Intervention de Michel Barnier

Réunion du 8 décembre 2004 à 21h45
Loi de finances pour 2005 — Affaires étrangères

Michel Barnier, ministre :

Enfin, la réforme de notre dispositif d'action extérieure, c'est aussi l'adaptation de nos opérateurs. J'en évoquerai quatre.

Mme Henneron et M. Lecerf ont évoqué la question de l'OFPRA. Celui-ci rend désormais ses décisions en deux mois, comme le Président de la République l'avait demandé.

Quant à la commission de recours des réfugiés, je suis d'accord avec Mme Henneron et M. Lecerf, que je félicite pour sa nomination en tant que représentant du Sénat au conseil d'administration de l'OFPRA : elle constitue maintenant la priorité de notre action en matière d'asile et son travail conditionne le succès de la réforme de décembre 2003.

L'augmentation de 18 % des crédits de cette commission a permis son déménagement à Montreuil, dans des locaux fonctionnels que j'ai inaugurés le 8 novembre dernier, ainsi que le recrutement de 125 contractuels pour résorber les dossiers en instance.

Cet effort sera poursuivi en 2005, avec l'inscription de 8, 1 millions d'euros supplémentaires au budget qui vous est soumis.

La commission de recours des réfugiés devrait désormais travailler dans des conditions à la hauteur de l'enjeu : 100 000 recours sont en instance ! J'appelle votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que l'accroissement de l'activité de l'OFPRA et la plus grande efficacité de la CRR entraîneront mécaniquement une très forte augmentation du nombre de déboutés.

Adrien Gouteyron a eu raison de dire qu'il y va de l'intérêt de tous de réduire sensiblement les délais et de rendre plus effectives les décisions prises. Ce sera une question majeure que nous devrons traiter ensemble, avec d'autres ministères.

S'agissant de la scolarisation des enfants des Français de l'étranger - c'est une question que je connais bien, monsieur Del Picchia, puisque j'ai été moi-même, pendant cinq années, parent d'élèves scolarisés à l'étranger -, Monique ben Guiga et Paulette Briseprierre ont insisté sur la nécessité de renforcer les capacités d'adaptation de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE.

L'AEFE gérera désormais son patrimoine immobilier, ce qui lui permettra de réagir plus vite, de fédérer des initiatives ou des crédits en provenance de plusieurs partenaires, comme l'ont suggéré Michel Guerry et André Ferrand, de réhabiliter et de sécuriser plusieurs de nos établissements scolaires. Cette agence recevra à cette fin une subvention d'investissement de plus de 9 millions d'euros. De même, les crédits pour les bourses scolaires destinées aux élèves français seront portés à 41 millions d'euros.

Sur ce point, je voudrais rassurer Michel Guerry : la concertation avec le ministère de l'éducation nationale fonctionne bien. J'en veux pour preuve la mobilisation remarquable des académies pour accueillir dans l'urgence les enfants et les enseignants rapatriés de nos écoles de Côte d'Ivoire. Cette coordination doit être renforcée, notamment pour la gestion des affectations et des retours du personnel enseignant.

Enfin, toujours sur l'AEFE, je voudrais rassurer Bernard Fournier : la baisse du nombre des élèves de l'agence en Afrique francophone s'explique par l'effet des premières crises en Côte d'Ivoire et non pas par un courant plus profond de désaffection ou de repli.

MM. Duvernois et Assouline, ainsi que Mmes Cerisier- ben Guiga et Tasca ont évoqué le projet de la chaîne d'information internationale. Le dossier progresse, comme vous l'a dit le ministre de la culture voilà quelques jours.

Ces derniers mois ont été mis à profit pour réfléchir collectivement aux conditions de création de cette chaîne d'information internationale. Plusieurs options ont été examinées, chacune comportant des points forts et des points faibles en raison de la complexité du sujet.

L'une des questions-clés, au-delà du contenu, est celle d'un financement adéquat, qui s'inscrive sérieusement dans une perspective pluriannuelle.

L'autre point-clé, vu de mon ministère, est d'avoir une formule qui s'inscrive en complémentarité, et non pas en concurrence, avec les outils existants de l'audiovisuel extérieur : TV5, RFI, CFI, l'Agence France-Presse ou EuroNews.

Le schéma qui s'esquisse - il n'est pas totalement finalisé, et c'est pourquoi je n'entrerai pas dans le détail -, à l'occasion de réunions que préside le Premier ministre, devrait permettre de financer la montée en puissance de cette chaîne sans affecter le développement des outils existants.

Cela répond à la préoccupation de M. Legendre sur l'importance de TV5 pour nos partenaires francophones ; nous l'avons encore vérifié à Ouagadougou. Cela répond également aux préoccupations de Mme Cerisier-ben Guiga, qui sont aussi les miennes, sur la nécessité, pour le ministère des affaires étrangères, de garder le pilotage de l'audiovisuel extérieur, qui est placé sous sa tutelle en tant qu'instrument fondamental de la présence de la France à l'étranger.

A propos de TV5, qui est le principal outil de l'audiovisuel extérieur, je me permets de rendre un hommage sincère à Serge Adda pour le formidable travail qu'il a réalisé à la tête de cette chaîne avec toute son équipe.

Dans cette rubrique des opérateurs, je dirai un mot sur la subvention du ministère des affaires étrangères à l'Institut du monde arabe, l'IMA, qui préoccupe à la fois le rapporteur général Philippe Marini et Serge Vinçon.

Fixée à 9, 15 millions d'euros, cette subvention n'a pas évolué depuis 1988. Les mauvais résultats de l'exercice de l'année 2001 avaient cependant conduit mon ministère à lui verser une subvention exceptionnelle de 2, 3 millions d'euros en 2002. Cette année, nous avons de nouveau alloué à l'IMA une aide exceptionnelle de 1 million d'euros. Il avait été souhaité que cette aide soit complétée d'ici à la fin de l'année, mais cela n'a pas été possible.

Pour sa part, l'IMA s'est engagé dans un plan de maîtrise de ses dépenses et s'efforce d'obtenir, avec notre soutien, le versement des arriérés dus par certains Etats arabes. J'ai d'ailleurs effectué un certain nombre de démarches dans ce sens au cours de mes visites, notamment dans les pays du Maghreb.

Nous sommes conscients de la situation difficile dans laquelle se trouve l'IMA. J'espère que nous parviendrons à dégager des marges suffisantes sur le chapitre des contributions obligatoires en 2005, pour pouvoir pérenniser cette aide et, idéalement, parvenir à l'augmentation de 20 % de la subvention que le président Yves Guéna a souhaitée.

Enfin, toujours dans ce développement consacré à nos opérateurs, je me dois d'évoquer la redistribution des rôles au sein de notre dispositif d'aide publique au développement ; Xavier Darcos vous en présentera les grandes lignes tout à l'heure. Pour ma part, je soulignerai la continuité de notre effort de rénovation du dispositif d'aide au développement non seulement pour atteindre l'objectif quantitatif de 0, 5 % du PIB en 2007 fixé par le Président de la République, mais aussi pour améliorer la qualité et l'efficacité de notre aide.

Nous poursuivons la logique de la réforme de 1998 en distinguant désormais les fonctions d'impulsion politique et de pilotage stratégique, confiées naturellement au ministère des affaires étrangères, et celles de mise en oeuvre de notre aide.

L'Agence française de développement, l'AFD, va devenir l'opérateur pivot qu'elle n'est pas encore vraiment. Je conviens, avec Michel Charasse, que ses évaluations devront être plus transparentes et effectuées en externe : il est clair que le donneur d'ordre, en l'occurrence l'Etat, doit pouvoir faire appel à ses propres évaluations.

Il est possible d'imaginer, dans un troisième temps, de regrouper encore davantage notre aide publique au développement au sein de la mission interministérielle « APD » qui, comme le regrette Michel Charasse, n'en consolide que la moitié à l'heure actuelle.

S'agissant des crédits dits culturels, je répondrai à Mme Cerisier - Ben Guiga que si les crédits affectés à l'action culturelle extérieure sont, comme tous les crédits d'ailleurs, soumis à des contraintes, il n'est pas juste de dire que ce volet important de notre action serait traité comme une sorte de « variable d'ajustement ». Au contraire, l'action culturelle est clairement identifiée dans le programme « rayonnement » et constitue une part importante du programme « solidarité », car la culture est une dimension essentielle du développement. J'ai souvent dit, et je le répète devant vous, que mon intention est de donner à l'action extérieure de la France, à notre diplomatie, une dimension beaucoup plus citoyenne, plus humaine, en m'appuyant notamment sur sa dimension culturelle.

Le réseau culturel fait l'objet d'une adaptation qui, je crois, est nécessaire et normale. Mais je voudrais insister sur le volontarisme qu'affiche ce budget en matière de bourses, pour inciter les meilleurs étudiants étrangers à venir chez nous, et de coopération universitaire et scientifique, deux volets qui sont fondamentaux pour conforter la compétitivité française.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je voulais apporter sur l'adaptation de notre appareil diplomatique. Je veux vous faire partager la conviction que cette administration des affaires étrangères, que j'ai l'honneur d'animer, est en mouvement, qu'elle est prête aux changements pour rester influente, tout en apportant, bien sûr, à nos compatriotes qui vivent à l'étranger, aux amis de la France, aux organisations et aux associations non gouvernementales - qui sont très importantes pour moi -, aux collectivités territoriales - Christian Cambon et Philippe Madrelle ont souligné l'importance de cette coopération décentralisée, dont j'ai été moi-même l'un des militants et des acteurs lorsque je présidais un conseil général - enfin, aux entreprises, donc à tous ces partenaires, un service public de qualité pour leur action internationale.

Pour 2005, notre ambition est de concentrer les ressources disponibles autour de quelques grandes lignes ; je les citerai en style télégraphique.

L'aide publique au développement ; Xavier Darcos va vous en parler.

Une action d'information et de sensibilisation objective, républicaine, impartiale sur les questions européennes et pour le projet de Constitution ; nous y travaillons avec Claudie Haigneré.

La remise à niveau de nos contributions aux Nations unies - c'est ce que Jean-Guy Branger a souhaité - pour faire face plus rapidement à nos obligations en la matière et sans être toujours obligés, comme nous allons le faire dans quelques jours, de solliciter le budget supplémentaire ou la loi de finances rectificative.

L'accueil en France des jeunes élites étrangères ; je remercie à cet égard Bernard Fournier, qui a rappelé que le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans nos universités augmente de 12 % par an depuis 1998.

Un effort important en faveur des Français de l'étranger, notamment dans le domaine scolaire et dans celui de la sécurité - c'est là que l'on trouve des mesures nouvelles, sur lesquelles s'est interrogé notamment Yves Pozzo di Borgo. Je reconnais, avec Jean-Pierre Cantegrit, que l'on pourrait faire davantage pour la solidarité avec les personnes âgées et les handicapés. Je rappelle toutefois que le fonds d'action sociale du ministère des affaires étrangères a bénéficié d'une revalorisation de près de 20 % en six ans et que nous soutenons près d'une centaine d'associations françaises de bienfaisance et de solidarité à l'étranger. Un effort particulier a été fait cette année en faveur des personnes handicapées : le nombre de bénéficiaires d'une allocation « handicapé » a augmenté de 3 % et les allocations versées aux enfants handicapés ainsi que les aides complémentaires ont été revalorisées de 3 %.

Enfin, une efficacité accrue dans la gestion du droit d'asile et de la circulation des étrangers ; nous en avons déjà parlé.

Vous me permettrez sur ce point de dire un mot à Jean Arthuis, qui m'a posé une question précise sur l'exécution des mesures d'éloignement et de coopération que nous recevons des autorités consulaires. Monsieur le président Arthuis, le Gouvernement veille à ce que le nombre de mesures d'éloignement d'étrangers en situation irrégulière augmente significativement. De fait, les premiers résultats pour 2004, sur lesquels le ministre de l'intérieur pourrait vous renseigner plus utilement, sont en augmentation de 30 % à 35 % par rapport à 2003.

La principale difficulté à laquelle se heurtent les services préfectoraux et de police réside dans l'absence de documents de voyage. On y pallie en demandant un laissez-passer consulaire, un LPC, à l'autorité consulaire du pays de retour de la personne reconduite à la frontière. C'est le cas dans environ 20 % des cas de reconduite à la frontière et c'est là que le ministre des affaires étrangères apporte son concours au ministre de l'intérieur.

Vous avez raison, monsieur le président Arthuis, ces LPC ne sont pas toujours faciles à obtenir. Pour être précis, nous ne les obtenons en temps voulu - car la loi limite le temps pendant lequel l'administration peut retenir les intéressés pour vérifier leur identité - que dans un tiers des cas.

Comment peut-on améliorer cette situation ? D'abord, en signant avec les Etats concernés des accords de réadmission qui facilitent ces reconduites à la frontière. La France en a passé avec trente-six Etats, dont trente extérieurs à l'Union européenne, et nous en négocions actuellement huit autres. Ensuite, en prenant avec les pays de destination des arrangements administratifs pour organiser les reconduites par des voies aériennes. Enfin, en entretenant des relations suivies avec les autorités consulaires pour les pays les plus sollicités par ces reconduites.

La confiance, la persuasion et la conviction sont les clefs de la réussite de ces démarches. Toutefois, si vous avez connaissance de cas précis de comportements anormaux et si vous voulez bien me les signaler, monsieur le président Arthuis, je vous promets de faire procéder aux enquêtes nécessaires.

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