Intervention de Xavier Darcos

Réunion du 8 décembre 2004 à 21h45
Loi de finances pour 2005 — Affaires étrangères

Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour, je tiens à féliciter les rapporteurs pour leur travail de grande qualité, grâce auquel ils ont pu faire ressortir l'essentiel de ce projet de budget.

Je me conformerai strictement à la demande de M. Arthuis, c'est-à-dire que je concentrerai mon intervention sur les réponses aux questions qui m'ont été posées. J'essaierai de les ordonner pour faire ressortir les axes de notre coopération, sa signification et ses intentions.

Je tenterai également d'être le plus précis possible, d'autant que cette assemblée compte de nombreux spécialistes, qu'il s'agisse de la coopération, des finances ou du budget.

Comme l'ont souligné MM. les rapporteurs, la loi organique relative aux lois de finances clarifiera le champ de compétence de mon ministère, puisque, parmi les quatre programmes budgétaires qui regrouperont l'activité de l'ensemble du ministère, deux concerneront plus spécifiquement l'action de coopération : ils seront intitulés « Solidarité à l'égard des pays en développement » et « Rayonnement culturel et scientifique ».

Il faut bien reconnaître que la séparation entre ces deux programmes peut paraître artificielle, puisqu'elle est uniquement géographique. Cependant, je souligne que l'aide publique au développement a un double objet : d'une part, faire en sorte que les pays se développent, d'autre part, accroître l'influence française auprès des pays comme auprès des organisations multilatérales.

S'agissant de l'influence française, je dirai juste un mot, afin de faire écho aux remarques de MM. Fournier et Assouline, sur l'accueil des étudiants étrangers. Leur nombre est en forte augmentation, ce qui montre que la France est capable de coordonner ses différents services pour les visas, pour les bourses, pour la gestion des universités en faveur d'un objectif louable.

C'est, depuis quelques années, l'un des segments en plus forte croissance au sein de notre aide au développement ; c'est aussi l'un des vecteurs importants de notre influence. C'est pourquoi j'approuve tout à fait les propos qu'a tenus tout à l'heure M. Gouteyron, en tant que rapporteur spécial : il faut rester très vigilant sur la qualité des étudiants qui viennent en France. Je suis également ouvert à la proposition de M. de Montesquiou d'accueillir plus d'étudiants issus des pays en forte croissance, notamment asiatiques.

Pour autant, au-delà des deux programmes de la LOLF que je viens d'évoquer, le ministre de la coopération est concerné par bien d'autres programmes du ministère des affaires étrangères, par exemple par les dotations à l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger.

Monsieur Fournier, vous avez raison de souligner qu'il y a bien un effet d'optique dans la dotation allouée à l'AEFE : en fait, elle augmente de 3 millions d'euros si l'on prend en compte une mesure exceptionnelle qui a permis de financer la réforme des emplois.

Je tiens à vous rassurer : l'AEFE est bien dotée en euros. Certes, elle dépense l'essentiel de son budget en devises. Par conséquent, le Gouvernement a été attentif à protéger ses gains de change en 2002, en 2003 et en 2004, ce qui lui a permis d'augmenter considérablement son fonds de roulement en n'amputant pas pour autant son budget pour 2005.

Par ailleurs, je partage tout à fait la préoccupation de M. Guerry et de Mme Garriaud-Maylam de voir évoluer les modes d'intervention de l'AEFE. Bien entendu, ces évolutions doivent être progressives pour éviter de faire table rase du passé, qui a donné des résultats très satisfaisants et pour prendre en compte la situation très diversifiée de nos établissements. J'en veux pour preuve les fortes différences de coûts qui existent entre les lycées des différents pays du monde.

Comme l'a souligné M. Ferrand dans son rapport remis au Premier ministre, nous devons développer des sources de financements alternatives, en complément de ceux de l'Etat, par exemple grâce à un concours renforcé des entreprises.

Ainsi que je l'avais dit lors de ma communication en conseil des ministres sur ce sujet voilà un mois, l'enjeu immobilier est essentiel. L'AEFE devra également se doter de compétences domaniales, lorsqu'un décret en Conseil d'Etat l'aura permis.

Je remercie une nouvelle fois M. Ferrand des encouragements qu'il a adressés à Michel Barnier et à moi-même pour l'action déjà accomplie, et je l'assure de ma détermination à mobiliser également le ministère de l'éducation nationale, que je connais un peu.

M. Ferrand a posé plusieurs questions très précises. Compte tenu à la fois de leur caractère extrêmement sophistiqué et de l'heure avancée, je propose de lui répondre par écrit.

M. Plancade a évoqué le problème des mines antipersonnel. De fait, cette question concerne à la fois le ministre des affaires étrangères et le ministre délégué au développement.

La semaine dernière, je me trouvais à Nairobi pour une réunion consacrée à cette question douloureuse. C'est un fléau terrible, qui fait encore, chaque année, 15 000 à 20 000 victimes. Il faut souligner l'action des ONG dans ce domaine, en particulier celle de Handicap International. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Plancade, l'engagement de notre pays en la matière est ancien et profond, puisque la France est le premier des cinq membres permanents du conseil de sécurité à avoir ratifié la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel. La France y a consacré plus de 13 millions d'euros depuis 1996 et près de quatre fois plus dans le cadre européen.

Les efforts seront poursuivis puisque, comme je l'ai annoncé à Nairobi la semaine dernière, 5 millions d'euros viendront s'y ajouter pour le seul continent africain.

Nous sommes évidemment favorables à une ratification plus large de cette convention. Nous continuerons à faire pression sur les pays puissants et très représentatifs sur la scène internationale, notamment la Chine, les Etats Unis ou l'Inde, pour les inciter à ratifier cette convention.

Mais je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs, concentrer mes propos sur l'aide publique au développement. Comme l'a dit tout à l'heure Michel Barnier, il s'agit bien de la première priorité du budget des affaires étrangères et son augmentation est due, en grande partie, à l'accroissement de l'aide au développement.

Vos rapporteurs Michel Charasse et Paulette Brisepierre ont relevé à quel point cette augmentation reflétait l'engagement pris par le Président de la République de consacrer à l'aide au développement 0, 5 % de notre PIB en 2007 et 0, 7 % en 2012.

Nous sommes dans la bonne voie puisque nous prévoyons 0, 42 % du PIB en 2004 et 0, 44 % en 2005.

Cet objectif 2004 sera atteint, monsieur Charasse, sans que soient mises en place des mesures correctrices, parce que certains pays ont déjà bénéficié d'allégements de dettes plus tôt que prévu, ce qui compense le retard des autres, et parce que certains segments de notre aide ont progressé suffisamment vite.

Je vous concède cependant, monsieur Charasse et monsieur Pelletier, que l'augmentation constatée résulte en grande partie d'allégements de dette, qui représentent aujourd'hui 20 % à 30 % de notre aide. Mais ne négligeons pas pour autant les autres actions. Ainsi, l'aide au développement inscrite dans le budget du ministère des affaires étrangères augmentera de 160 millions d'euros pour dépasser les 2, 2 milliards d'euros. Cette évolution résulte, pour une grande part, de la décision de contribuer chaque année au Fonds mondial contre le SIDA, à hauteur de 150 millions d'euros, et de la montée en puissance des décaissements du Fonds européen de développement, dont la dotation passe de 565 millions à 628 millions d'euros.

Sur le premier de ces sujets, je voudrais souligner, pour répondre à Mme Luc, à quel point la France est engagée dans la lutte contre le SIDA. Cette seule contribution au Fonds mondial contre le SIDA fait de nous l'un des tout premiers contributeurs. Mais nous menons également de nombreuses actions bilatérales d'accompagnement dans les pays. Car il ne suffit pas de fournir les médicaments, ni d'avoir des ressources importantes : encore faut-il que les systèmes de santé fonctionnent et que les campagnes de prévention soient plus efficaces.

S'agissant du Fonds européen de développement, madame Cerisier-ben Guiga, nous avons prévu une inscription de 42 millions d'euros dans la loi de finances rectificative de 2004 pour financer notre part du FED cette année. En ce qui concerne l'année 2005, il est toujours difficile de prévoir les décaissements avec certitude. Ainsi, la Commission vient de diminuer son estimation des besoins pour 2005 de 30 millions d'euros rien que pour la France. Si l'augmentation substantielle que nous avons prévue pour cette ligne budgétaire entre 2004 et 2005 s'avérait insuffisante, nous chercherions évidemment une inscription en loi de finances rectificative.

Comme le constate Michel Charasse, le FED débourse mieux. Mais ce n'est pas entièrement le fait de contributions à des fonds multilatéraux, qui ne représentent qu'entre 5 % et 10 % des volumes totaux. D'ailleurs, je m'en félicite, car lorsque le FED décaisse, on ne se souvient pas toujours de celui qui a fourni les fonds décaissés. Je note d'ailleurs que, dans les deux cas significatifs - les pays pauvres très endettés, les PPTE, et le Fonds mondial contre le SIDA -, la contribution européenne s'est faite sur l'initiative de la France, amenant d'autres pays de l'Union à se joindre à nos priorités.

Mais Michel Charasse a raison de souligner le défi important qui nous attend dans la perspective de 2006 et 2007, car l'engagement présidentiel en matière d'aide publique au développement représente des montants très importants : cela revient à passer de 5 milliards d'euros en 2001 à 9 milliards d'euros en 2007, au moment où les allégements de dettes auront tendance à diminuer. Il s'agit donc de trouver à décaisser des sommes véritables.

Je tiens au passage à souligner qu'il est parfaitement fondé d'inclure des abandons de créances dans le calcul de l'aide publique au développement, parce que les pays dont la dette est ainsi allégée investissent les sommes économisées dans des politiques de réduction de la pauvreté. Les études de la Banque mondiale montrent que ces pays augmentent très fortement leurs dépenses de réduction de la pauvreté lorsqu'ils bénéficient de l'initiative PPTE.

Il s'agit donc non pas d'un artifice comptable, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure, mais simplement d'un effort budgétaire français à destination des pays les plus pauvres.

M. Plancade a raison de souligner que les importantes annulations de dette que nous venons de décider sur l'Irak auront un impact sur le montant de notre aide : nous avons effectivement prévu 500 millions d'euros à ce titre en 2005. Conscient de ce fait, le Gouvernement a décidé, en juillet dernier, qu'il n'irait pas au-delà de ce chiffre et c'est en grande partie la raison pour laquelle nous avons cherché, et obtenu, un phasage des annulations du Club de Paris.

Je ne vais pas détailler la manière dont cette dette sera échelonnée jusqu'à 2008, année qui marque la fin de l'accord avec le FMI ; j'ai déjà répondu à ce sujet hier, à l'Assemblée nationale.

En matière de dotations aux organisations internationales onusiennes, pour répondre à une question que soulevait Jean-Guy Branger, nous n'avons pas à rougir de notre participation. Néanmoins, un effort complémentaire nous permettrait d'augmenter substantiellement notre influence auprès des Nations unies. C'est pourquoi nous comptons demander une dotation complémentaire de 20 millions d'euros en loi de finances rectificative de 2004.

Nous envisageons bien, comme le souhaite Michel Charasse, de concentrer cette dotation sur quelques organisations sur lesquelles nous souhaitons davantage peser. Bien évidemment, pour répondre à M. Pelletier et à M. Plancade, cela concernera le CNUD.

Au-delà de ces chiffres, Mme Cerisier-ben Guiga a souligné avec justesse l'importance de la réforme que le Gouvernement a engagée pour rendre le dispositif de coopération plus efficace. Elle a rappelé les décisions prises par le CICID, qui s'est tenu le 20 juillet dernier sous la présidence du Premier ministre.

Je vous indiquerai tout d'abord quels en sont les points principaux et je répondrai ensuite à l'objection que vous avez soulevée.

En premier lieu, le ministre chargé de la coopération est désigné comme chef de file de l'aide publique, même s'il agit sous l'autorité du ministère des affaires étrangères, de sorte que tous les acteurs publics concernés, jusqu'ici dispersés, puissent travailler ensemble. J'ai d'ailleurs réuni récemment la Conférence d'orientation stratégique et de programmation de l'aide publique au développement, où tous les ministères étaient représentés. On se demande même comment on pouvait faire lorsque ce dispositif n'existait pas.

En second lieu, le CICID a décidé que notre aide serait plus sélective et plus concentrée. Elle serait également mieux orientée vers les Objectifs du Millénaire, qui visent à réduire de moitié la pauvreté dans le monde d'ici à 2015.

En troisième lieu, nous avons décidé d'établir des documents de référence par pays et par secteur. J'en ai parlé la semaine dernière avec le commissaire européen au développement, M. Louis Michel ; ce sera la base de la coordination entre nos actions et celles de la Commission.

En quatrième lieu, les rôles de chacun dans la mise en oeuvre de l'aide sont clarifiés : au ministère des affaires étrangères, la définition des stratégies des grandes orientations ; à l'AFD, la mise en oeuvre de ces orientations sur le terrain.

Bien entendu, l'Etat conservera un appui institutionnel aux organisations non gouvernementales, tandis que l'AFD pourra travailler avec elles pour des actions concrètes de terrain.

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