Intervention de Gérard Cornu

Réunion du 9 décembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Développement et régulation économiques

Photo de Gérard CornuGérard Cornu, en remplacement de M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je présenterai l'enveloppe budgétaire de la mission « Développement et régulation économiques » au nom de mon collègue Pierre Hérisson, qui, compte tenu de la modification de l'ordre du jour, n'a pu se libérer aujourd'hui.

Cette mission mobilise près de 4 milliards d'euros au titre des crédits et 10 milliards d'euros au titre des dépenses fiscales associées, qui sont destinés à améliorer l'emploi et la compétitivité de nos entreprises. J'indique d'ores et déjà que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur les crédits de cette mission.

Permettez-moi d'abord, messieurs les ministres, d'évoquer un point méthodologique concernant la pertinence des objectifs et des indicateurs de performance qui ont été retenus pour élaborer cette mission budgétaire.

Ainsi, peut-on raisonnablement mesurer l'efficacité de l'action des régulateurs que sont l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, et la CRE, la Commission de régulation de l'énergie, à la seule aune des délais de réponse aux demandes d'avis ou de traitement des différends et des plaintes ?

De même, peut-on n'assigner au programme « Développement des entreprises » aucun objectif relatif à l'action « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information », alors même que cette action mobilise 20 % de ses crédits et que le projet annuel de performances la qualifie de « priorité stratégique » ?

Je consacrerai mon propos à un volet de cette priorité stratégique, je veux parler de La Poste.

La Poste est au milieu du gué : elle a entrepris une réforme en profondeur, mais son environnement reste incertain. Cette dynamique de réforme se traduit de diverses manières.

D'abord, elle a amélioré sa performance globale, avec un résultat d'exploitation, en 2005, de 755 millions d'euros. C'est le meilleur score de l'exploitant public depuis sa création en 1991. Sa rentabilité opérationnelle est passée de 1, 7 % en 2003 à 3, 9 % en 2005. Et, grâce à la loi de 2005, La Poste a la perspective de profiter enfin, en 2006, de 200 millions d'euros, au titre de l'allégement des charges sociales.

Par ailleurs, deuxième fruit de la réforme, dans un contexte de concurrence croissante, La Poste dispose d'une stratégie face au tassement des volumes de courrier. En effet, elle met en place deux projets majeurs d'investissement : le plan « Cap Qualité Courrier », avec 3, 4 milliards d'euros pour mécaniser et automatiser intégralement la production d'ici à 2010, et le plan « Cap Relation Client », qui prévoit 1 200 bureaux rénovés en 2006 et autant en 2007, soit dix fois plus qu'en 2004.

Ces investissements contribuent d'ores et déjà à améliorer la qualité du service aux clients. Ainsi, presque 82 % des lettres sont distribuées le lendemain, ce qui représente neuf points de plus qu'en 2002, et ce malgré les entraves au transport aérien et routier qu'elle subit.

Le troisième fruit de la réforme concerne le lancement de La Banque Postale, au 1er janvier dernier.

La Poste peut ainsi espérer rajeunir et fidéliser sa clientèle et faire de La Banque Postale la banque principale de 10 millions de Français en 2010.

Enfin, sur les métiers du colis et de l'express, La Poste se modernise pour conforter sa croissance.

Néanmoins, malgré cette volonté de réforme manifeste, elle reste tributaire d'un environnement incertain.

D'abord, le cadre réglementaire de son activité est encore inachevé : certains décrets d'application de la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales n'ont toujours pas été pris, monsieur le ministre délégué. Je pense surtout au décret relatif au service universel postal, essentiel pour elle.

Ensuite, La Poste est confrontée à une concurrence grandissante : dès 2006, le chiffre d'affaires du secteur réservé - donc en monopole - ne représentera que 38 % du chiffre d'affaires de la maison mère. Et la Commission européenne propose une libéralisation complète des marchés postaux en 2009. Pour ma part, je juge impossible d'imposer à La Poste une concurrence totale tant que le financement du service universel postal, clef de l'aménagement du territoire, n'est pas sécurisé.

Enfin, La Poste reste soumise à trois hypothèques bruxelloises.

La première concerne le livret A, sur lequel la Commission européenne a ouvert une enquête. C'est un sujet important pour le logement social, mais aussi pour La Poste, pour son image et son équilibre financier.

La deuxième hypothèque porte sur le statut de La Poste ou, plus exactement, sur la garantie illimitée de l'État dont elle bénéficierait. Or en quoi La Poste, dont la capacité d'autofinancement a dépassé le milliard d'euros en 2005, aurait-elle besoin d'une aide de l'État en la matière ?

La dernière hypothèque concerne les retraites des postiers fonctionnaires. Bruxelles veut s'assurer que l'équité concurrentielle n'est pas menacée par la prochaine réforme de leur financement, prévue dans le collectif, grâce au versement d'une soulte et d'une cotisation employeur libératoire, orientée vers le niveau d'équité concurrentielle.

Vous le voyez, mes chers collègues, La Poste n'est pas encore arrivée à bon port et le vent souffle fort. Nous voulons l'accompagner dans cette traversée. Je sais qu'elle peut aussi compter sur vous, monsieur le ministre délégué.

Voilà ce que voulait dire notre collègue Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, grand défenseur de La Poste !

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