l'adaptation de notre réseau à l'étranger, qui n'est pas figé. A cet égard, je suis d'accord avec Bernard Fournier et Aymeri de Montesquiou.
Au passage, je tiens à remercier celui-ci de ses propositions audacieuses en matière de « mutualisation » - c'est un terme qui me convient parfaitement - de nos représentations au niveau européen. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison d'affirmer que « ces représentations ne doivent pas être des lieux décidés par principe ou figés par l'histoire ». Au contraire, ce réseau n'a cessé d'évoluer depuis dix ans, passant de 457 à 422 implantations, soit une diminution de 8, 2 %.
Certes, le nombre de nos ambassades est passé de 148 à 156, à la suite du démantèlement de l'Union soviétique et de l'ex-Yougoslavie, mais cette hausse s'est accompagnée de fermetures d'établissements culturels. Pour l'avenir, nous allons poursuivre la rationalisation du réseau consulaire en Europe, en procédant, en même temps, à son évaluation. Tout à l'heure, quelques-uns d'entre vous ont exprimé un certain nombre de critiques ou de craintes sur ce point.
Nous voulons éviter les redondances qui peuvent encore exister entre les Alliances françaises et les centres culturels. Nous le ferons avec pragmatisme et dans la concertation.
Enfin, comme plusieurs d'entre vous l'ont souhaité, nous allons rechercher des synergies nouvelles avec nos partenaires européens, en particulier l'Allemagne et l'Espagne. Il s'agit, en effet, d'une forme de mutualisation, comme l'a évoqué M. Pozzo di Borgo.
Enfin, au-delà des services propres au ministère des affaires étrangères, c'est bien l'ensemble des services de l'Etat implantés à l'étranger qu'il faut mieux utiliser.
La réforme de l'Etat passe aussi par la préparation de la LOLF. M. le rapporteur spécial a observé que le ministère des affaires étrangères figure dans le peloton de tête des administrations de cette réforme.
Les quatre programmes et leurs actions, répartis entre deux missions - l'une ministérielle, l'autre interministérielle - sont désormais définis. Jean-Guy Branger et Michel Charasse, notamment, notent que la mission ministérielle « action extérieure de l'Etat » est encore loin de rassembler tous les crédits internationaux de l'Etat. C'est vrai, mais il nous faut dès aujourd'hui lancer cette réforme. J'espère néanmoins que nous aurons l'occasion, au fil de l'expérience, d'apporter des améliorations, afin de progresser dans le sens que vous souhaitez.
La LOLF, c'est l'occasion de rationaliser les compétences budgétaires des ministères. En 2005, les crédits du Fonds mondial contre le sida - M. Pelletier et Mme Luc y ont fait allusion - en provenance du ministère de l'économie et des finances, et ceux de l'aide alimentaire, en provenance du ministère de l'agriculture, seront transférés au budget du ministère des affaires étrangères. A l'inverse, les crédits du budget civil de la recherche qui concernent le CERN passeront à la recherche.
Une première expérimentation de la LOLF, avec des « budget-pays », a été menée en 2004 sur cinq pays. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur la « fongibilité asymétrique » et sur la complexité que tout cela va infliger aux postes. Certes, la maîtrise de cette gestion à l'étranger sera délicate, mais, globalement, il nous semble que la logique « pays » demeure bonne.
En 2005, cette expérimentation sera élargie à dix pays et pour la totalité des crédits des futurs programmes, ce qui a nécessité la création de quatre nouveaux chapitres budgétaires en lieu et place du chapitre expérimental de 2004. Je reconnais que cette création a pu conduire à « brouiller les pistes » et à donner l'impression que certaines dotations en matière culturelle ou de coopération diminuaient.
Au total, nous vous présenterons l'année prochaine, mesdames, messieurs les sénateurs, un projet de budget en format LOLF, fruit d'une véritable expérimentation. Il sera plus lisible et plus dynamique que ceux qui étaient bâtis sur le modèle habituel de l'ordonnance de 1959.
Adrien Gouteyron et Michel Charasse ont souligné nos efforts pour définir des indicateurs pertinents dans la LOLF, malgré la difficulté à mesurer l'impact de l'action diplomatique. Sur leurs conseils et à partir de leurs idées, nous affinerons davantage certains de ces indicateurs.
Enfin, toujours à propos de la LOLF, Christian Cointat a suggéré d'instaurer un programme propre aux Français de l'étranger, distinct de celui des étrangers en France. Le programme « Français à l'étranger et étrangers en France », dans son périmètre actuel, recouvre, me semble-t-il, une véritable mission de service public, de service du public : cela recouvre des métiers spécifiques, bien identifiés au sein du ministère, notamment à la Direction des Français de l'étranger et des étrangers en France.
Ce service public s'adresse également à des « usagers » de l'administration : Français établis hors de France ou de passage à l'étranger, jeunes en âge d'être scolarisés, demandeurs de visas ou demandeurs d'asile. Chacune de ces catégories fait l'objet d'une action clairement identifiée au sein de ce programme.
Ce service public doit pouvoir bénéficier des mécanismes de fongibilité prévus par la LOLF. Monsieur Cointat, il sera toujours plus facile de faire des arbitrages dans un programme de 603 millions d'euros que dans un budget qui serait ramené à 480 millions d'euros. La priorité ira toujours à nos compatriotes expatriés, comme l'ont prouvé les événements récents en Côte d'Ivoire.
Sur cet aspect de notre action en faveur des Français de l'étranger, Paulette Brisepierre et Jean-Pierre Cantegrit ont appelé mon attention sur la situation des pensionnés français des caisses de retraite des pays de l'Afrique francophone qui rencontrent des difficultés pour faire valoir leurs droits à pension.
La France ne saurait se substituer à des Etats souverains pour garantir le versement de prestations qui sont la contrepartie de cotisations versées. Mais elle ne peut pas davantage se désintéresser du sort de ces compatriotes.
Nos interventions réitérées, et les vôtres, auprès des gouvernements concernés, n'ont pas suffi pour parvenir à un règlement global de cette question. C'est pourquoi j'ai fait saisir, le 30 juillet dernier, les autres ministères intéressés, en vue de l'établissement d'un lien entre le paiement de ces retraites et les concours financiers que la France accorde aux pays concernés. Désormais, le soutien de la France dans les négociations de ces pays avec le Fonds monétaire international et le Club de Paris devrait être conditionné à l'existence d'un mécanisme garantissant le paiement des pensions dues à nos compatriotes.